L’éducation traditionnelle
Ces dernières années, les médias nous ont littéralement abreuvés de contenus nostalgiques faisant la promotion larmoyante de notre modèle d’éducation traditionnel, dont la perte serait à l’origine des maux de notre société contemporaine. Nous tenterons ici d’établir ses présupposés idéologiques ainsi qu’un modèle de son fonctionnement.
Des enfants comme des chiens
Cette théorie éducative part d’une métaphore canine. Un chien a deux types de comportement possibles : ou bien il a reconnu dans la meute un chef, auquel cas il se comporte comme soumis à lui sur tous les plans, ou bien, en son absence, c’est lui qui devient maître et se fait reconnaître comme tel en exigeant la soumission absolue des autres, par la force si nécessaire. Dans le cas d’un chien de compagnie, c’est le maître humain qui devra s’affirmer comme chef, auquel cas le chien lui montrera respect et affection, sous peine de quoi l’animal tentera de devenir lui-même le dominant de la meute et présentera un comportement capricieux, sinon agressif et violent.
La principale caractéristique de l’éducation traditionnelle est d’assimiler les enfants à des chiens domestiques.
Le contrôle de l’affection
Le point le plus crucial de sa pratique est que, bien que les parents aiment leurs enfants d’un amour sans limites, trop le leur montrer en multipliant les signes d’affection serait fondamentalement néfaste, puisque cela pousserait l’enfant à se sentir en position de force et donc à se comporter comme le chef, avec tous les comportements capricieux que cela implique.
Les adultes doivent donc se faire violence pour ne pas trop exprimer leurs sentiments. Les effusions d’amour doivent impérativement être contrôlées, et tout comportement inconstant de l’enfant strictement sanctionné. L’endroit où placer le curseur est excessivement simple : tant que votre enfant semble capricieux, c’est que vous êtes trop gentil avec lui.
Enfant qui souffre = enfant sage
L’idée est qu’un enfant qui souffre est un enfant sage ; que, par un principe économique simple, la souffrance infligée par la punition fera amèrement regretter le geste, et donc demander pardon. Un enfant ainsi malheureux parce qu’il a mal fait cherchera donc tout naturellement à se racheter, et aura tendance à présenter le comportement parfait que ses parents attendent de lui.
L’autorité
L’autorité est un rôle attribué aux parents dont le but est d’instaurer chez l’enfant un respect naturel dû à son aura, et qui doit montrer de la constance et de l’infaillibilité sans quoi, comme c’est le cas dans la meute, l’enfant tentera de tirer parti de la situation pour devenir chef à son tour. Par conséquent, il est primordial d’être implacable y compris et surtout sur les points de détail, en montrant que l’on est sur son propre terrain et qu’on n’entre pas dans le jeu de l’enfant, c’est-à-dire, sans chercher à s’expliquer.
Le développement de la force
Mais, alors que le chien domestique restera soumis toute sa vie, le propre de l’homme est qu’il deviendra lui-même parent un jour, c’est-à-dire qu’il devra passer de la condition d’enfant soumis à celle d’adulte soumetteur. Pour cela, il devra passer de la faiblesse, qui accepte la contrainte de l’extérieur, à la force, qui la rejette et l’applique lui-même sur ceux qui lui sont subordonnés. Ce processus demande donc d’apprendre, comme nous l’avons dit, à maîtriser ses propres affections, c’est-à-dire à se faire violence.
L’humiliation
Si, dans un premier temps, l’enfant n’est pas suffisamment fort pour se faire violence lui-même, alors, pour son bien, elle devra lui être apportée de l’extérieur. Pour cela, le procédé le plus efficace, bien connu des éléments les plus rétrogrades de l’Education nationale, c’est l’humiliation, qui consiste à placer l’élève directement en face de ce qui est vu comme ses faiblesses de caractère, afin de les lui faire détester, pour que cette souffrance provoque en lui le changement vers le comportement attendu, à la manière de la punition chez l’enfant.
La crise d’adolescence
Le passage d’enfant à adulte doit donc, dans ce modèle, s’accompagner d’une révolution totale de la personnalité, du passage d’un pôle à son extrême opposé, de la pure passivité à la complète activité. Cela se traduit pour lui par une période où le comportement des autres, et donc sa vision du monde et son propre comportement, sont marqués par une contradiction et un violent conflit interne, provoqués par la présence simultanée des éléments opposés. C’est la crise d’adolescence, se faisant ainsi nécessairement dans la douleur.
Les femmes
Les valeurs traditionnellement attribuées aux femmes sont l’affection, la compassion, la sentimentalité. Or, comme nous l’avons vu, ces caractères sont ceux que l’homme se doit de réprimer par la force pour que le processus éducatif puisse réussir ; l’homme se doit donc de contrôler sa femme, dès lors considérée comme faible. Si l’homme aime sa femme, c’est donc en tant qu’être faible, tel un éternel enfant, non comme égale.
Conclusion
Ce modèle permet d’expliquer de nombreux comportements humains de façon cohérente sans aucune considération naturelle ou biologique. Dans un prochain article, nous verrons à quel point il peut s’avérer néfaste et comment, bien loin d’en être la solution, il a largement contribué à créer la violence de notre monde moderne.
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