En 2008 la décroissance est d’actualité
Pour son premier numéro de l’année, l’hebdomadaire courrier international titre en Une « Travailler moins pour gagner moins et vivre mieux ». Voilà qui tranche avec le leitmotiv des élections de 2007.
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Si la grande célébration consumériste de fin d’année vous a donné la nausée, je vous conseille la lecture du dernier numéro de Courrier international. L’affiche est accrocheuse et le message aujourd’hui encore très subversif s’affiche sur trois lignes en une et sur fond rouge : « TRAVAILLER MOINS POUR GAGNER MOINS ET VIVRE MIEUX ».
Alors que notre président répète à l’envi que « les Français veulent travailler plus pour gagner plus », nombreux sont ceux qui ont décidé de prendre le chemin de la simplicité volontaire. L’hebdomadaire reproduit des articles parus en Suède, Nouvelle-Zélande, Allemagne, Royaume Uni, au Canada et aux États-Unis.
Le New Zealand Herald nous apprend ainsi que d’après une étude de 2002, 23 % des Australiens ont « ralenti » d’une façon ou d’une autre leur mode de consommation au cours des dix années précédentes et nous décrit comment Nikke Harre et Keith Thomas, un couple de Néo-Zélandais, ont progressivement changé leurs habitudes en consommant des oeufs de poules élevées en plein air, en abandonnant une de leurs deux voitures, en résistant à la tentation de tout faire rénover.
Le Guardian (quotidien londonien) illustre, grâce à la courbe du psychologue américain Tim Kasser, le caractère profondément malade du système économique anglais [et par extension du nôtre] : la courbe représentant le revenu par habitant est en constante augmentation sur les quarante dernières années, tandis que celle illustrant la proportion de personnes se disant « très heureuses » reste stable sur toute la période et l’écart entre les deux courbes ne cesse de s’agrandir.
On apprend plus loin que deux semaines avant Noël, le patronat suédois face à la montée des « downshifters » (adeptes de la décroissance) a lancé une campagne de publicité pour convaincre les Suédois des bienfaits de la consommation en mettant en scène une ménagère qui boycotte les courses de Noël, ce qui a pour effet de faire perdre son emploi à un ouvrier pauvre à l’autre bout de la planète.
Sur une autre page, le quotidien de Hambourg Die Zeit nous met en garde contre les dangers de la fin du week-end chômé : « Un pays à la structure hebdomadaire nivelée, une société désynchronisée, mettent à terme l’engagement politique et social de ses citoyens en danger » et se lamente qu’à la fin de ce processus il puisse ne nous rester que « le choix entre le travail, toujours et partout, et les loisirs, emballés et étiquetés ».
En fin de dossier, dans un long article, un journaliste du Guardian en vient à espérer une « bonne récession ». Il se demande à quel moment les gouvernements décident que les coûts marginaux de la croissance dépassent les bénéfices marginaux. Pour lui « les gouvernements adorent la croissance parce qu’elle les dispense de s’attaquer aux inégalités » et présente la croissance comme « un sédatif politique qui étouffe la contestation ».
Ce dossier laisse entendre
un discours novateur dans le monde des médias « institutionnels », qui se borne pour l’instant principalement à des journaux étrangers. La presse française conserve-t-elle encore suffisamment d’indépendance pour s’en faire finalement l’écho ?
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