« Aujourd’hui, ce sont les jeunes de 16 à 18 ans qui commettent le plus d’agressions sachant être protégés par la loi » ?
Comme il est doux et sympathique de ne rien faire, de laisser le temps passer sans même y prêter attention, de tenter de se vider la tête, de presque commencer à s’assoupir en oubliant le flot incessant de nouvelles qui coule juste à côté...
Comme il est doux et sympathique de fermer les yeux afin de partir chercher des rêves... qu’on ne trouve malheureusement pas encore...
Comme il n’est ni doux ni sympathique de se réveiller en apprenant, via l’AFP, les propos d’un sénateur trop connu et qui n’a pas besoin qu’on lui fasse de la publicité supplémentaire :
A la suite d’une série de faits divers impliquant plusieurs jeunes délinquants, l’ancien maire de Corbeil-Essonnes affirme, dans un communiqué, qu’"aujourd’hui, ce sont les jeunes de 16 à 18 ans qui commettent le plus d’agressions sachant être protégés par la loi".
Il indique donc avoir l’intention de déposer au Sénat "une proposition de loi pour modifier l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante qui protège les mineurs et pour que la majorité pénale soit applicable dès 16 ans et non 18 ans".
Restons calme et contentons nous de commenter.
Souvent, un certain nombre de personnes semblent partager l’idée que le jeune est mauvais, il ne pense qu’à faire du mal à la société ; ce ne serait qu’un délinquant en puissance.
Parfois, quelques uns dégainent l’arme absolue pour le prouver : des statistiques.
Je pourrais pourtant sortir des chiffres qui contredisent totalement cette belle théorie.
Mieux encore, je serais bien capable, en toute mauvaise foi, de me baser sur les mêmes données pour en donner des conclusions différentes ; chacun prendra celle qui l’arrange...
Ici, la cible est plus précise encore : les jeunes de 16 à 18 ans ; ce sont ceux qui commettraient le plus d’agressions.
J’attends les preuves ; je suis même prêt à y croire mais il va falloir se mettre de d’accord :
on nous explique depuis un moment que de nos jours le mineur délinquant n’aurait plus grand chose à voir avec les précédents : il serait de plus en plus jeune et auteur d’actes beaucoup plus graves.
A moins que l’explication ne soit dans l’utilisation du terme "agression" qui reste sujet de multiples interprétations.
Le sénateur ne s’arrête pas à ce simple constat ; il en donne la justification, à moins que ce soit celle de sa proposition de loi, : le jeune de 16 à 18 ans sait qu’il est protégé par la loi.
Si l’affirmation peut faire plaisir aux oreilles de certains, il démontre surtout une grande méconnaissance du droit pénal applicable aux mineurs.
Depuis la loi du 29 septembre 2002, la règle générale est fixée à l’article 122-8 du code pénal : tous les mineurs sont pénalement responsables des infractions qu’ils commettent dès lors qu’ils sont capables de discernement.
Le texte précise également que tous les mineurs peuvent faire l’objet de mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation, que des sanctions éducatives sont susceptibles d’être prononcées à l’encontre des mineurs de dix à dix-huit ans et qu’une peine est encourue dès l’âge de 13 ans en tenant tout de même compte de l’atténuation de responsabilité prévue en raison de l’âge.
Pour poursuivre le raisonnement, il faut parcourir la fameuse ordonnance du 2 février 1945 :
Passons sur les dispositions concernant les mineurs de moins de 16 ans et intéressons nous à celles relatives à la situation de ceux qui sont directement visés par cette annonce.
Peuvent être prononcées, selon les cas, :
- des mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation
- des sanctions éducatives
- une peine au sens courant du terme
Limitons nous à cette dernière hypothèse.
Précisons à ce sujet que les articles 20-2 et 20-3 prévoient une atténuation de responsabilité en fonction de l’âge ou excuse de minorité qui empêche de prononcer une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue (de même en cas d’amende.)
Toutefois, l’année 2007 a été riche en rebondissements pour ce texte :
c’est tout d’abord une loi datant du 5 mars qui vient prévoir que la mesure peut ne pas être appliquée pour les mineurs de plus de seize ans "soit compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constitue une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique physique ou psychique de la personne et qu’ils ont été commis en état de récidive légale." La décision, uniquement lorsqu’elle est prise par le tribunal pour enfants, doit être spécialement motivé sauf si elle est justifiée par l’état de récidive légale.
C’est ensuite la loi du 10 août (renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs) qui vient modifier à nouveau le texte en ajoutant à la liste précédente les violences volontaires, les agressions sexuelles et les délits commis avec la circonstance aggravante de violences quand les faits ont été commis en état de récidive légale.
Notons pour en finir que oui les mineurs sont protégés par la loi :
- le mineur de moins de 13 ans ne peut être placé en garde à vue ; à titre exceptionnel, il peut toutefois, dès l’âge de dix ans, être retenu à la disposition de l’officier de police judiciaire durant douze heures maximum avec une possible prolongation.
- le placement en détention provisoire des mineurs, possible dès treize ans, est strictement encadré
- de nombreuses mesures telles que l’interdiction du territoire français, la peine de jour-amende, l’interdiction des droits civiques, civils et de famille, l’interdiction d’exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale ne peuvent être prononcées contre un mineur.
- aucune interdiction, déchéance ou incapacité ne peut-être résulter d’une condamnation pénale prononcée à l’encontre d’un mineur.
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