Bertrand Cantat et le suicide de son ex-femme : est-il un pervers narcissique ?
Le deuxième drame qui peut l'amener une nouvelle fois devant la justice
Kristina Rady, l'épouse courageuse, l'amie suicidée le 10 janvier 2010, les musiciens de "Noir Désir" la pensaient indestructible, si forte malgré la trahison et la peine. Elle était exsangue. Elle le raconte à sa manière, délicate et grave, dans une postface à l'édition hongroise de "Persepolis", la bande dessinée de Marjane Satrapi qu'elle avait traduite dans sa langue maternelle. Elle y décrit le quotidien de la famille et son désarroi. ( Postface de Kristina Rady à sa traduction de Persépolis. Il faut lire les trois parties en sens inverse de leur mise en ligne. (1)(2)(3).)
Mais six mois avant son suicide, Kristina l'épouse dévouée de Bertrand Cantant avait laissé un message sur le répondeur de ses parents. Ce jour là Kristina a appelé son ex-compagnon, François Saubadu, et lui a expliquer qu’elle a eu, la veille, une violente dispute avec Bertrand Cantat et qu’elle s’est enfuie de leur domicile avec sa fille Alice. Son fils Milo se trouve alors en vacances à Munich, chez la sœur de Kristina. François Saubadu, qui n’est pas à Bordeaux, appelle un de ses amis bordelais, lui demandant d’aller chercher d’urgence Kristina et Alice et de les héberger provisoirement chez lui. ( Extraits de Marie Trintignant-Bertrand Cantat : l'amour à mort de Stéphane Bouchet et Frédéric Vézard (Archipel)
Arrivée chez cet ami, Kristina Rady, en larmes, s’isole dans le jardin et compose le numéro de téléphone de ses parents, à Budapest. Mais Ferenc et Csilla Rady sont partis pour leur résidence secondaire, sur les bords du lac Balaton, au sud-ouest de la capitale hongroise. La messagerie se déclenche, puis le bip. Kristina se lance alors dans un long monologue en hongrois. L’enregistrement dure exactement sept minutes et trente-trois secondes. Parce qu’il jette un éclairage cru et précis sur la personnalité de Bertrand Cantat et sur le couple autodestructeur qu’il forme alors avec Kristina.
La jeune femme raconte, en des mots qui trahissent sa peur, comment Bertrand Cantat, revenu vivre avec elle après sa libération conditionnelle, s'est mis à la frapper. Aujourd'hui, Bertrand Cantat est libre et a payé sa dette après l'affaire de Vilnius. Le suicide de Kristina n'a donné lieu à aucune investigation complémentaire.
A la lecture de cette nouvelle enquête, relatée dans le livre, il est difficile de voir dans le drame de la Lituanie un coup de folie passager. L’histoire semble se répéter. Selon Stéphane Boucher, l'un des auteurs du livre : " Il y a les mêmes ingrédients que dans celle avec Marie Trintignant, : la jalousie maladive, la violence". Bertrand Cantat a été mis totalement hors de cause après le suicide par pendaison de sa compagne, mais, inévitablement, des questions se posent sur son comportement après sa libération conditionnelle. Toujours selon Stéphane Bouchet : "On a le sentiment que la question de sa dangerosité dans les relations conjugales n’a pas été approfondie dans le cadre de son suivi judiciaire. Comme il n’avait pas d’antécédent, que l’affaire de Vilnius a été considérée comme un accident de parcours, il semble que l’on ne se soit pas penché vraiment sur les risques de récidive."
Dans le monologue de Kristina, on retrouve de nombreux éléments caractéristiques de la violence psychologique exercée au sein des couples. Chaque fait, pris isolément, ne constitue pas une preuve en soi. Mais lorsque plusieurs sont réunis, comme ici, ils constituent un tableau qui est malheureusement familier aux personnes spécialisées dans les violences conjugales.
Le premier signe est l'isolement social. Les agresseurs poussent souvent leur victime à quitter son travail. Ils tentent, au minimum, de la couper de ses collègues, de ses amis. Quand Kristina dit : "J'avais du travail pour tout ce mois-ci, ce que Bertrand ne supporte pas", on peut se dire qu'il aimerait simplement avoir une femme plus disponible. Mais on peut aussi penser qu'il exerce des pressions pour que Kristina refuse le travail qui lui est proposé de manière à l'isoler davantage.
Ce qui est frappat c'est quand elle dit : "Tel que je connais Bertrand, il se suiciderait". Les agresseurs n'hésitent pas à faire du chantage au suicide, une menace qu'ils se gardent bien d'appliquer d'ailleurs. Mais la victime intériorise cette idée, de sorte qu'elle se retient de partir, pour ne pas provoquer, croit-elle, l'irrémédiable. Il y a encore autre chose de plus révélateur encore, quand Kristina dit : "Tout le monde, bien sûr, dans la rue le considère comme une icône, comme un exemple (...) et après il rentre à la maison et il fait des choses horribles avec moi devant sa famille".
Tous les spécialistes vous diront que les agresseurs se montrent séduisants et affables à l'extérieur, de sorte qu'ils se rendent insoupçonnables aux yeux des amis et de la famille élargie. Ils ne dénigrent et ne violentent la victime qu'en privé, devant les enfants qui ne se risquent pas à parler. Si bien que le jour où la victime tente d'appeler à l'aide, elle n'est pas crue.
Kristina dans son monologue dit que Bertrand Cantat lui parle d'amour, jamais l'inverse. "Bertrand est à nouveau amoureux de moi et ne peut vivre qu'avec moi", dit-elle. Il ne s'agit pas de ses propres sentiments. Invoquer l'amour pour garder son conjoint sous emprise est un comportement typique des manipulateurs destructeurs, ceux qu'on nomme aussi les pervers narcissiques. Avec ce type de personnalité, on n'est pas dans l'amour mais dans la domination.
Dans le schéma classique, bien connu des spécialistes de la violence psychologique, l'emprise s'installe petit à petit. Ensuite, les résistances psychiques de la victime cèdent les unes après les autres, de sorte qu'elle est de moins en moins à même de se libérer de l'emprise. Dans le pire scénario, si personne n'intervient et si la victime ne trouve pas la force de s'enfuir, elle se retrouve privée de tout espoir d'échapper à son conjoint violent et peut mettre fin à ses jours. Ce que Kristina a fait le 10 janvier 2010, elle s'est pendue avec un hamac au premier étage de son domicile bordelais. Présent dans la maison, Bertrand Cantat dormait au moment des faits au rez-de-chaussée. C’est leur fils Milo, 12 ans, qui a découvert le corps.
Kristina était une femme privée de son libre-arbitre, détruite psychiquement. Une femme qui dit : "De peur, on ose à peine respirer ", n'existe plus psychiquement.
Sources : (1)(2)(3)Postface, Fnac.fr, Sud Ouest, Le Point, La Dépêche, Le Parisien,
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