Téléphone portable : la mise en garde de vingt éminents scientifiques
"Nous sommes aujourd’hui dans la même situation qu’il y a cinquante ans pour l’amiante et le tabac. Soit on ne fait rien, et on accepte un risque, soit on admet qu’il y a un faisceau d’arguments scientifiques inquiétants" :
Thierry Bouillet, cancérologue à l’hôpital Avicenne de Bobigny, a signé l’Appel des vingt contre le portable, coordonné par David Servan-Schreiber, professeur de psychiatrie à l’université de Pittsburgh, dans Le Journal du dimanche qui le résume ainsi : "Dans leur liste de dix précautions à prendre, "basiques" selon eux mais tout de même radicales, ils vont jusqu’à demander aux parents d’enfants de moins de 12 ans d’interdire tout accès aux portables à leur progéniture, sauf en cas d’urgence. Le noyau dur des cancérologues rassemblés pour cet appel connaît le psychiatre David Servan-Schreiber depuis la sortie d’Anticancer. "Il nous avait réunis pour nous présenter son travail, poursuit Thierry Bouillet. Pour ne pas qu’on le détruise dans la presse sans savoir ce qu’il en était. On partait tous avec un mauvais préjugé, c’est quelqu’un de très controversé. Mais nous avons été conquis." Dès aujourd’hui, on peut retrouver sur Guerir.fr, le site de David Servan-Schreiber, un comparatif du niveau des ondes électromagnétiques émises par les différents modèles de portables."
Au nom du principe de précaution
"Les champs magnétiques émis par les téléphones portables doivent être pris en compte en matière de santé, écrivent les vingt scientifiques, parmi lesquels le président de la Ligue nationale contre le cancer, le Pr Henri Pujol. Les études disponibles mettent en évidence une pénétration significative des champs électromagnétiques des téléphones portables dans le corps humain, divers effets biologiques des champs électromagnétiques même en dessous des seuils de puissance imposés par les normes de sécurité européennes, une association probable avec certaines tumeurs bénignes (neurinomes du nerf acoustique) et certains cancers du cerveau, plus marquée du côté d’utilisation de l’appareil. Dans l’attente de données définitives portant sur des périodes d’observations prolongées, les résultats imposent que l’on fasse part aux utilisateurs des mesures les plus importantes de précaution".
Estimation de la pénétration du rayonnement électromagnétique d’un téléphone portable en fonction de l’âge (Fréquence GSM 900 Mhz) (A droite, échelle du Débit d’Absorption Spécifique à différentes profondeurs, en W/kg)
Quels sont ces "dix commandements" ?
- 1. N’autorisez pas les enfants de moins de 12 ans à utiliser un téléphone portable sauf en cas d’urgence. En effet, les organes en développement (du fœtus ou de l’enfant) sont les plus sensibles à l’influence possible de l’exposition aux champs électromagnétiques.
- 2. Lors de vos communications, essayez autant que possible de maintenir le téléphone à plus d’1 m du corps (l’amplitude du champ baisse de quatre fois à 10 cm, et elle est cinquante fois inférieure à 1 m de distance – voir figure 2).
Dès que possible, utilisez le mode « haut-parleur », ou un kit mains libres équipé d’un tube à air dans ses derniers 20 cm qui semble moins conduire les ondes électromagnétiques qu’un kit mains libres filaire traditionnel,*** ou une oreillette bluetooth (moins d’1/100e de l’émission électromagnétique du téléphone en moyenne). - 3. Restez à plus d’1 m de distance d’une personne en communication, et évitez d’utiliser votre téléphone portable dans des lieux publics comme le métro, le train ou le bus où vous exposez passivement vos voisins proches au champ électromagnétique de votre appareil.
- 4. Evitez le plus possible de porter un téléphone mobile sur vous, même en veille. Ne pas le laisser à proximité de votre corps la nuit (sous l’oreiller ou sur la table de nuit) et particulièrement dans le cas des femmes enceintes – ou alors le mettre en mode « avion » ou « hors ligne/off line » qui a l’effet de couper les émissions électromagnétiques.
- 5. Si vous devez le porter sur vous, assurez-vous que la face « clavier » soit dirigée vers votre corps et la face « antenne » (puissance maximale du champ) vers l’extérieur.
- 6. N’utilisez votre téléphone portable que pour établir le contact ou pour des conversations de quelques minutes seulement (les effets biologiques sont directement liés à la durée d’exposition). Il est préférable de rappeler ensuite d’un téléphone fixe filaire (et non d’un téléphone sans fil — DECT — qui utilise une technologie à micro-ondes apparentée à celle des portables).
- 7. Quand vous utilisez votre téléphone portable, changez de côté régulièrement, et avant de mettre le téléphone portable contre l’oreille, attendez que votre correspondant ait décroché (baisse de la puissance du champ électromagnétique émis).
- 8. Evitez d’utiliser le portable lorsque la force du signal est faible ou lors de déplacements rapides comme en voiture ou en train (augmentation maximale et automatique de la puissance lors des tentatives de raccordement à une nouvelle antenne relais ou à une antenne distante).
- 9. Communiquez par SMS plutôt que par téléphone (limite la durée d’exposition et la proximité du corps).
- 10. Choisissez un appareil avec le DAS le plus bas possible par rapport à vos besoins (le « Débit d’absorption spécifique » mesure la puissance absorbée par le corps).
Alors comme ça, la téléphonie mobile pourrait être dangereuse et on ne nous le dit pas ? Correction : des lanceurs d’alerte multiplient les avertissements depuis longtemps et les anciens Plumonautes savent que nous tenons, dans notre rubrique Les opérateurs téléphoniques tuent, la chronique d’un scandale sanitaire annoncé, depuis le 6 mars 2006 et notre interview d’Étienne Cendrier, le porte-parole de l’association Robin des Toits. Deux autres associations, Agir pour l’environnement et Priartem (Pour une réglementation des implantations d’antennes-relais de téléphonie mobile), emboîtent le pas des vingt scientifiques dans un communiqué commun : "Les associations se félicitent d’une telle prise de position et appellent le ministère de la Santé à agir en conséquence. Selon les associations, ce premier appel lancé à l’initiative de membres éminents du monde médical français sur les risques liés à la téléphonie mobile, constitue une alerte de plus qui nécessite une réponse immédiate des autorités publiques en charge de la santé. Les associations constatent avec amertume que la loi-cadre Grenelle demeure quasi muette sur ce sujet de santé publique. Depuis plusieurs années déjà, Priartem et Agir pour l’environnement tentent d’obtenir des pouvoirs publics le lancement de campagnes d’informations sur les risques potentiels liés à l’usage du portable, l’interdiction de la commercialisation des téléphones portables spécifiquement destinés aux enfants, l’interdiction des campagnes promotionnelles des opérateurs à destination des jeunes ainsi qu’un abaissement des normes réglementaires actuellement en vigueur. Malgré les promesses électorales du président de la République concernant, notamment, la commercialisation des portables destinés aux enfants, aucune mesure n’a été prise, hormis la diffusion d’un communiqué de presse, le 2 janvier sur la nécessité d’appliquer le principe de précaution. Pour les associations, une simple communication institutionnelle ne peut pas se substituer à l’action politique. Les associations considèrent que la comparaison qui revient de plus en plus systématiquement dans l’expression des scientifiques avec le tabac incite à mobiliser des moyens analogues de sensibilisation aux risques afin de favoriser l’adoption d’une consommation plus raisonnée du portable. Un certain nombre de spécialistes constatent, en effet, déjà la multiplication des conduites addictives au portable, tout particulièrement chez les adolescents. Une recherche récente d’un spécialiste du sommeil (G. Brade, Suède) a montré que cette addiction semblait avoir des répercussions sur l’équilibre comportemental de ceux-ci (troubles du sommeil, irritabilité et agressivité, conduites à risques). Seules des campagnes officielles, relayées dans les milieux scolaires par des programmes appropriés du type de ceux qui ont été réalisés sur le tabac ou la nutrition par exemple, pourront permettre de retourner cette tendance. Priartem et Agir pour l’environnement appellent les ministres de la Santé et de l’Ecologie à tout mettre en œuvre pour éviter que le téléphone portable soit le prochain et plus important scandale de santé publique."
Quels sont les dangers ?
"Les scientifiques s’accordent sur deux choses, explique Le JDD : il n’y a pas de preuve formelle de la nocivité du portable, mais un risque existe qu’il favorise l’apparition de cancers en cas d’exposition à long terme. On constate en revanche des divergences profondes entre chercheurs sur le niveau de ce risque, qualifié de ’faible’ par le ministère de la Santé. Une étude suédoise montre que le risque d’avoir une tumeur cancéreuse du côté où l’on téléphone est multiplié par deux au bout de dix ans. Le rapport américain BioInitiave ajoute qu’il y a également un risque significatif d’augmentation des leucémies infantiles et des troubles neurologiques (dont l’Alzheimer). Des résultats contestés par les partisans du risque faible, qui ne les estiment pas assez rigoureuses. Les chercheurs comptent sur Interphone, la première étude épidémiologique de grande ampleur menée dans 13 pays. Son volet français a déjà conclu qu’il y a ’une tendance générale à un risque accru de gliomes (tumeurs cancéreuses) chez les gros utilisateurs’, mais précise que ces résultats ne sont ’pas statistiquement significatifs’. Les résultats définitifs, attendus cette année, devraient permettre d’y voir plus clair."
Pourquoi alors un tel laisser-faire de la part de l’État ? C’est que les opérateurs influencent les experts pour proclamer une dangerosité nulle : "En France, le travail de l’Afsset, l’agence publique qui a réalisé les deux derniers rapports officiels sur le sujet, a été désavoué par ses ministères de tutelle, rappellent Yann Philippin et Soazig Quemener dans leur article du JDD. Quatre des dix experts du rapport de 2005 avaient des liens directs ou indirects avec des opérateurs, tandis que des experts du rapport de 2003 avaient plaidé pour le faible danger du mobile dans un supplément publicitaire d’Impact Medecine financé par France Télécom."
Dissimulation des dangers potentiels par les opérateurs et complicité des pouvoirs publics : combien de tumeurs dans vingt ans ?
PS : L’illustration "forfait tumeur" vient du blog de Laurent Vermot-Gauchy.
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