De notre reporter de guerre en direct du RER
Ce mardi 9 février 2010, une énième interruption du trafic ferroviaire ponctue le quotidien des usagers de la ligne A de RER. Son récit est l’occasion de faire un bilan de la situation et des problèmes récurrents sur cette ligne à quelques semaines des élections régionales.
Ce matin, comme tous les matins de la semaine à l’exception du dimanche, je me rends à la gare pour prendre le RER afin d’aller au travail. J’ai prit l’habitude, les incidents et les problèmes y étant fréquents, d’y aller avec un quart d’heure d’avance afin de parer aux problèmes. Aujourd’hui, cette précaution n’a pas suffit. A peine arrivais-je sur le quai que retentit l’annonce suivante : « Mesdames, messieurs, suite à un incident technique survenu en gare de Vincennes, le trafic est interrompu sur la ligne A du RER ». Soupirs et exclamations à répétition sur les quais. Cette annonce fut répétée à quelques minutes d’intervalles pendant une demi-heure. Survint alors une nouvelle annonce : « Mesdames, messieurs, l’incident survenu en gare de Vincennes est terminé, néanmoins le trafic reste perturbé sur l’ensemble de la ligne ». A côté de moi, deux femmes nouvellement arrivées sur le quai discutent : « Encore ? Y en a marre, quoi !/ - Au moins, ils préviennent. » Plus loin, un groupe d’hommes et de femmes râlent : « Ils se foutent de notre gueule ! clame un homme, Ça arrive chaque semaine maintenant ! ». Un de ses interlocuteurs opine avant d’ajouter : « C’est vrai ! On dirait qu’ils le font exprès ! ». Mais l’immense majorité des usagers ne dit rien.
L’annonce suivante (« Mesdames, messieurs, suite à divers problèmes techniques, le trafic est très perturbé sur l’ensemble de la ligne ») sera encore diffusée une heure durant. Elle est cependant accompagnée d’une nouvelle qui nous annonce la mise en place de quatre trains de secours en plus du train régulier de 8h05. Soulagement général. Une femme relativement âgée assise sur un siège en plastique lance à la cantonade « Tout de même ! », tandis que dans le groupe (qui a pendant ce temps continué sa discussion) une femme dit sur un ton indigné : « Plus d’une demi-heure de retard, vous vous rendez compte ? C’est pas acceptable, ça, à la fin ! ».
Arrive le train régulier. Il stationne un certain temps en gare (une annonce explique alors que certaines gares sont littéralement submergées, ce qui oblige certains trains à stationner entre deux gares, et donc ralentit la circulation), mais aucune porte ne s’ouvre. Apparemment, personne n’en descend, et la vue de la masse de corps se pressant sur les parois convainc même les plus téméraires que tenter de monter est inutile. Juste derrière lui, le premier train de secours arrive. Il est déjà bien plein, mais à peu près 3-4 personnes par porte (trois portes par wagon) arrivent à monter. Je ne suis parvenu à l’approcher. Une personne apparemment proche de la suffocation descend. Les portes se referment difficilement (il faut s’y prendre à deux reprises), le train stationne encore trois bonne minutes, puis il part. Moins de cinq minutes plus tard, le deuxième train de secours, tout aussi plein que le premier, arrive en gare. Je parviens à prendre place sur le marchepied, mais faute de place pour entrer dans le wagon, je redescend sur le quai. La même manœuvre que pour le précédent se produit, et le troisième train de secours, placé juste derrière lui, survient. Seulement, il se gare quelques mètres avant (ou après, je ne voyais pas le wagon de tête, là où j’étais) le précédent, du coup ma position, juste à la hauteur d’une porte du train précédent, perd son avantage stratégique. Je me retrouve dans la même situation que pour le premier train de secours, bien que j’ai pu constater qu’un nombre plus important (je dirai vingt par wagons, à peu près) de gens avaient réussi à y entrer. Le dernier train de secours suit de quelques minutes le départ du troisième, et je parviens à y prendre place, avec quasi la totalité des voyageurs présents sur le quai.
Dans le wagon, comme c’était prévisible, nous sommes serrés comme des sardines. Je lisais le Marianne de cette semaine sur le quai, et comme je n’ai pas eu la présence d’esprit de le ranger avant de monter, je le tiens au bout de mon bras gauche, serré le long de mon corps. Je suis pressé contre une barre de maintien sans avoir la possibilité de bouger. Jusqu’à Vincennes, il y a peu de descente et peu de montée.
Dans le wagon, nous ressentons chaque embardée. Une femme d’à peine un mètre cinquante manque se faire écraser par le mouvement, mais fort heureusement, ses voisins ont réussi à former autour d’elle comme une barrière à la marée des corps. Je sais que dans ces conditions, les conducteurs sont tenus de rouler relativement vite, car outre la présence de nombreux trains derrière eux, ils sont chargés de désengorger les quais de la ligne A1 pour en répandre les usagers dans le reste du réseau, ce le plus rapidement possible, pour que le trafic puisse reprendre de manière normale.
A Vincennes, le quai est plus clairsemé et suffisamment de personnes descend pour que, bon an mal an, chacun puisse respirer. Une jeune femme et un jeune homme qui concertaient à côté de moi ont convenu de descendre parce qu’ils ne supportent pas la situation, car ils préfèrent prendre un train avec moins d’affluence, et tant pis pour le retard. Ils sont imités par d’autres personnes. Je parviens même à lire mon journal. Même scénario à Nation.
Je constate que beaucoup de personnes disposés près des portes répugnent à en franchir le seuil et à se placer sur les quais pour permettre à ceux et celles qui veulent descendre de ce faire. N’y voyons pas une quelconque absence de sens civique mais la simple force de l’habitude (cf l’interlude dans la note originale).
Quand j’arrive à Gare de Lyon, ma destination, je constate que le quai est littéralement envahi par une foule compacte. Tant bien que mal, je parviens, avec les nombreux autres usagers qui y descendent, à la traverser (l’espace laissé libre par les personnes sur le quai forme un goulot d’étranglement qui s’achève sur la largeur d’à peine une personne !).
Au final, plus d’une heure dix de retard.
Quel bilan peut-on tirer de cet épisode ?
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Tout d’abord, que les incidents sont fréquents sur la ligne A du RER et singulièrement sur la branche A4. La ligne A du RER est la plus dense d’Europe et l’une des plus dense du monde : plus d’un million deux-cent milles usagers (je tiens à ce terme ; lorsque Christian Estrozy lui avait substitué le mot « clients » pour la SNCF, j’avais vu rouge), soit le quart du trafic ferroviaire de la région parisienne (pas loin de 5 millions) et presque la moitié de la circulation sur l’ensemble du RER (environ 2,7 millions). La fréquence des incidents (en certaines périodes, notamment en hiver, ils surviennent plus qu’hebdomadairement) m’amène à penser que les moyens nécessaires pour l’entretien des lignes et des wagons ne sont pas forcément mis à dispositions par la RATP (ou la région, ou l’état, ou RFF, je ne connais pas les attributions de chacun en la matière).
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Ensuite, qu’il y a une très nette efficacité des personnels de la RATP sur la ligne A à gérer les incidents : régler en une demi-heure un incident grave (les incidents non graves ne sont en général pas même mentionnés) dans une gare assez fréquentée (celle de Vincennes) puis mettre à disposition quatre (quatre !) trains de secours dès le trafic rétabli, ce n’est pas le cas partout (ni sur les autres lignes : voir les récents incidents sur les lignes B et C du RER).
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Enfin que la grogne populaire semble dirigée sur la RATP et ses salariés (j’en ai entendu qui réclamaient sa privatisation en arguant que cela allait régler le problème ; ça m’a bien fait rire) mais que l’efficacité susmentionnée mise en relation avec l’importance de la tâche à accomplir (transporter 1,2 millions de personnes chaque jour) est généralement ignorée
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Or si j’ai entendu quelques fois des candidats aux élections régionales en Île de France aborder le problème les problèmes des services de transport en commun, je n’en ai entendu aucun qui ai ni vanté les mérites des personnels de la ligne A (et franchement, ils méritent la considération de tous les usagers, malgré les lieux communs sur les fonctionnaires, et ceux du rail en particulier) ni proposé de gérer de manière spécifique du reste du réseau cette branche particulièrement fréquentée (presque la moitié de la circulation sur l’ensemble du RER, je le rappelle). Certes, le Francilien et les réseaux de bus permettent en partie de soulager cette ligne, et il est urgent de les développer en leur fournissant plus de moyens, mais il faut garder à l’esprit que ce ne sont pas des structures destinées à servir d’appoint à la ligne A, uniquement à pouvoir la soutenir en cas de problème (ce qui survient souvent, donc).
Cet article est la reprise (interlude non compris) d’une note publiée sur mon blog, disponible à cette adresse : http://elucubrations.de.brath-z.over-blog.com/article-de-notre-reporter-de-guerre-en-direct-du-rer-44579842.html
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