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Evaluations nationales CM2 2009 : une tentative d’instrumentalisation politique de l’école

L’évaluation fait partie intégrante des apprentissages. Pendant de trop nombreuses années, les enseignants ont disposés de peu d’outils pertinents, fiables, bien pensés, pour mesurer les acquis des élèves. C’est dire combien les évaluations nationales CM2 2007 ont été bien accueillis car elles avaient une fonction diagnostique et constituaient un outil précieux pour déceler, en début d’année, les forces et les faiblesses de nos élèves. Elles permettaient d’affiner les programmations et de construire le cas échéant un parcours d’appui cohérent pour les élèves en difficulté (PPRE, soutien REP, RASED, différentiation dans la classe…).
En moins d’un an, Darcos a balayé d’un revers de la main cette dynamique qui commençait progressivement à se mettre en place. Il force les enseignants, avec une brutalité inouïe (menaces, retenues de salaire, blâmes…) à rentrer dans une autre logique. Une logique marchande où les écoles seront progressivement mises en concurrence pour aboutir in fine à l’éclatement du service public d’enseignement.
On assistera vraisemblablement à un système à plusieurs vitesses : une école pour les initiés et les plus riches (le privé y prendra toute sa part) et une école au rabais pour le « bas peuple ». Fantasmes ? Cette école existe déjà dans certains pays anglo-saxons avec des résultats pour le moins contrastés. Elle a une vertu : elle coûte moins cher aux contribuables malgré le coût social, les inégalités sectorielles, la ghettoïsation de certaines écoles, le peu de mixité sociale…. Darcos lui est séduit.
 
Rentrons dans le vif du sujet. Nous passons donc à des évaluations bilans et non plus diagnostiques. Pour qui ? Les élèves ? Les enseignants ? Les parents ? L’institution ? La réponse est évidente, Darcos ne faisant pas mystère de sa volonté de piloter le système éducatif par les résultats. L’exigence institutionnelle est à priori légitime. Le problème est que, comme nous le verrons, les dés sont pipés. Dans l’état actuel des choses personne n’y trouvera son compte. L’évaluation des acquis des élèves, fut-elle sommative, doit être aussi un dispositif de traitement de la difficulté scolaire et permettre une analyse fine des compétences des élèves. Il n’en sera rien.
 
Faisons d’abord un certain nombre de constats.
 
· Les évaluations font le bilan des acquis de fin de CYCLE 3. Il parait absurde de les faire passer en janvier alors qu’il reste six mois de travail.
· Elles sont basées sur les compétences de fin de cycle (CE2, CM1, CM2) des nouveaux programmes 2008. Problème : ceux-ci n’ont que cinq mois d’existence !
 
Il est contraire à l’éthique professionnelle d’évaluer les élèves sur des notions qui n’ont pas été traitées en classe. Comment l’expliquer aux enfants et aux parents ?
En outre, les enseignants ont pour vocation à prendre en compte la difficulté scolaire et faire progresser TOUS les enfants, quelque soit leur niveau de départ, et cela dans le cadre des programmes officiels. Or ces évaluations incitent fortement à faire « avaler » le programme très rapidement au risque de mettre en échec les élèves les plus fragiles.
Ceci est aggravé par le fait que les programmes 2008 sont jugés plus lourds avec 108 heures de cours en moins. Je travaille dans un CM2 en REP. Il y a beaucoup de difficultés scolaires dans mon école. Cette année dans ma classe, seule la moitié des items peuvent être raisonnablement passés en janvier. Avec une classe plus forte, j’aurai pu peut-être aller jusqu’au trois quarts… 
 
· Le mode binaire de notation ne permet aucune finesse d’exploitation. Il ne fait pas la différence entre une absence de réponse et une réponse erronée. Il ne prend pas en compte les réussites partielles.
· Le système de notation est jugé trop sévère. Beaucoup d’exercices sont difficiles et déstabilisants. Exemple parmi d’autres.
 
 Dictée de B…………..
Les enfants sont parti faire une promenade en bordure de foret. Les filles cherchent des champignons souvant cachés sous les feuilles sèches, pendant que les garçons cueillent des framboises odorante . Ils aimeraient bien voir des écureuils mais ces petit animaux ne se montrent pas facilement. De retour à la maison, ils mangerons des crêpes, avec du sucre ou de la confiture.
 
Le maître corrige… un mot d’usage courant mal orthographié , item 28 = 0…. Deux mauvais accords dans le GN (odorante et petit sans s), item 29 = 0… un mot invariable mal orthographié (souvant), item 30 = 0… deux accords verbe-sujet mal réalisés (parti et mangerons), item 31 =0
0 sur l’ensemble de l’exercice…
 
Deuxième dictée, même résultat, 0 sur l’ensemble mais là, on peut comprendre.
Dictée de R……………
Les zenfant son parti fer une promenade en bordur de foret. les filles cherche des chanpignon souvant caché sou les feuille sèches, pendan que les garçons queillent des franboises odorante. Ils aimeré bien voire des écureuil mais ses petit zanimaux ne se montres pas facilement. De retoure a la maison, il mangeron des crèpes, avec du sucre où de la confiture.
 
Autre exemple : j’ai testéun de mes bons élèves sur l’exercice de conjugaison. Il s’agissait de réécrire au passé un texte au présent. Il sait faire mais avec deux erreurs seulement, il a eu 0 aux trois items évalués. Pour une analyse plus fine : http://jmichel.francois.free.fr/evaCM2
 
La dictée et la conjugaison ne sont pas des choix anodins. Devant le désastre induit par le système de notation il sera aisé pour le ministre et aux médias de tirer la sonnette d’alarme sur l’orthographe, sujet ô combien sensible dans notre pays. Et de sommer les enseignants de les remettre à niveau d’ici juin. Sans doute un bon moyen d’alimenter les fameux stages de vacances... Il ne s’agit ici nullement de nier les difficultés (réelles) de nos élèves dans ce domaine mais de dénoncer une très probable manipulation politique des résultats. Ces évaluations semblent conçues pour mettre en difficulté les meilleurs élèves, et refuser toute chance de réussite aux élèves moyens. Elles enfonceront pour de mauvaises raisons les élèves en difficulté. 
 
Reste l’épineuse question de la saisie et la transmission des résultats.
Tout d’abord il semblerait qu’elle soit illégale. Voici la réponse de la CNIL : « Le dossier « Saisi des résultats des évaluations des CM2 et des CE1 » a été déposé par le Ministère de l’Education Nationale le 13 janvier et n’a pas encore été traité par nos services. En l’absence d’enregistrement de la CNIL, la saisie des résultats dans ce fichier n’est pas légale, les enseignants ont donc le droit de désobéir à cet ordre. » Affaire à suivre. Le ministère a du souci à se faire.
Officiellement les résultats par école ne seront pas en ligne mais on demande tout de même aux instits de les communiquer aux parents. Ceux-ci auront tout loisir, on comprendra leur curiosité, de comparer avec les écoles voisines ! La suppression de la carte scolaire avait été annoncée par Sarkozy. Il est astucieux de la fragiliser encore un peu plus pour justifier plus tard son abrogation pure et simple. C’est une stratégie générale. Autre exemple : en supprimant les postes de remplaçant (la situation sur le terrain est catastrophique : il y a des classes de 40 dans une commune proche de la mienne) on justifie la refonte du système en faisant appel à des officines privées pour le remplacement. Avec du personnel non qualifié cela va sans dire.
 
Nous sommes confrontés à un choix de société important. Nous touchons à la distribution du savoir dans notre société. Le problème est que les principes démocratiques sont bafouées : les professionnels de l’éducation, la société civile n’ont pas été consultés. Le gouvernement avance masqué. Les médias font semblant de ne pas comprendre les enjeux des réformes. Les syndicats enseignants, trop nombreux, peu représentatifs, se sont agités pendant des années en criant au loup. Aujourd’hui que celui-ci est vraiment dans la bergerie, plus personne ne les prend au sérieux. Des enseignants, peu nombreux j’espère, s’enfouissent la tête dans le sable, en priant pour qu’on ne touche pas à leur statut. Les autres sont rentrés en résistance : rejet de l’aide personnalisée, refus de communiquer les résultats des évaluations. La résistance et la colère sont grandes mais la fatigue guette. Le 29 janvier, à Lyon, parmi les 50 000 manifestants, les banderoles enseignantes étaient de loin les plus nombreuses. Contrairement à la propagande gouvernementale, pas une n’évoquaient la crise ou le pouvoir d’achat. Ce n’était pas l’expression d’un mal-être diffus. Les revendications étaient précises : non à la suppression des RASED, non aux EPEPs, non à la mise en concurrence des écoles, non à la suppression de la formation professionnelle, etc… Les parents étaient présents. Lentement ils se réveillent. Ce sont eux qui feront plier le gouvernement.

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5 réactions à cet article    


  • checkmate 11 février 2009 14:01

    Un excellent bilan de la situation actuelle qui place chaque acteur devant ses responsabilités.


    • Blé 12 février 2009 05:56

      Le rapport à l’écrit d’un enfant est souvent conditionné par son environnement familiale et sociale. Pas ou très peu d’échec scolaires dans les milieux socioprofessionnels aisés économiquement et culturellement.

      L’école peut pallier à certaines carences, elle a souvent réussi à les combler et c’est peut-être bien là le fond du problème. Un enfant de milieu modeste a t-il le droit de devenir un futur cadre ou un futur élu ? Officiellement, oui, mais pratiquement ? Combien d’élites toutes sphères confondues sont d’origine de catégories sociales défavorisés ?

      L’A G C S étant la ligne d’horizon indépassable selon Bruxelles et les pantins qui nous gouvernent, ce qui se passe en France avec la scolarité n’est jamais qu’un des aspects d’une politique et d’un choix de société que l’on nous impose. Santé....., justice....., audivisuel......, etc.....


      • Adrian Adrian 12 février 2009 12:40

        En abandonnant le BLED et le Bescherelle il fallait s’y attendre à la baisse du niveau en orthographe/grammaire.


        • zoup 12 février 2009 13:06

          Sans oublier les erreurs de consigne du genre : "soulignez le verbe et entourez le sujet" pour l’élève et "entourez le verbe et soulignez le sujet" dans le livret de correction du maître.

          ou

          "souligne les mots du texte qui montrent qu’il s’agit d’un volcan" pour l’élève et "l’élève devra avoir souligné au moins 5 mots pour obtenir le point" dans le livret de correction du maître.


          • idyllique 12 février 2009 22:53

            Les enfants d’aujourd’hui apprennent moins bien, c’est un constat qu’on ne peut plus éluder . Dans nos familles, nous le voyons bien !
            Revoyons leurs conditions de vie !
            Il faudrait que le temps consacré à l’étude soit fait au calme et non devant la TV, ou devant un ordinateur branché l’ipod dans une oreille, le tél qui sonne toutes les 10mn dans l’autre... une chambre occupée par des frères et soeurs qui chahutent ou des gamins qui se mettent au travail après 21H et qui se couchent tous trop tard !
            Je suis sidérée de voir les enfants d’aujourd’hui n’avoir plus d’heure pour manger, dormir, sortir, et étudier... des parents laxistes qui ne s’intéressent pas vraiment à l’avenir de leurs mômes !!

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