Formation initiale : poule aux oeufs d’or ?
L’économie évolue de plus en plus vite, impliquant des changements professionnels de plus en plus fréquent. Pourtant on demande au système de formation initiale de développer des formations « professionnalisantes »...
M. Simon, président de l’Euro-chambre a déclaré lors du 15e congrès annuel que « les programmes d’enseignement devraient mettre l’accent sur l’employabilité, c’est-à-dire les exigences du marché du travail ».
L’idée sous-jacente, dans ce type de discours de plus en plus fréquent, est qu’il faudrait que l’Education nationale et les universités forment des salariés. Cela implique d’adapter les formations aux métiers, principe qui conduit au développement formations initiales de plus en plus « professionnalisantes ».
Il est pourtant évident que le monde est en perpétuelle évolution, et que le marché du travail n’en est que plus instable.
Plus que jamais des métiers disparaissent ou leurs effectifs se réduisent considérablement, d’autres émergent ou se développent, tout cela à des vitesses croissantes.
Ces évolutions n’empêchent pourtant pas le développement d’attentes du système de Formation initiale, non plus d’apporter de la culture et de former des citoyens, mais de préparer les futurs salariés avec pour chacun un métier à l’issue. N’est-ce pas au monde du travail de préparer des salariés ?
De même, on nous explique que le seul rempart à la mondialisation est qu’il faudra à l’avenir du personnel avec des niveaux de formations de plus en plus élevés, mais dans le même temps on professionnalise les jeunes de plus en plus tôt (apprentissage junior...). Est-il pertinent d’apprendre un métier à 14 ans quand on ne sait pas forcement ce que l’on veut faire dans la vie, qui plus est à une époque où on nous dit que l’on changera probablement plusieurs fois de métiers durant notre vie professionnelle ?
Simultanément, de plus en plus d’entreprises se retrouvent quant à elles à essayer de résorber des problèmes d’alphabétisation. Cette problématique ne devrait-elle pas concerner plutôt le système de Formation initiale ?
N’y a-t-il pas plus efficace que de commencer à apprendre de nouvelles langues vivantes durant sa vie professionnelle ?
Par ailleurs, un nombre croissant de DRH se retrouvent face à des salariés qui, ayant quittés tôt les bancs de l’école, refusent de partir en formation notamment par craintes de ne pas avoir les capacités d’évoluer et d’intégrer de nouvelles données. Ne serait-il pas plus efficient à long terme pour les entreprises que leurs salariés aient les pré-requis suffisants pour pouvoir évoluer par la suite ?
Aussi, dans un contexte nécessitant une mobilité professionnelle accrue, il est urgent de clarifier les rôles respectifs de la FI et de la FPC.
La FI est financée par l’ensemble des contribuables, elle doit donc profiter à l’ensemble des usagers. Il est important d’éviter qu’elle ne fasse l’objet de pressions, notamment de la part des différentes branches professionnelles. Pourquoi les impôts devraient financer les formations vers un métier plus qu’un autre ?
Surtout, dans un monde mouvant, la FI doit fournir une culture générale la plus solide possible, facteur favorisant une meilleure adaptabilité et une meilleure mobilité sur le marché du travail au fil du temps. D’autant plus que la culture générale favorise également une mobilité professionnelle choisie et anticipée, au détriment de mobilités professionnelles trop souvent subies.
Il est grand temps qu’elle retrouve ses missions humanistes initiales aux dépens de la vision utilitariste actuelle.
Il est illusoire et mal fondé d’attendre des institutions de FI de faire office : de garderie, d’organisme compensant les défaillances de socialisation des autres institutions de la société (à commencer par la famille), d’unique vecteur d’ascension sociale, d’acteur majeur dans la réduction du taux de chômage, ou encore d’organisme de formation de salariés.
En revanche, une fois le cursus de FI achevé, la FPC est tout à fait légitime pour traiter de la professionnalisation.
En effet, les entreprises et les branches sont les plus à même de développer des formations adaptées à leurs besoins.
Les entités professionnelles déplorent régulièrement, et parfois à juste titre, l’inadéquation des référentiels de formations avec les compétences nécessaires en entreprise, mais comment pourrait-il en être autrement lorsque les formateurs ne font plus partie intégrante de l’environnement professionnel.
La FPC étant gérée par les structures professionnelles, avec un financement émanant des entreprises, il est logique qu’elle soit utilisée à pourvoir aux besoins en compétences des entreprises.
C’est au monde de l’entreprise de former les salariés, d’autant plus lorsqu’il y a des exigences particulières.
La FPC est donc la plus à même de développer les formations professionnalisantes les plus adaptées au besoin de compétences.
Finalement, plus que jamais, la professionnalisation doit donc chapeauter les cursus scolaires, mais certainement pas en faire partie.
Il paraît ainsi tout à fait intéressant que les différents opérateurs intervenant dans le champ de la formation travaillent en coopération, en revanche il faut sortir de l’actuelle confusion, voire une inversion des rôles. Il est donc grand temps de clarifier les responsabilités respectives.
Cela nécessite au préalable de cesser de demander aux uns ce qui est du ressort des autres et inversement, et d’arrêter d’attendre par exemple des « programmes d’enseignement » de s’adapter aux « exigences du marché du travail »...
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