Immigration : la fraternité assassinée
« Le rapprochement entre les peuples doit être le résultat d'une évolution. Ce n'est pas quelque chose qui peut être imposé brutalement. Les leaders mondiaux voudraient empêcher que les peuples se rencontrent réellement, ils ne s’y prendraient pas autrement. »
Nous avons tous vu cette photo d’un enfant mort, échoué sur une plage. Elle a été exhibée et exploitée dans les médias avec une indécence inédite. Des enfants morts dans des conditions insoutenables, cela arrive tous les jours, et pas seulement à l’autre bout du monde. Sauf que quand on ne les montre pas à la télévision, tout le monde s’en fout. Aujourd’hui, on ne s’émeut que sur commande.
Comme trop souvent, on utilise l’émotionnel pour court-circuiter toute réflexion. C’est par ses émotions que l’homme est le plus manipulable, elles empêchent d’accéder à une compréhension d’ensemble et de réagir de manière adaptée. Sous le coup de l’émotion, on peut prendre part à des choses que notre conscience réprouverait en temps normal. Je reconnais dans certains journaux télévisés la même structure qu’on donne aux séances d’hypnose, c’est-à-dire qu’il s’agit de messages subliminaux. On culpabilise les gens tout en leur laissant entendre qu’ils ne peuvent rien faire et sont impuissants. Heureusement, de plus en plus de gens s’éveillent et ne sont pas dupes.
Il y a urgence à poser les bonnes questions
Alors que faire ? Bien sûr, on ne peut pas rejeter tous ces gens à la mer, les laisser se noyer ou leur tirer dessus. Lorsque nous en serons-là, nous aurons perdu notre humanité – déjà fortement éprouvée. Bien sûr, c’est magnifique de voir la mobilisation de centaines de bénévoles pour venir en aide aux arrivants les plus mal en point, même si j’aimerai que de telles initiatives soient également observées pour accueillir nos SDF. Mais dans de telles proportions, ils seront rapidement dépassés, d’autant qu’il ne s’agit pas d’un accueil temporaire, la plupart resteront en Europe. Une fois l’humanitaire d’urgence effectué, qu’adviendra-t-il ? Ce n’est pas une question de droite ou de gauche, de communisme ou de capitalisme, c’est une question d’intelligence : avons-nous aujourd’hui les moyens d’accueillir dignement et durablement ces populations ?
S’entraider, ce n’est pas seulement s’organiser pour gérer les dégâts. C’est surtout agir à la source pour faire cesser les causes d’une telle situation, et cela devrait se faire tout aussi urgemment. Pourquoi ces gens doivent-ils fuir ? Pourquoi ces pays sont en guerre et qui entretient cette guerre ? Les dirigeants des pays occidentaux, tantôt par leur inaction, tantôt par leurs jeux géopolitiques plus que douteux, ont une responsabilité énorme dans ces conflits. Rien n’est fait non plus pour stopper les filières de passeurs – des gens armés, parfois liés au terrorisme – qui forcent les migrants à monter en surnombre dans les bateaux. La sagesse voudrait qu’une véritable coopération internationale se fasse pour ramener la paix sur place.
On supprime des dictatures en laissant ce qui reste en pâture aux extrémistes, parfois après avoir financé et armé les deux camps. Ce sont ces mêmes dirigeants, ces mêmes théoriciens des droits de l’homme à géométrie de plus en plus variable, qui s’invitent ensuite à la télévision pour accuser leurs propres concitoyens de xénophobie. Mais xénophobie, littéralement, ça veut dire peur de l’étranger. Quand vous voyez des migrants, d’une culture très éloignée de la vôtre, arriver dans votre pays dans des proportions jamais observées dans l’histoire récente, et que vous comprenez que vos dirigeants ne sont pas à la hauteur et vous cachent beaucoup de choses, il normal d’avoir peur.
On est en train de monter les peuples les uns contre les autres
Par charité obligatoire, on oblige les pauvres à donner aux très pauvres, pendant qu’une élite ne cesse de s’enrichir dans des proportions outrageantes. Il n’y a aucune morale à tout cela. C’est d’autant plus scandaleux qu’il y a dans l’absolu tout ce qu’il faut sur la planète pour que chaque peuple, chaque individu trouve sa place et les ressources pour vivre son expérience. Alors qu’on pourrait s’enrichir d’une immigration naturelle, en prenant le temps de bien faire les choses, on est en train de tout gâcher.
Les leaders mondiaux voudraient empêcher que les peuples se rencontrent réellement, ils ne s’y prendraient pas autrement. Mais personne n’échappe à la loi de cause à effet, et ils se retrouveront eux aussi, tôt ou tard, acculés à l’évolution. J’ai toujours dit que nous avons les dirigeants que nous méritons. Il y a quand même un cruel manque de conscience d’une majorité d’entre nous, sans quoi jamais nous n’aurions permis qu’une telle politique soit possible. Nous ne relions pas les évènements entre eux parce qu’en majorité nous ne nous sentons pas reliés les uns aux autres.
Vers une véritable entente entre les hommes
Avant de s’imaginer fusionner les civilisations, il faudrait que les pays soient déjà capables d’entretenir des relations pacifiques et de mener à bien de véritables projets communs, autres qu’économiques. Jamais nous n’avons autant parlé de vivre ensemble – ce qui en soi est une bonne chose – alors que jamais la société n’a été aussi individualiste et superficielle dans ses échanges. La tolérance demande sagesse et conscience, des valeurs élevées qui ne sont absolument pas stimulées par le système éducatif actuel. On n’apprend pas aux enfants en quoi nous sommes reliés, encore moins de quel grand tout nous faisons partie.
Il est inéluctable que les peuples, dans leur essence humaine, se rapprochent, se mélangent et se renforcent. Cela sera le résultat d’un long processus, qui doit passer par un changement des consciences individuelles. Bien que l’homme progresse incontestablement, nous sommes encore loin de l’état d’esprit nécessaire. Ce n’est pas quelque chose qui peut être imposé brutalement. Le risque est grand de voir les peuples se diviser et s’affronter plus encore. Peut-être est-ce l’objectif recherché par de discrets manipulateurs.
En tant que bouddhiste, je ne cesse de répéter que tout est lié dans l’Univers, que l’harmonie est conditionnée à la compréhension de cela. Mais l’Homme a une histoire, une longue histoire avec son karma collectif et son lot d’épreuves successives avant de parvenir à un stade véritablement supérieur. Il est aujourd’hui enlisé dans des structures sociales qui empêchent sa vision de l’illimité, et la vague d’éveil des consciences que nous connaissons aujourd’hui ne suffira pas à les sublimer.
Le bouddhisme s’intéresse à l’évolution de l’âme et au travail individuel pour parvenir à l’éveil. La société n’est vue que comme projection de l’esprit. Cependant, l’observation et la compréhension de notre environnement et de nos relations sociales sont nécessaires à cet éveil. Aussi, nous devons apprendre à être honnêtes dans ce domaine, à ne plus accepter qu’on nous interdise de débattre de la réalité vécue, ni qu’on nous impose des conceptions du monde qui opposent et divisent.
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