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Grenadiers moribonds et méduses ventrues

Consternation au pays du Soleil levant : les pêcheurs japonais se trouvent confrontés à une abondance d’un nouveau type, celle de méduses géantes pouvant atteindre 200 kg.

Le problème de ces méduses, ce n’est pas leur présence, mais leur prolifération : leur poids est susceptible de briser les filets des pêcheurs. Par ailleurs, vu qu’elles sont hautement urticantes, les piqûres qu’elles infligent aux poissons qui sont pris dans les mêmes filets rendent ces derniers impropres à la vente.

Le pullulement de ces méduses ne semble pas lié à une pollution, du moins pas à une pollution chimique. Par contre, elle pourrait être la conséquence d’une eutrophisation par les engrais drainés par les rivières, c’est-à-dire d’un enrichissement du milieu en substances nutritives favorables à une partie de la chaîne alimentaire (en général, les eutrophisations se traduisent en premier lieu par une prolifération d’algues indésirables). Ainsi, certains organismes planctoniques, dont se nourrissent les marmousets méduses, se mettraient à pulluler, ce qui ferait le bonheur de nos pétrificatrices d’argonautes.

Une autre raison à laquelle on ne peut s’empêcher de penser, c’est que cette abondance du plancton peut tout simplement être due à l’éradication de ses consommateurs naturels : les baleines. Ces mêmes baleines, que les Japonais, ainsi que quelques autres irréductibles tels que les Norvégiens ou les Islandais, ne se privent pas de continuer à exterminer, sous couvert de « recherche scientifique » dont personne n’est dupe. Ne reculant devant rien, les écumeurs des mers ne rechignent pas aux contacts rugueux avec les navires de Greenpeace venus protéger les géants marins, niant aux écologistes le droit de s’interposer. Or, après tout, pourquoi un baleinier aurait-il le droit de s’approprier un cétacé en hissant sa carcasse dans ses flancs, et un bateau d’observation pacifique n’aurait-il pas le même droit de propriété sur le même animal vivant, devant lequel il est arrivé le premier pour le protéger ?

Concernant cette plaie d’acalèphes géants, on a envie de dire que c’est un juste retour des choses. Sauf que les natifs de l’archipel nippon ne sont pas les seuls à se conformer à cette logique du pillage jusqu’à extinction, loin de là. Que ce soit en Europe, en Amérique ou dans n’importe quel pays du monde, la logique est la même : on saccage tant que c’est possible, et après, on verra, et puis, d’abord, il n’y a pas de raison que ce soit un autre qui en profite. C’est ainsi que la nouvelle manne pisciaire des années 1990, les poissons de grandes profondeurs tels que les grenadiers, ne sont déjà plus qu’un beau souvenir : leurs effectifs auraient chu de 98 %. Les techniques de pêche au radar, qui repèrent sans coup férir les bancs de poissons grégaires, permettent un ratissage quasi intégral des individus adultes. Et comme, en milieu abyssal, la croissance est extrêmement lente du fait d’une faible température et de la maigreur des organismes vivants disponibles (en l’absence de végétaux, dépendants de la lumière, les animaux ne peuvent compter, directement ou indirectement, que sur les déchets qui tombent des couches supérieures, ou ils sont obligés de migrer de nuit vers la surface), le renouvellement des générations est extrêmement lent. Bien entendu, il était totalement superflu de songer à s’entendre pour une exploitation raisonnable de cette nouvelle ressource sans en attendre la disparition.

Quand nous aurons éliminé toutes les espèces animales grandes et vulnérables, en particulier celles qui « ne servent à rien » (à quoi sert un ours blanc, un bélouga, un éléphant, un faucon pèlerin, une outarde barbue...), nous nous garderons d’avoir des états d’âme à propos de ces êtres qui en sont, paraît-il, dépourvus et que « le Créateur a mis là pour notre jouissance ». Et nous serons ravis d’avoir, à l’inverse, favorisé toutes sortes de parasites et autres commensaux de l’homme, tels que rats, blattes, acariens et microbes en tout genre, bien au chaud au fond de nos florissants écosystèmes urbains ou agricoles. Qu’à cela ne tienne, il est sûrement possible d’exploiter cette biomasse négligée. Du surimi à base de cafards d’égout à la sauce piquante de tentacules de méduses, voilà une excellente idée pour une « startoppe » moderne et « synergique ». Nous y viendrons bientôt : on n’arrête pas le progrès.


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6 réactions à cet article    


  • Dr Lecter (---.---.89.239) 11 janvier 2006 14:46

    Il ne faut pas être aussi défaitiste voyons !...

    Il reste toujours le bon vieux cannibalisme que toutes les civilisations antiques ont un jour pratiqué.

    En plus il parait que la chair humaine a un goût qui s’approche de celui du cochon sauvage.

    On ne sera peut-être pas perdant au change...

    Le futur qui se profile sera celui du plus apte, remercions-en le capitalisme moderne ! :D

    Bon... Sur ceci je vous laisse car cette histoire m’a donnée faim et j’ai un ami qui m’attend pour le déjeuné.


    • Erik Lallemand (---.---.148.35) 11 janvier 2006 18:07

      Mettre la responsabilité du carnage de baleines sur le compte du capitalisme me parait déraisonnable.

      Mais depuis le temps qu’on sait que les japonais exploitent une faille des traités internationaux pour mettre la viande sur le marché, ne peut-on pas supprimer l’autorisation de commercialiser la viande issue des prétendues prises à but scientifique ?

      Par ailleurs, la commission baleinieère internationale n’avait-elle pas refusé au Japon l’augmentation de ses quotas ?


    • Thucydide Thucydide 11 janvier 2006 19:36

      Merci d’avoir conservé un ton courtois, mais je me permets de signaler qu’il n’est nulle part question de capitalisme. Il s’agit plutôt d’un comportement que l’on pourrait assimiler au « libéralisme sauvage » et qui est le propre de tous les prédateurs. Par exemple, une fouine qui entre dans un poulailler tue tout ce qui bouge sans se préoccuper des conséquences de son acte. Je dis seulement que l’homme devrait être capable de surmonter l’avidité des individus par des réglementations adaptées, et ce, au plus vite ! Vous semblez d’ailleurs d’accord avec moi.


    • Thucydide Thucydide 11 janvier 2006 19:39

      Pour ne rien vous cacher, cher admirateur d’Hannibal Lecter, j’ai failli utiliser une autre image à la place de celle du surimi, en guise de conclusion. Je me suis abstenu de faire allusion au « soleil vert », sorte de pâtée à base de cadavres humains dans le célèbre, mais assez vieux, film d’anticipation avec Charlton Heston dans le rôle principal (Soylent Green).


      • Dr Lecter (---.---.89.239) 11 janvier 2006 20:51

        Je constate avec bonheur que nous avons les mêmes classiques ! :D

        Il est agréable de converser avec une personne de goût. Il faut dire qu’il y en a hélas si peu de nos jours...


      • yaarg (---.---.28.175) 12 janvier 2006 00:29

        L’épuisement des ressources s’est déjà retourné contre la civilisation du gaspillage dans laquelle -hélas- nous vivons... Lorsqu’on s’est mis à donner de la viande à des herbivores (les fameuses farines animales données aux vaches), le « glissement » a commencé... La grippe aviaire en est un autre exemple.

        Je pense que la folie des hommes (le sacro-saint « toujours plus ») ne pourra jamais avoir autre chose que des effets nuisibles qui vont s’empiler les uns sur les autres.

        Essayons d’imaginer un empilement d’effets pervers, une série de catastrophes en chaîne... Les schéma ne manquent pas.

        On plante des graines pour cultiver. Les oiseaux mangent les graines. Donc, pour protéger les culture, on chasse, tue ou élimine les oiseaux. Et voilà que les plantes sont saccagées par des insectes. insectes dont se nourrissaient les oiseaux. Manque de bol, plus d’oiseaux, ces cons d’humains les ont exterminé.

        Un autre effet « cascade » ?

        Les immeubles modernes, les « tours », les gratte-ciel comme on disait autrefois, on des « colonnes sèches » : galerie technique verticale où passent les fils électriques, le téléphone, le gaz. Et des colonnes humides : vide ordure, passage de l’eau (eau potable, eaux usées), éventuellement du chauffage. Pratiques ? Non, désastreux : ces colonne favorise la prolifération des cafards. On les extermine avec des pesticides. Manque de bol, les ’tites bébêtes deviennent de plus en plus résistantes (puisque ce sont les survivants qui se reproduisent) et aujourd’hui on ne sait plus comment les combattre.

        En faire du surimi ?

        Le plus grand problème de l’humanité, c’est l’homme...

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