La formation professionnelle telle qu’elle se pratique encore en France n’est pas conçue pour aborder, accompagner et reconstruire l’avenir des travailleurs et des entreprises. Il faut d’urgence que les entreprises, les pouvoirs publics et les salariés adoptent une nouvelle vision, de nouveaux réflexes pour éviter que la désespérance sociale ne gagne l’ensemble du pays.
Notre formation professionnelle est encore construite comme un ensemble de dispositifs luxueux et exceptionnellement mis en oeuvre (20 000 VAE, 35 000 CIF par an, 1 pour 500 salariés du privé). Elle ne profite toujours qu’aux deux extrémités du spectre professionnel :
- les travailleurs les plus qualifiés qui amènent le meilleur retour sur investissement après avoir suivi une formation
- les jeunes sans qualification qui suivent de très longs (et souvent peu efficaces) programmes censés les remettre dans le chemin du travail.
Cette formation professionnelle doit désormais être refondée sur quelques principes :
- Tous les travailleurs ont un droit légitime à être formés, accompagnés, soutenus dans leurs efforts d’adaptation et de reconversion professionnelle. Il ne s’agit plus de promotion sociale mais d’une formation devenue "reconstruction professionnelle".
- Il faut renverser les priorités d’apprentissage en offrant réellement plus à ceux qui ont le moins : travailleurs de plus de 45 ans, femmes isolées, personnes peu qualifiées, étrangers.
- les jeunes sans qualification doivent rester sous le statut scolaire et l’EN assurer leur requalification en mobilisant et en redéployant ses (immenses) moyens
- La sécurisation professionnelle implique une prise en charge de la reconversion des travailleurs. Cette sécurisation professionnelle est très coûteuse et comme les entreprises ne pourront plus payer il faudra ré-orienter tous les budgets éducation et formation
- La France doit ré-équilibrer ses dépenses en formation initiale et professionnelle.
Notre pays dépense plus de 110 milliards d’euros en formation, 85 milliards d’euros pour l’enseignement initial, 25 pour la formation professionnelle. Il s’agit d’une répartition inadaptée qui aboutit à un budget par lycéen de 10 000 euros par an alors qu’ un travailleur non qualifié dans une PME "bénéficie" de 70 euros par an pour se former !
- Les dépenses en formation professionnelle ne doivent plus incorporer les rémunérations des personnes. Ce tour de passe passe qui consiste à utiliser les budgets formation pour payer les personnels (largement utilisé actuellement avec le chômage partiel), cette acrobatie comptable doit être proscrite au plus vite.
- Les dépenses annexes en formation ne doivent plus être imputées sur les budgets formation. Ces dépenses peuvent dépasser les 50 % des budgets formation, salaires mais aussi transports, hébergements, restauration..toutes ces dépenses ne doivent plus être prises sur les budgets formation.
- Les personnels qualifiés doivent financer eux-même leur formation professionnelle.(les enquêtes montrent que les cadres sont prêts à financer eux-même leur formation, comme en Allemagne par exemple).
- La formation de crise doit se réaliser sur le temps libre (libéré par les 35 h entre autre) des travailleurs.
- Les syndicats doivent changer de posture face à la formation : négocier des accords interprofessionnels est important mais si au niveau des entreprises la promotion de ces mêmes accords est à peu près nulle à quoi servent les syndicats ?
- Le mythe de la grande entreprise qui absorberait les budgets formation des petites, ce mythe doit être ré-interrogé. Les TPE PME ne sont pas formatrices parce leurs cotisations formation sont très faibles, vécues comme une taxe pas comme une participation au développement des savoirs professionnels.
La formation professionnelle n’est donc plus cette assistance qu’on activerait lors d’un exceptionnel accident professionnel mais un droit pour tous, un devoir pour chacun.
En 1936 notre pays a su inventer les congés payés et le temps libre, en 2009 il doit inventer les formations payées et le temps du développement des compétences.
Notre pays s’est habitué depuis l’après guette à faire semblant, semblant de réformer,semblant de s’attaquer aux problèmes de fond (ah ce livre blanc des retraites que le courageux Rocard décida d’enterrer)
Nous nous abreuvons de discours égalitaires tout en pratiquant la sélection outrancière des élites, l’endogamie et la discrimination éducative.
La méritocratie républicaine initiée par la troisième république , généralisée dans la société industrielle montre désormais ses limites et son inadaptation.
Nous devons désormais abandonner les mythes conçus durant les trente glorieuses, nos schémas passés et nos rythmes anémiques de réforme. La mondialisation et la planète électronique ne nous accorderont pas une génération pour changer. Sans une rapide reconstruction professionnelle notre univers social pourrait très vite se transformer en un champ de ruines.