Au moindre mal, malheur est bon
Récemment, un jugement rendu en faveur d’un jeune marié se plaignant que sa jeune épouse n’était pas vierge a suscité l’indignation de l’opinion publique. Pourtant, le jugement rendu est probablement le plus juste qui soit.
L’histoire commence simplement, deux personnes se marient, c’est le plus beau jour de leur vie. Jusqu’au moment de la nuit de noces où le marié constate avec effroi que la mariée n’est pas vierge et qu’il n’a pas de drap taché de sang à montrer. Il est humilié, ainsi que sa famille alors que la jeune femme, avant le mariage, avait dit qu’elle était vierge. L’homme bafoué porte plainte et demande annulation du mariage, ce qu’il obtient car la mariée avait menti.
Ce qui peut choquer au premier abord est le jugement rendu. La mariée "avait menti". Alors que le marié avait porté plainte pour l’absence d’une "qualité essentielle", la virginité. Là, c’est un peu plus difficile à percevoir, mais ce n’est pas la même chose. La mariée n’étant plus vierge, elle a menti, c’était donc son seul moyen de tenter de se protéger. On l’a condamnée pour le moyen, pas pour la faute. Comme elle est condamnée pour avoir menti, si elle avait déclaré avoir été blonde et que son mari avait constaté que c’est une brune décolorée, aurait-elle été condamnée de la même façon, pour le mensonge, mais pas pour la cause, puisque c’est la virginité qui est remise en cause. La nuance est peut-être subtile, mais elle est là. Une escroquerie n’est condamnée que lorsqu’elle a effectivement eu lieu. Tant que l’escroc se contente de mentir sans rien voler, il ne peut pas être condamné, un mensonge n’étant pas une preuve.
On peut donc trouver ce jugement trop injuste. Surtout dans notre République où, pour remettre en cause un mariage, il faut généralement avoir menti sur son identité ou être déjà marié.
En plus du fait que la déchirure de l’hymen n’a pas forcément de lien avec des relations sexuelles, ce qui met un doute raisonnable, la sexualité est une chose privée qui ne devrait pas entrer en compte, tout comme la religion. De plus, si la présence d’un hymen intact était si importante pour le marié, pourquoi n’y a-t-il pas eu de contrôle avant le mariage, comme cela se pratique en général ? Peut-être que la famille de la jeune femme était au courant également et a tenté tant bien que mal de marier la fille, se disant qu’une fois le mariage prononcé, tout reviendrait à la normale.
Et pourtant ! Le juge a rendu un jugement en noyant subtilement le verdict dans le mensonge au lieu de la non-chasteté. Indignation générale. Surtout que c’est une première. Et maintenant, on attaque la justice de toutes parts. Les jeunes filles auront maintenant un poids supplémentaire sur les épaules. Et la chirurgie de l’hymen va probablement se développer, comme au Japon.
Mais réfléchissons un instant. Si le juge avait rendu un jugement en faveur de la mariée, qu’aurait-il pu se passer ? Il est déjà arrivé que des jeunes filles soient agressées pour avoir déshonoré la famille. Aurait-elle subi le même sort ? Son mari n’aurait-il pas fait de sa vie un enfer, la répudiant, l’humiliant, l’insultant chaque jour de sa vie ? Le juge a dû penser à tout cela. Et il a fait un choix, certes audacieux, mais dans l’intérêt du plus faible. Il lui a donné tort. Il n’a pas forcément rendu un jugement exemplaire au sens strict, mais il a rendu un jugement humainement exemplaire, préférant "au moindre mal, malheur est bon", plutôt que d’appliquer durement la loi et de laisser cette jeune femme en subir les conséquences tout le reste de sa vie. Il valait mieux qu’elle ait quelques mois difficiles à passer, même si, derrière, la porte étant ouverte, il faudra juger d’autres cas similaires, jusqu’à ce que l’opinion publique s’en empare comme pour l’affaire du foulard et que, le débat venant, nous nous tournions les uns vers les autres.
La seule chose de vraiment triste est que, dans ce cas, le poids de la tradition a pesé plus lourd que l’amour. Après tout, s’il fallait un drap taché de sang, un homme aimant et compréhensif n’aurait pas préféré s’entailler le doigt de façon à tacher de son propre sang les draps plutôt que de traîner sa femme en justice ? C’est difficile à dire aussi lorsqu’on n’est pas à la place de l’autre, dans son contexte, avec la pression de l’entourage.
Que va-t-il se passer maintenant ? Probablement d’autres jugements du même genre pour celles qui n’auront plus l’hymen intact. La chirurgie pour ceux qui mettront les moyens financiers. La fellation comme aux Etats-Unis, ou la sodomie. Autant de moyens pour respecter la tradition jusqu’à ce qu’un doute raisonnable s’installe dans l’esprit des mariés et qu’ils n’aient plus comme solution que d’aimer et faire confiance à leur femme. Car aimer, c’est faire confiance !
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