Acculturation et syndromes coloniaux
En partant des termes d’acculturation et de contre acculturation, j’ai voulu y rajouter une réflexion qui est alimenté par une expérience personnelle. Sujet oh combien sensible qui suscite parfois des reactions violentesmais dont ces mêmes réactions participent à des schèmes déjà étudié en sociologie et que l’on retrouve sous le terme d’acculturation. Le sujet est vaste, c’est la raison pour laquelle je me borne à en aborder que certains aspects.
On donne généralement comme définition de l’acculturation : « Ensemble des phénomènes résultant de contact direct et continu entre des groupes d’individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types de cultures originaux de l’un ou de l’autre groupe »
Ces processus dynamiques se retrouvent tout au long de l’Histoire des Hommes. Les raisons de ces contacts qui, engendrent ce phénomène sont multiples, invasions, guerres, colonisation, immigration.
L’acculturation été étudié par le biais de la sociologie urbaine par l’école de Chicago, cette école de pensée nous permet de mieux appréhender les phénomènes et les épiphénomènes qui en découlent
L’acculturation est donc ce processus dont la dynamique se régénère grâce aux contacts de deux cultures différentes. Elle a été analysée ainsi ; Il y a une phase de rivalité (concurrence) puis de conflit (prise de conscience de la rivalité), ; l’adaptation (ajustement des individus et du groupe aux situations sociales crées par le conflit) ; puis en dernier lieu, on trouve l’assimilation : « par laquelle s’opère la fusion entre les individus et le groupe ou société d’accueil ; des individus ou des groupes acquièrent des souvenirs, les sentiments et les attitudes d’autres individus et d’autres groupes et en partageant leur expérience et leur Histoire, sont associés à eux dans une vie culturelle commune » Il y a donc dans ces expériences sensible, tout un travail de l’individu qui se construit jusqu’à intérioriser les normes et les valeurs de la culture « dominante ». La dernière phase de ce processus est donc l’assimilation : Park définit l’assimilation comme suit : « ……….dès que l’immigrant n’exhibe plus ses marques qui l’identifient comme membre d’un groupe étranger, il acquiert par ce fait, le réel a défaut le statut de natif ».
Le problème avec cette école de pensée c’est que ces phénomènes d’acculturation sont étudiés que du point de vu d’un seul groupe, le migrant ou l’autochtone ! L’acculturation est un principe dynamique qui agit sur les groupes en présence, il y a aussi changement de la société d’accueil qui elle aussi passe par les phases de conflit, d’adaptation…il y a continuellement interactions qui dans nos société européennes se manifestent plus ou moins bruyamment dans l’actualité, j’en veux pour exemple, le voile, la burqa, l’excision, le hallal….
Mais dans l’exemple de l’acculturation qui a été étudié en Amérique nous pouvons prendre pour exemple la société américaine de T Roosevelt à la fin du XIX qui voyant l’arrivée massive de migrants italiens tous catholiques dans un pays protestants, prends des mesures pour éviter selon son expression « le suicide de la race ». L’Amérique a su se réformer et assimiler ces nouveaux apports et cette formule choc employée par cet homme politique parait aujourd’hui totalement obsolète tandis que l’acculturation et ses différentes phases confirment les processus étudiés.
Dans la phase conflictuelle et celle de l’adaptation naissent aussi des réactions que l’on nomme « contre acculturation », ces faits observable se manifestent de différentes façon. Dans l’exemple des noirs d’Amérique que l’on peut transposer avec ses équivalents dans un autre pays. C’est le cas de la France et de ses apports migratoires. A mon avis dans l’acculturation on ne prend pas assez en compte la psychologie des groupes qui entre en contact. Si on prend les apports migratoires venant des anciennes colonies, il parait nécessaire de prendre en compte cette donnée essentielle, qu’est la colonisation ! La colonisation qui elle aussi a permis l’émergence des phénomènes d’acculturation d’une autre sorte car le rapport était différent, il s’agissait de rapports Dominants/Dominés, de ces rapports vont naitre des héritages différents. La venue des migrants arrivant des anciennes colonies aura une teinte différente.
Nous observons qu’ici la phase d’assimilation pour la France contrairement à d’autres apports, tel les Italiens, Espagnols, Polonais…. sera beaucoup plus longue et c’est pour cela que l’on a inventé les termes insertion, intégration. L’intégration qui se définit comme suit : « Un processus par lequel un individu intériorise des normes, des valeurs de la culture avec laquelle il est en contact, et ce d’une façon conduisant à une insertion réussi » .On est donc intégré ou pas intégré à la société ! Mais peut-on dire d’une personne raciste, xénophobe…qu’elle n’est pas intégrée ? Puisqu’elle ne défend pas les différents héritages constitutionnels Cette idée paraitra saugrenue si la personne est française depuis plusieurs générations et totalement assimilé, selon le terme entendue par les sociologues. Ce terme désigne généralement un groupe particulier de Français, à savoir donc ceux ayant sinon une religion, une culture, un faciès, un patronyme qui diffère de l’apport européen. Le nom, le prénom deviennent des marqueurs sociaux d’où l’idée des CV anonymes.
Ces apports migratoires qui sont issus des anciennes colonies et dont les descendants, enfants petits enfants sont Français de religion ou culture musulmane et vivant dans un pays laïque semble plus longue à assimiler à causes des marqueurs sociaux qui seront de toute façon dilués dans la société française.. Mais si cette assimilation qui pour moi est inéluctable, si elle tarde c’est justement à cause du visuel (vêtements, couleurs de peau, religion, prénom…) et non pas comme un certain discours voudrait le faire croire à cause de l‘impossibilité d’assimilation à cause d’une religion différente, de valeurs différentes., ce discours même si ses cibles varient avec les apports migratoire et les époques, il est toujours le même envers l’étranger qui menace l’ordre établit, mais comme on l’a vu c’est un processus connu est étudié par les sociologues.
Si des mots arabes ont enrichi le vocabulaire, si des modes culinaires sont totalement assimilés, de la musique, toute une littérature… l’individu de religion musulmane tarde à être assimilé car il y a des résistances, celles-ci qui passent par la phase conflictuelle produisent des changements dans la société avant d’aller dans l’avenir vers les différentes phases qui menent à l'assimilation….selon le schéma décrit par les sociologues mais cette assimilation se fera non pas en niant les particularités mais en les incorporant.
la société evolue sans renier ses principes fondamentaux mais il y a comme on l'a vu des résistances que l'on retrouve dans tous les phénoménes d'acculturation.Ce sont dans ces résistances qu’émergent la « contre acculturation » qui est un phénomène qui opère sur les groupes en présence et non pas sur un seul groupe.La contre acculturation se définit ainsi : « Opposition à la culture dominante, sélection de certains traits par la culture dominante, certains traits sont acceptés pour former la nouvelle culture, alors que d’autres sont refusés » Il y a continuellement selon Bastide : « structuration, déstructuration, restructuration » cela se passe autant sur le plan individuel que sociétal. On voit que ces processus dépassent le cadre de l’apport migratoire mais il est vrai qu’ils se manifestent de façon plus angoissante lorsque les groupes en présence sentent que leur mode de vie est menacé.
Si nous nous concentrons cet approche sur l’apport migratoire tellement le sujet est vaste, l’étranger devient surtout une menace lorsqu’il devient un concurrent, lorsqu’il perd son statut d’étranger et acquièrent les mêmes droit que tout Français. Le principe d’Egalité pourra être perçu par un groupe ou tout au moins, une partie du groupe, comme une valeur qui menace l’équilibre d’antan…mais dans cette phase que le principe d’Egalité vient rééquilibrer les rapports entre les individus et la société, s’il est vécu comme un principe vide ne prenant pas en compte leur réalité, il y a un rejet d’un ou des deux groupes.
S’agissant de français issus des anciennes colonies ce rejet fait souvent échos avec les héritages celui du colonisés (dominés) et colonisateur (dominant). Si l’on en croit Bourdieu, les structures de nos psychismes se construisent avec nos héritages, il y a une reproduction d’un racisme « institutionnalisé » par la classe dominante pour ne pas perdre ses privilèges mais ces phénomènes ne concernent pas uniquement les migrants qui sont issus des anciennes colonies mais les Français dans leur ensemble, un fils d’ouvrier a moins de chance de connaitre une ascension sociale qu’un fils de médecin par exemple, sauf que pour les Français qui ont l’héritage colonial, c’est un critère négatif qu’il additionne a ceux qu’il a déjà en commun avec le fils d’ouvrier.
C’est là encore le principe d’Egalité qui va permettre l’adaptation, les réajustements, c’est lui qui au nom des valeurs républicaines va donner vie aux différentes associations qui par exemple luttent pour les respect des droits de l’Homme, sont contre le racisme, contre toutes les formes de discriminations, associations abhorrées par ceux qui voient en elles les complices d’un pouvoir qui refusent de voir le danger…. Il ne faut surtout pas négliger les forces de ces dynamismes qui s’ils ne dépassent pas le stade d’adaptation, peuvent régressert vers un stade conflictuel et violent, cela par le passé a déjà amené l’installation du régime de Pétain avec la production de lois contraire pour ne pas dire plus, à l’idéal republication. Pourtant cela s’est produit dans une France laïque garante de la liberté de culte, garante des droits de l’Homme…selon Didier Lapeyronnie le racisme s’exprime quand l’autre devient une menace pour l’identité, on pourrait rajouter aussi quand l’autre devient un concurrent sur le marché de l’emploi.
On devient aussi autre par le regard que l’on porte sur vous, le discriminé n’est pas passif, il retourne le regard du discriminant contre lui-même, il intériorise le racisme culturel, il devient « autre » par la volonté du discriminant. La relation est bien celle de dominant et de dominé ! Ce schéma mental perdure, il est plus ou moins partagé par la classe « dominante » car il est difficile de perdre un ascendant jouissif qui est le dernier vestige de la grandeur passée, d’une France coloniale et superpuissance, héritière du roi soleil, de Napoléon... on usera alors volontiers du mot « victimisation » de manière péjorative, parfois méprisante pour nier un ressenti, un vécu, en somme sa réalité est renvoyée vers le trouble psychologique, elle n’est pas acceptée.
Le mot « Victimisation » qui est largement employé, révèle surtout un refus de se laisser entraîner vers la « culpabilisation », comme si le « dominé », usant de ruse chercherai à lui faire perdre son ascendant. Il ne peut en être autrement, le « dominé » veut le faire culpabiliser, il doit se méfier de lui, ne pas se laisser duper. Il refuse violemment cette remise en cause, il préfère nier une réalité vécu pour imposer sa vision car accepter le discours du « dominé », c’est pour lui non seulement remettre en cause le moule dans lequel il est fait mais surtout voir son ascendance menacé ! En niant, en minorant le rôle des discriminations, il consolide surtout sa position sociale. Le « dominé » veut-il faire éprouver de la culpabilité ? C’est probable dans certains nombres de cas et même certain ! Mais le but poursuivi peut s ‘avérer pernicieux, si on n’y prend garde, car il ne doit pas être celui d’exercer à son tour, un ascendant « vengeur » mais de rechercher plutôt à créer un terrain propice à la discussion, propice au dynamisme propre à l’acculturation. Partir sur de nouvelles bases en prenant en compte la réalité vécu du « dominé ». Par la violence de ce désir de culpabilisation, on perçoit la violence du « dominé », ses frustrations, les explosions de haine, le racisme verbale, ne vise qu’a lui donner un rang dans une hiérarchie raciste recomposée ou il se donne la première place, c’est une place factice qui ne se désagrège pas grâce à sa rage, surtout qu’il a totalement intégré les l’échelle de valeurs racistes qui fait qu’il se retrouve de fait par un phénomène de contre-acculturation continuellement en conflit avec lui-même. La culpabilisation devient pour le « dominé », une arme qu’il n’hésite pas à retourner contre l’arrogance du dominant, le dominé somme le dominant à faire son examen de conscience et par-delà à lui reconnaître non seulement un traitement égal au sien. Il est difficile de s’imaginer à quel point l’héritage coloniale est vivant, il y a chez chaque descendant de colonisé, ce que j’appel, par facétie et esprit de provocation le « syndrome du colon » que celui-ci s’exprime par la rage ou la flagornerie. Il est plus ou moins développé selon les individus. Il y a un souvent complexe d’infériorité qui existe chez chaque enfant issu de l’immigration, lorsque qu’il se retrouve devant un « dominant » ou un de ses enfants même si tout cela est phantasme, les héritages décrit par Bourdieu continuent à influer sur les structures mentales.
Il doit gérer ce complexe qu’il a hérité de ses parents et du milieu dans lequel il a grandi et s’est construit. Existe-t-il un enfant immigré qui n’a pas eu l’occasion de voir dans son enfance et petite enfance, ses parents se faire humilier à cause de leur origine, existe-t-il un de ces enfants qui n’a pas dû à son tour subir des frustrations qui sont venues se rajouter à l’héritage parentale…personnellement je n’en connais aucun !
Il faudra sortir de ce stade conflictuel, du jeu pervers victimisation/culpabilisation, il ne peut en être autrement à moins de revenir sur un régime qui impose des lois d’exception comme le régime de Pétain ou des personnes totalement assimilés se sont vues sur des bases racistes déchus de leur nationalité. Bien qu’il est peu probable que le même scénario revienne au contraire ce traumatisme, cette plaie béante interdit cette régression vers l’abomination et même elle agit sur l’inconscient collectif et est un dynamique qui aidera à l’assimilation de nouveaux groupes. Car comme le démontre Hervé le Bras, c’est un apport migratoire constant qui a permis à la France de devenir ce pays de plus de soixante millions d’habitants !
Contrairement à d’autres je suis plutôt optimiste car pour moi le modèle républicain n’est pas a remettre en cause pas plus que le processus d’acculturation qui fait que la société change même si cet aspect n’est pas à mon avis assez pris en compte. La prise de conscience de ces rivalités s’estompent lorsque l’autre n’est plus autre mais accepté comme tel et je terminerais mon propos sur ces mots d’Hervé le Bras « Etre Français c’est avoir la nationalité française ».
Didier Lapeyronnie : « Ghetto urbain »
Hervé le Bras « Marianne et les lapins »
J Dermogon, E M Lipiansky guide de l’interculturel en formation.
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