Un handicap méconnu : la prosopagnosie
Ne pas identifier le visage de ses proches – et dans les cas les plus aigus être incapable de reconnaître sa propre image dans un miroir –, voilà qui est étonnant. Mais aussi très pénalisant dans la vie courante pour celles et ceux qui sont affecté(e)s de ce trouble de la reconnaissance visuelle. Tout particulièrement en termes de relations sociales…
On sait tous que certaines personnes ont des facultés hors normes en termes de reconnaissance des visages, même après de brèves rencontres. On dit de ces personnes qu’elles sont physionomistes. Il en est même qui font de cette aptitude un métier, à l’image de celles et ceux qui filtrent les entrées dans les boîtes de nuit pour prévenir l’intrusion d’indésirables ou les casinos pour empêcher les joueurs interdits de pénétrer dans les établissements de jeu. À l’inverse, il existe des personnes qui éprouvent des difficultés à reconnaître leurs semblables, au point d’en être parfois totalement incapables, y compris au contact de proches parents ou de collègues familiers. Certaines ne se reconnaissent même pas dans une glace ni sur une photographie ou une vidéo !
La prosopagnosie est la conséquence de carences ou d’altérations cérébrales qui affectent le processus de reconnaissance visuelle. Les scientifiques s’accordent en général pour en distinguer trois sortes : la prosopagnosie dite développementale ou congénitale lorsqu’elle concerne un patient dès sa petite enfance, voire dès sa naissance ; la prosopagnosie progressive ou neurodégénérative apparaît puis se développe quant à elle chez l’adulte, notamment dans le cadre d’une pathologie de type Alzheimer ; enfin, la prosopagnosie acquise résulte d’un accident ou d’une maladie ayant entraîné des lésions cérébrales, les cas les plus fréquents étant liés à des accidents vasculaires cérébraux (AVC), des traumatismes crâniens, des encéphalites ou des tumeurs.
On estime qu’environ 2 à 3 % des personnes sont atteintes de prosopagnosie à des degrés divers allant de difficultés plus ou moins grandes à reconnaître les visages à une incapacité totale. Parmi elles, une personnalité connue : Brad Pitt*. Dans une interview donnée au magazine américain Esquire** en juin 2013, l’acteur a en effet révélé être victime de ce syndrome et a confié être incapable de reconnaître spontanément les personnes avec lesquelles il avait échangé ne serait-ce que quelques jours plus tôt. Pas même celles avec qui il avait eu le temps d’avoir une « vraie conversation ». Cela lui a injustement valu dans le milieu du cinéma la réputation d’être hautain et prétentieux : « Beaucoup de gens me détestent parce qu’ils pensent que je leur manque de respect. »
Le principal problème que rencontrent les personnes atteintes de prosopagnosie réside effectivement dans le regard des autres lorsqu’ils ne sont pas informés. Cela peut se traduire dans leur attitude par de l’étonnement, voire de l’irritation, à l’image des réactions mentionnées par Brad Pitt à son égard. C’est pourquoi les victimes de ce syndrome utilisent pour éviter ce type de désagrément – le plus souvent avec une grande acuité liée de facto à un état de nécessité sociale – toutes les ressources dont elles disposent pour identifier autrui. Cela passe évidemment par la voix lorsque s’installe un échange. Mais cela peut aussi bien passer par la silhouette, la démarche, la forme de la coiffure, l’habillement, les bijoux ou la montre, ou tout autre élément caractéristique.
Les personnes affectées par ce syndrome n’ont de toute façon pas de choix alternatif à leur disposition : à ce jour, il n’existe malheureusement aucun traitement médical ou chirurgical qui permette de rétablir les connexions neuronales endommagées ou absentes dans les zones cérébrales concernées. C’est pourquoi chacun d’entre nous doit être prudent dans sa réaction à un apparent dédain d’autrui : il peut être le fait d’une personne atteinte de prosopagnosie !
* Parfois cité, Thierry Lhermitte a démenti être atteint de prosopagnosie.
** Esquire appartient au groupe de médias Hearst.
Note : En réalité, l’image wikipedia qui illustre ce texte est mensongère dans la mesure où la personne qui souffre de prosopagnosie voit normalement les visages mais se révèle incapable de les mémoriser et par conséquent de les reconnaître plus tard.
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