Homoparentalité : institutionnalisation d’une déviance éducative ?
Un article précédent faisait un état des lieux sur la question de l’homosexualité dans son rapport à la société moderne. Aujourd’hui, un projet de loi gouvernemental entend encadrer et institutionnaliser l’homoparentalité, donnant ainsi une légitimité nouvelle aux couples homosexuels avec enfants dans la société, ce qui ne va pas sans créer de débats et d’interrogations quant aux conditions éducatives sous-tendant le développement de ces enfants.
Les concepts de normalité et de déviance sont traditionnellement associés à la notion de sexualité tournée vers une finalité naturelle, bien que cette dernière expression renvoie à une forme de mythologie de la nature ne prenant pas en compte toute la dimension socio-culturelle complexe de la sexualité humaine, plus étudiable dans toute son étendue par la sociologie ou les sciences humaines, que par la simple biologie de la reproduction. Aussi, la compréhension de la sexualité, en tant que phénomène ancré dans l’imaginaire non seulement individuel mais également collectif et culturel, ne doit pas se limiter à certains de ses aspects réducteurs, que ceux-ci soient moraux, politiques ou conceptuels.
La compréhension de la sexualité dans ses diverses formes doit s’appuyer sur une pensée complexe ou non réductrice, multiréférentielle et transdisciplinaire, qui fait cependant cruellement défaut dans de nombreux débats de société s’attachant de manière générale à distinguer des camps opposés s’affrontant de manière parfois idéologique sans véritable écoute ni possibilité de discussion ou d’approfondissement réflexif : le « J’écoute mais je tiens pas compte » d’un actuel dirigeant politique en fonction. Dans de telles conditions et selon une telle approche, toute possibilité de compréhension des problèmes sociaux posés par l’évolution des sociétés contemporaines est tout simplement impossible.
Castoriadis affirme que « la mère, n’est pas seulement la mère biologique immédiate, proche de l’enfant. Elle est la mère en tant qu’incarnation de l’institution imaginaire de la société depuis l’origine de l’humanité », propos tenu au colloque de Cerisy (Barbier, 1996). De la même manière, le père n’est pas seulement le père biologique et Lacan conceptualise un « père symbolique » par sa notion de « Noms-du-père », en deçà du père réel et du père imaginaire. Cette conception paternelle est également fortement ancrée dans les schémas de pensée de la société au travers de l’autorité et de ses représentants dans l’institution. Aussi, la défaite de Ségolène Royal aux élections présidentielles de 2007 peut traduire cette persistence majoritaire de la soumission à l’autorité paternelle dans le corps social culturel français, très imprégné de psychanalyse dans ses strates professionnelles et intellectuelles, comme le témoignent les résistances théoriques et conceptuelles du corps médical dans sa conception de certains troubles du développement comme l’autisme dans ce pays.
La forte tradition religieuse, notamment catholique, laisse apparaître également l’importance de la fonction paternelle symbolique, incarnant l’autorité sociale et spirituelle, et sa prégnance dans la société, bien que tant l’autorité religieuse que politique soient aujourd’hui en voie de récession dans les sociétés occidentales modernes dans le cadre d’un monde où les échanges sont mondialisés. Les fonctions paternelles et maternelles symboliques, projetées dans la société, et se complétant, témoignent de la présence et de l’importance des composantes masculines et féminines au niveau individuel, dans le développement et le vécu même des individus au niveau psychologique. C’est à cet effet qu’Edgar Morin, rappelle dans le Tome 3 de sa Méthode (1986), en reprenant des concepts jungiens que : « De même que les deux sexes coexistent en chaque sexe, de même en chacun de nous coexistent un esprit masculin et un esprit féminin -Animus et Anima ; l’important est leur dialogue, le fruit de leur dialogue. »
Dans cette optique, il apparaît que l ’homoparentalité, loin de constituer une nouvelle forme de parentalité moderne ou progressiste, se présente comme une forme de parentalité dans laquelle ce dialogue entre les entités féminines et masculines, non seulement au niveau psychologique, mais également ancré dans le biologique, fait apparemment défaut. L’enfant naissant de parents biologiques, un père et une mère, se retrouve ainsi dépossédé d’une de ces deux composantes naturelles, l’obligeant ainsi à compenser d’une manière individuelle ou sociale cette déviance au regard de sa conception biologique. Maintenant, une mère ou un père élevant seul(e) son enfant traduit également une situation de déficit éducationnel au regard de la conception biologique, mais l’imposition culturelle dès l’enfance d’un mode de comportement sexuel biologiquement déviant ne traduit-il pas au niveau social une forme de conditionnement pouvant éventuellement amener l’enfant à être influencé dans son développement dans la direction de cette forme de déviance, au demeurant aujourd’hui socialement accepté et reconnue par la collectivité, à titre individuel ?
Car si l’homosexualité est aujourd’hui reconnue à titre individuel comme une liberté ou un mode d’être de la sexualité socialement accepté, lorsqu’il engage le devenir d’enfants en développement dans le cadre de leur éducation, au niveau personnel et familial, la question est aujourd’hui moins claire, les études s’attachant aux conséquences éducatives de l’institutionnalisation de familles homoparentales comportant des composantes à la fois politique, morale et imaginaire non forcément élucidées par leurs auteurs ou institutions de recherche, soumis aux injonctions parfois rigides et idéologiques des cadres intellectuels de la Cité Savante dans lequel évolue l’Homo Academicus (Bourdieu, 1984). Aussi, un principe de précaution ou de prudence, en matière éducative, ne devrait-il pas être adopté par les chercheurs dans leur approche de cette question sociétale ?
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