Euthanasie : plaidoyer en 14 points
Plaidoyer pour une loi sur l'aide active à mourir.
Ethanasie : Plaidoyer en 14 points :
- Les comas qui n’en finissent pas.
- L’aspect schizophrénique de la loi Léonetti Claeys.
- Le paravent de la bonne conscience.
- Le court terme.
- La grande violence de nos détracteurs
- Le serment d’Hippocrate.
- Légiférer pour une minorité.
- D’inavouables mobiles économiques.
- Une loi de liberté.
- L’euthanasie « nazi ».
- La dignité.
- Une médecine à trois vitesses.
- La légitime adaptation aux nouvelles pathologies.
- Le rôle double et trouble de la SFAP.
- Les comas qui n’en finissent pas : Une fracture anthropologique
Nous savons ce qu’est la vie, nous savons ce qu’est la mort, mais, connait-on « la petite mort ». Elle résulte d’un véritable choc civilisationnel, d’une situation médicale impensée et impensable. Les progrès de la technologie de réanimation créent des victimes collatérales. Dans un premier temps, il est logique et humain de faire revenir à la conscience une personne en arrêt cardio respiratoire. Mais, quand les images à résonnance magnétique (IRM) attestent, dans un deuxième temps que seuls les corps subsistent, car les patients sont trop gravement cérébrolésés, pour pouvoir vivre, il n’y plus rien à faire. Il n’y a plus de tuyaux à enlever, et les paramètres biologiques peuvent être stabilisés, des fois à minima, pour le pire…
Mon fils a passé le tiers de son séjour sur cette terre, dans cet état soit, 8 ans ½. Il était complétement paralysé et complétement inconscient, son visage n’exprimait rien, ni larmes, ni signes quelconques. Il respirait par trachéotomie et était nourri par sonde de gastrostomie qui perforait son estomac. Déglutissant à minima sa salive, il faisait de constantes fausses routes en s’étouffant quotidiennement dans ses propres glaires. C’était un « laisser crever » écrivait l’auteur même de la loi qui porte son nom, Monsieur Jean Léonetti, dans un chapitre dédié à mon enfant dans son livre « à la lumière du crépuscule ». Nous demandions pour notre fils le droit de mourir puisqu’il ne pouvait plus vivre, même pas le droit de mourir dans la dignité, non ! juste l’autorisation de mourir. Nous avons obtenu gain de cause au bout de 16 mois d’un indicible combat. Un calvaire semé d’embûches de toutes sortes. La sanction est tombée sur lui, le plus vulnérable, enfermé dans le plus cruel des silences. Il est mort en six jours cauchemardesques, sans nutriments, sans hydratation, sans médication, sans sédation (anti-douleurs), cyanosé, brûlant, avec de terribles troubles hydroélectrolytiques, des soubresauts très impressionnants et insoutenables…, le prix à payer pour mourir. Personne à l’heure actuelle, n’est à l’abri de tels agissements. La loi n’y peut rien. Vous ne pouvez pas vous exprimer et surtout, vous n’êtes pas considéré en fin de vie. Vous n’êtes pas en phase terminale de maladie incurable. C’est le triste sort de certains d’entre nous, après une tentative de suicide, une crise cardiaque, un AVC (accident vasculaire cérébral), un accident de la route. Par ailleurs, les directives anticipées ne sont pas opposables. Nous dépendons de l’arbitraire des médecins qui craignent d’être accusés d’euthanasie. Ils sont seuls juges pour décider si nos choix ultimes sont appropriés ou pas à une situation donnée, dans un sens ou dans un autre.
Une loi sur l’aide active à mourir semble se profiler, après tant de souffrances institutionnalisées. Le comité consultatif national d’éthique (CCNE), prend conscience en juin 2021, je cite : « de l’absurdité d’une situation dans laquelle le mourant n’en finit pas de mourir ». Mais, comme dit le pape : « la vie est un droit, pas la mort ».
- L’aspect schizophrénique de la loi Léonetti Claeys.
Cet aspect est parfaitement mis en exergue dans un document du CNRS qui stipule : « nous ne pouvons pas exclure une perception basique de la douleur ». « On sait la tentation euthanasique qui peut se loger derrière la demande de sédation ».
La frontière si tenue entre le licite, la loi Léonetti Claeys (sédation profonde et continue) et l’illicite (l’euthanasie), provoque des agonies sans fin, atroces. Si la survenue de la mort est rapide, les médecins risquent d’être accusés d’euthanasie.
Le médecin spécialiste en soins palliatifs, qui a conseillé les médecins référents d’Hervé, pour encadrer ses derniers jours écrivait : « Il ne semble pas que l’association d’une sédation (anti-douleurs) à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, ne cause de souffrances supplémentaires ».
Le professeur Axel Kahn était médecin généticien, directeur de recherche à l’INSERM. Il était également président de l’université Paris Descartes. Il a été membre du comité national d’éthique de 1992 à 2004.
Il s’insurgeait dans un chapitre dédié à notre fils Hervé, dans son livre « L’ultime liberté », contre la pré-supposée non souffrance d’une personne en EVC, lors de son agonie. Il laissait éclater son indignation et sa réprobation au travers de ces quelques lignes : « On peut argumenter en avançant qu’Hervé Pierra convulsait mais ne souffrait sans doute pas. Ces arguments sont irrecevables. Le coma végétatif sans conscience peut comporter des sensations désagréables, des souffrances, même si leur traitement cognitif est aboli. Les animaux les moins cérébralement développés souffrent aussi ! ». Depuis notre audition en commission d’enquête parlementaire, la sédation est obligatoire. Malheureusement, des témoignages nous parviennent, attestant de sédations légères pour garantir qu’il ne s’agit pas d’actes euthanasiques. D’autre part, c’est bien l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation qui conduit le patient à la mort, et non pas l’administration de produits médicamenteux. Le Professeur Martine Lombard précise qu’au-delà de plusieurs jours de sédation profonde et continue, le patient peut présenter des signes de réveil associés à une dégradation de son état physique.
- Le paravent de la bonne conscience.
Il se nomme « intention ». L’intention est l’art de se démarquer avec bonne conscience d’un but défini et partagé par la loi et par les demandeurs d’aide active à mourir qui est « accéder à la mort ». La sédation profonde et continue est une euthanasie de longue durée qui ne dit pas son nom. Même les nourrissons grands prématurés non viables sont soumis à ces effrayants protocoles. La prolongation de leur agonie est insupportable. Elle a été dénoncée par le centre éthique de l’hôpital Cochin et toute une équipe constituée de médecins, infirmières, psychologues, juristes. Cette enquête est publiée par le journal « Libération » sous le titre « Agonie du nourrisson, des mots sur l’inconcevable ». Voici quelques déclarations de parents : « on a vécu l’enfer, cela a été trop long » ; « cela a duré 18 jours » ; « c’était un bébé potelé, à la fin elle est devenue méconnaissable ». Un médecin réanimateur avoue : « les infirmières pleuraient, le visage du nourrisson devenait si lisse que l’on ne voyait plus d’expressions ». Une juriste, Mme Laurence Brunet déplore : « dès que la peau se dégrade, c’est insupportable », « voir leur enfant devenir une poupée de chiffon … ».
- Le court terme.
La loi Léonetti Claeys permet une sédation profonde et continue à court terme. C’est une temporalité inconcevable pour celui qui souffre le martyr pendant des semaines, des mois. La haute autorité de santé (HAS) précise bien que ce court terme, s’entend par quelques heures à quelques jours. Le temps de l’acceptable par la loi peut devenir le temps de l’inacceptable, de l’insupportable torture pour le patient. La maladie de Charcot, incurable, enferme le patient dans son corps, alors qu’il est en pleine possession de ses fonctions sensorielles et cognitives. Ces patients ont besoin d’avoir l’assurance qu’on les aidera quand ils ne pourront plus supporter leurs souffrances. Dans son avis n° 139, le comité consultatif national d’éthique (CCNE), interroge ce délai très court et reconnait enfin l’existence de certaines souffrances réfractaires pour lesquelles il n’y a pas de solution actuellement.
La position de l’église sur le sujet de la fin de vie est la suivante : Ni acharnement thérapeutique, ni euthanasie. Comment l’église concilie-t-elle ces deux injonctions dans les cas comme celui de mon fils, des nourrissons, des personnes atteintes de la maladie de Charcot. Est-il plus charitable de voir au bout de 15 jours, un mois, des corps décharnés, avec des teints cireux, cyanosés et surtout en souffrance par « tachyphilaxie » qui est le processus d’accoutumance de l’organisme à un traitement ou un agent pathogène.
Mgr Rey veut imposer dans notre pays laïc, des douleurs rédemptrices pour tous. Il déclare que la souffrance participe de la douleur du Christ. Il est déloyal, malhonnête et tendancieux de faire croire que le poncif « tu ne tueras point », qui fait référence à des homicides, s’inscrirait dans une déontologie médicale qui appliquerait dans un cadre légal, des concepts bioéthiques. Les dignitaires religieux puisent dans un registre guerrier ou criminel les mots qui pour eux définissent l’aide active à mourir : Mgr Ginoux et sa « barbarie silencieuse » ; le Cardinal Vingt trois et son « permis de tuer » ; Mgr Jacolin et sa « barbarie meurtrière ». Le Pape François compare l’aide active à mourir au terrorisme et à la guerre. En Italie, des funérailles religieuses avaient été refusées à Mr Piergiorgio Welbi, parce qu’il avait demandé le débranchement de son appareil respiratoire au stade terminale d’une dystrophie musculaire évolutive (détresse respiratoire).
Nos politiciens et intellectuels ne sont pas en reste, au premier rang desquels Mr Michel Houellebecq qui nous condamne au pire : « il est souhaitable de détruire une civilisation qui légalise l’euthanasie », « les partisans de l’euthanasie se gargarisent de mots dont ils dévoient la signification à un point tel qu’ils ne devraient même plus avoir le droit de le prononcer » (il s’agit du mot compassion).
- Le serment d’Hippocrate.
Ce serment a 25 siècles. Il commence par ces mots : « Je jure par Apollon, médecin, par Asclépsios, par Hygie et Panacée, par tous les Dieux, et toutes les Déesses… ». L’autorisation de l’IVG a déjà écorné ce serment. L’interdit de l’euthanasie se heurte à un autre interdit très largement bafoué de nos jours, celui de plonger des vies dans des comas interminables, dans des souffrances de longue durée. Or, le docteur Hippocrate disait : « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément » et « Je ne prolongerai jamais abusivement les agonies ». Ces deux injonctions ne sont pas transposables dans notre société contemporaine dans lesquelles les agonies sont artificiellement entretenues. Toutes ces références sont d’autant plus inacceptables que le personnage n’a pas toujours fait preuve d’humanité et de vertus. S’adressant à ses étudiants il déclare qu’il ne faut pas soigner les cas jugés désespérés, de crainte d’y laisser sa réputation (source Wikipédia Hippocrate dans la république, une relation thérapeutique).
- Légiférer pour une minorité.
Parmi les malades en phase terminale de cancer, seuls 2 à 3 % réclament une aide active à mourir, en proie à des douleurs réfractaires, d’après une enquête de l’académie de médecine auprès de directeurs de centres anti-cancéreux. Ce chiffre s’élève tout de même à 4000 personnes par an. Les patients atteints de maladies neurodégénératives viennent grossir ce chiffre, en général, ils fuient à l’étranger ou des institutions plus compatissantes les prennent en charge. Les patients atteints de la maladie de Charcot, sont à peu près 5000 en France, beaucoup d’entre eux, en phase terminale, implorent une aide active à mourir. Mourir en détresse respiratoire constitue, à mon sens, une honte pour la médecine. Croire que la loi est faite pour le plus grand nombre est faux, la loi est justement faite pour les minorités, pour les protéger. Un avocat contemporain donnait un exemple précis et illustrant : Des enfants se noyaient chaque été dans la piscine de leurs parents, alors il fût décidé de clôturer ces bassins. Pourtant, cela ne concernait que très peu d’enfants.
- D’inavouables mobiles économiques.
Mgr Marc Aillet déclare : « l’église s’élève aujourd’hui contre un projet de loi pernicieux sur la fin de vie qui s’apprête à tuer impunément des malades en phase terminale, des personnes âgées ou handicapées, voire, des personnes en détresse psychologique, au nom d’une miséricorde fallacieuse qui cache difficilement des mobiles économiques inavouables ». Il faut savoir que les séniors représentent un tiers de la population française et plus de la moitié des dépenses de consommation. C’est au contraire une manne économique appelée « l’or gris ».
9- Une loi de liberté.
Une loi qui est autorisée n’est pas une loi qui est forcément préconisée. C’est une liberté de choix. L’IVG est autorisée mais n’est absolument pas proposée aux futures mamans. La loi serait par ailleurs, strictement encadrée et permettrait jusqu’au bout au patient de changer d’avis dans un sens ou dans un autre. La parole du patient est sacrée, elle est au centre de toutes les préoccupations, elle doit être respectée.
10- L’euthanasie « nazi ».
Cette rime grotesque, couplée avec le procédé de l’analogie, prête aux partisans d’une nouvelle loi des intentions malveillantes. Euthanasie signifie étymologiquement en grec : « mort douce ». Un peu d’histoire s’impose : L’église de France a reconnu sa responsabilité au cours de cette époque tragique qu’était la seconde guerre mondiale, dans une « déclaration de repentance », le 24 septembre 1997, lors du concile Vatican 2. Quelques outrages sont à relever : Le Cardinal Pietro Gasparri proclame « Tant que Hitler ne déclare pas la guerre au Saint Siège et aux dignitaires catholiques en Allemagne, nous ne devons pas condamner le parti d’Hitler » (source le journal Der Spiegel) ; L’Abbé Vershaeve indique en 1942, que les jeunes doivent s’engager dans les SS.
11- La dignité.
Elle est intrinsèque à l’homme et ne dépend donc d’aucuns facteurs extérieurs comme l’âge, la nationalité, la religion, le genre, l’orientation politique, philosophique, l’état de santé, la dépendance ou pas etc… Une personne ne perd jamais sa dignité. Mourir dans la dignité signifie, mourir dans une situation de dignité, avec tous les égards et le respect dus à un être humain. C’est là encore un déloyal travestissement des termes pour discréditer l’aide active à mourir.
12- Une médecine à trois vitesses.
Celle des plus pauvres, qui n’ont pas les moyens financiers de s’exiler en Belgique ou en Suisse, pour être accompagnés dans l’apaisement. Leur pronostic vital n’étant pas engagé à court terme, ils subissent pendant des mois les affres d’une maladie incurable, torturés par des souffrances réfractaires.
Les patients qui ont des moyens financiers, s’exilent comme Mme la Députée socialiste Paulette Guinchard, anti-euthanasie, morte par suicide assisté le 4 mars 2021, atteinte de la maladie de Charcot.
Les puissants jouissent de privilèges refusés au peuple. Mr le Président Mittérand était opposé à l’euthanasie. Anne Pingeot explique dans son livre « François Mittérand, portrait d’un ambigu », comment le médecin Jean-Pierre Tarot, aurait aidé l’homme de pouvoir à mourir. La mère de Mazarine parle des dernières heures de Mittérand qui avait demandé à son médecin : « Quand mon cerveau sera atteint, vous me liquidez, je ne veux pas rester dans cet état ». Dans la nuit, il lui a fait une injection pour qu’il repose en paix. Il a souvent dit à Anne Pingeot, qu’il ne voulait pas être « un légume ».
13- La légitime adaptation aux nouvelles pathologies s’impose.
Grâce aux progrès scientifiques et médicaux, des maladies auparavant mortelles, sont devenues des maladies chroniques. Celles-ci imposent, en phase terminale, des souffrances inapaisables, dites réfractaires. Nous vivons beaucoup plus vieux, mais souvent accompagnés de multi pathologies incurables et douloureuses. Or, les demandes de ces patients qui réclament une aide active à mourir, sont disqualifiées au motif qu’elles résulteraient d’un isolement, de souffrance psychologique, d’une altération du discernement par la douleur ou, d’une volonté de ne pas être une charge pour leurs familles.
14- Le rôle double et trouble de la SFAP.
L’analyse suivante émane du professeure Martine Lombard.
La Sfap (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs) met autant d’énergie à combattre toute aide à mourir qu’à promouvoir les soins palliatifs, au point d’avoir réussi à faire croire à beaucoup que le développement des soins palliatifs exclut toute aide à mourir, et cela même pour les personnes victimes de souffrances réfractaires à tous les soins, y compris palliatifs. La Sfap confond deux combats, pourtant distincts, qu’elle entremêle sans cesse : promouvoir les soins palliatifs et exclure toute pratique d’aide active à mourir. La directrice de la Sfap déclare : « Nous portons des valeurs ». Ce « nous » qu’elle emploie désigne les membres de la Sfap en tant qu’ils partagent une communauté de pensée bien définie, qui figure en préambule des statuts de la Sfap et s’inscrit dans le prolongement de la position de l’Église catholique. Ceux qui dispensent des soins palliatifs […] se refusent à provoquer intentionnellement la mort ». Le discours de la présidente de la Sfap est reproduit sur le site Génèthique, dont la raison d’être est « le respect de la dignité intrinsèque de l’homme, de sa conception à sa mort naturelle », qui milite activement contre l’avortement et contre l’euthanasie. La directrice de la Sfap a participé à l’écriture du livre « Fin de vie, un enjeu de fraternité », avec Mgr d’Ornellas. Celui-ci s’oppose même aux travaux du CCNE (comité consultatif national d’éthique), qui est un organisme composé de médecins dont la mission est de donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la médecine et de la santé. Il fustige même ce respectable organisme, je cite : « sous prétexte de cas peu nombreux, le CCNE ouvre la voie à la relativisation de l’interdit de tuer ».
Ce plaidoyer, à la mémoire de notre enfant, s’inscrit dans la promesse que nous avons faite, mon mari et moi-même, au-dessus de son corps sans vie, pour que plus jamais personne ne connaisse un tel sort.
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