Inégalités scolaires, le problème à l’envers
Et c’est à ce moment que tout le monde se pose la question : Mais pourquoi les enfants des classes populaires réussissent-ils moins bien les études supérieures ?
Les inégalités scolaires ne datent malheureusement pas d’aujourd’hui. Depuis toujours on entend que les enfants issus des classes populaires réussissent moins bien dans les études supérieures que les enfants des classes favorisées. Alors il est temps de se pencher sur les chiffres. Selon le Ministère de l’Education Nationale, en 2014, 30% des étudiants français sont fils de cadres. Ce chiffre monte même à 46% dans les écoles d’ingénieurs qui comptent seulement 6% de fils d’ouvriers. Une statistique plutôt surprenante quand on sait que les cadres représentent seulement 17% de la population active (et on ne prend même pas en compte l’évolution du nombre d’enfants par foyer en fonction de la catégorie sociale).
Entrons encore un peu plus dans le détail et regardons comment évolue ces proportions en fonction du niveau d’étude. Toujours selon le Ministère de l’Education Nationale, 60% des enfants d’ouvriers n’ont pas le Bac, contre seulement 13% chez les cadres. Et plus le niveau d’études augmente, plus la différence se creuse puisque seulement 4% des fils d’ouvriers atteignent un Bac+5 alors que plus de 40% des fils de cadres réussissent. Même à l’université, là où les inégalités sont à priori les moins présentes, la volonté d'intégrer toutes les classes sociales a provoqué une hausse des effectifs d’étudiants qui a nécessité une augmentation du nombre de filières. Cette diversification des filières a conduit à une hiérarchisation : des filières de prestiges sont apparues alors que d’autres sont seulement là pour récupérer les élèves malheureusement acceptés nulle part ailleurs.
Et c’est à ce moment que tout le monde se pose la question : Mais pourquoi les enfants des classes populaires réussissent-ils moins bien les études supérieures ?
Parce qu’il est politiquement incorrecte de dire que les ouvriers, les agriculteurs,… font des enfants moins intelligents, on a commencé à chercher des pseudo-explications.
La première est bien sûr financière. L’inscription dans certaines écoles supérieures peut être chère, le logement dans les grandes villes étudiantes présente un loyer souvent élevé et des frais de transports entre le domicile de l’étudiant et celui de ses parents s’accumulent. Les parents ouvriers n’ayant pas forcement un capital suffisant, l’étudiant renonce à se lancer dans ces études ou exerce une activité rémunérée en parallèle qui lui demande du temps et de l’énergie qu’il ne pourra donc pas investir dans les études. Nous avons enfin une explication, tout le monde est heureux, continuons sur notre lancé.
L’accès à la culture ! Magnifique ! Bien évidemment la classe supérieure se rend bien compte que lorsqu’elle sort au théâtre, à l’opéra, dans les musées, le nombre d’ouvriers tient sur la main pour ne pas dire est à zéro. Voilà une nouvelle cause des inégalités, les enfants d’ouvriers n’ont pas la chance d’avoir des parents qui les emmènent se cultiver et finissent donc par se tourner vers des métiers abrutissants.
Une dernière cause semble être les relations sociales. En effet comment voulez vous qu’un enfant souhaite se lancer dans des études d’ingénieur si les seules personnes qu’il côtoie au quotidien sont son père plombier, sa mère femme de ménage, son oncle gendarme et sa cousine en CAP coiffure. Il ne sait même pas à quoi correspond le métier d’ingénieur ! De plus le système d'éducation français est basé sur la notation et la compétition entre les élèves. Ceci favorise encore un peu plus les enfants de parents diplômés.
Fiers d’avoir mis le doigt sur toutes ces causes, il était temps de trouver des solutions. Le problème le plus simple à régler est le problème financier. Il suffit que l’état verse des aides et paye les frais d’inscription. Soyons honnête, c’est une bonne chose même si aujourd’hui le montant des bourses est très insuffisant. Cependant cette aide peut tout de même encourager les adolescents à se lancer dans les études supérieures sans avoir à trop se soucier du financement. Mais cela ne résout pas le problème, et aujourd’hui les inégalités restent malgré tout présentes (voir s’accentuent), simplement parce que, en plus de donner les moyens, il faut donner l’idée et la motivation à ces jeunes.
Pour cela on a élaboré des solutions au problème d’accès à la culture, qui partent d’un très bon sentiment. On facilite l’accès aux lieux culturels qui sont alors ouverts à un public bien plus large. Cependant, un adolescent de 13 ans a plus envie d’aller se cultiver devant le tout dernier blockbuster américain que devant une pièce de théâtre. Et même s’il le voulait, qui est ce qui l’accompagnerait ? Personne dans son entourage n’a l’habitude de fréquenter régulièrement ces lieux. Là encore ce n’est pas suffisant.
Pour résumer, on a essayé de donner les moyens financiers à la classe populaire, on a essayé de l’éduquer. Rien ne fonctionne. Que faire ?
Peut-être serait-il temps de régler le dernier problème, celui des relations sociales. Peut-être serait-il temps d’inverser le raisonnement et de s’intéresser à la classe aisée. Pourquoi plus de 40% de ses enfants s’orientent vers un Bac+5 alors que cela ne représente qu’environ 15% des emplois ? Fini l’hypocrisie, il faut arrêter de défendre des causes simplement pour se donner bonne conscience et faire bonne figure. Maintenant il faut assumer et passer aux actes. Toutes ces personnes des beaux quartiers qui semblent porter joyeusement le combat contre les inégalités inscrivent ensuite leurs enfants dans des lycées privés. Si la mixité sociale n’existe pas ce n’est pas parce que la classe populaire ne veut pas se mélanger avec les plus riches (au contraire tout le monde aspire à gravir l’échelle) mais belle et bien parce que la classe favorisée, malgré tout ses beaux discours, ne souhaite pas que ses enfants soit dans la même classe qu’un fils d’agriculteur. Et c’est ainsi qu’un enfant d’ouvrier ne côtoie jamais de chirurgiens et donc ne pense pas à se lancer dans des études de médecine.
Les enfants de la classe aisée sont condamnés, eux aussi, à toujours s’orienter vers les mêmes activités et à ne jamais côtoyer un artisan, un ouvrier ou un agriculteur. La conséquence c’est qu’ils n’ont donc pas l’idée de se pencher sur des métiers manuels comme la menuiserie ou l’agriculture (seulement 5% des enfants de cadres s’oriente en CAP). Et pourtant, dans la période que l’on vit, il serait bon d’éduquer les enfants aux choses simples. L’intelligence ce n’est pas être bon en mathématiques pour plus tard devenir ingénieur. L’intelligence c’est comprendre qu’il faut de tout pour faire un monde, que chaque personne a des compétences différentes qu’elle peut apporter à la société et qu’il n’y a aucune honte à faire un métier qui plait plutôt qu’un métier qui paye. Il est temps que tout ce beau monde cesse de forcer ses enfants à devenir chirurgien et les laisse choisir d’être professeur d’EPS si tel est leur désir. « Il n’y a pas de sous métiers ». Arrêtons de le dire mais ayons des actes qui le prouvent.
Les enfants de la classe populaire ne décrocheront jamais un métier prestigieux mais les enfants de la classe aisée n’auront jamais de leçon de vie et d’humilité.
By Silverback
Sources et références :
Le Niveau de diplôme des catégories sociales, Observatoire des inégalités, 23 septembre 2016.
Les classes populaires dans l’enseignement supérieur. Politiques, stratégies, inégalités, 2010.
Les inégalités dans l’enseignement supérieur, Gérard Aschieri, 2013.
Origine sociale des étudiants 2014, Ministère de l’éducation nationale.
Tableau de l’économie Française, Edition 2016, Population active, 01 Mars 2016.
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