L’ennemi public numéro un et la campagne présidentielle
Au-delà de l'Union Sacrée des candidats à la présidentielle, au-delà de la « trêve » proposée, au-delà du recueillement imposé et de l'émotion figurée, nul n'est dupe. Les attentats de Toulouse peuvent faire basculer toute la campagne d'un côté ou de l'autre. Il serait donc naïf d'imaginer qu'un tel événement public soit une parenthèse. C'est un tremplin de campagne évident qui donne l'occasion aux candidats de s'exprimer de manière plus intime, plus personnelles, sur des sujets qui nécessite plus de compassion que de technicité politique. C'est un moment où toutes les caméras sont braquées au même endroit, offrant ainsi un champ de vision densifié à tous les électorats. Nous sommes bien en campagne, quoi qu'en puisse dire certains. Et nous venons d'entamer une nouvelle phase de cette campagne, celle où tout peut changer.
L'affaire a commencé le 11 mars à Toulouse, où un militaire musulman est assassiné. Quatre jours plus tard ce sont deux autres militaires qui sont abattus à Montauban dont un musulman et un antillais. Quatre jours après, le comble de l'horreur survient avec l'assassinat de trois enfants et d'un professeur dans une école juive de Toulouse. Le tueur agit avec un sang froid implacable. Après ses crimes on le voit s'en aller sur son scooter. La police le traque, le président instaure un plan vigipirate écarlate... L'individu est alors devenu l'ennemi public numéro un.
Il sera retrouvé le 21 mars à 3h du matin, cerné par la police dans son appartement. Le face à face avec les hommes du RAID dure depuis. A l'heure actuelle la résistance dure depuis 31 heures. On connaît désormais son nom, son parcours, ses revendications. Il s'agirait d'un djihadiste proche du mouvement salafiste, qui se voudrait membre d'Al-Qaïda. Il justifie ses meurtres par la vengeance du massacre d'enfants palestiniens par les forces israéliennes et par les interventions de l'armée française, et plus précisément des soldats musulmans, dans les conflits internationaux comme en Afghanistan.
L'ennemi public numéro un
Au-delà de ces faits qu'il ne sera pas question ici de commenter, intéressons nous à l'impact porté sur la société. L'ennemi public numéro un est celui qui fédère, qui est capable de créer une union nationale, dite sacrée même, pour la politique, tant elle est improbable. L'ennemi public numéro un a cette force de pouvoir en un temps très limité créer une véritable cohésion sociale affranchie de toutes considérations politiques. Ce rassemblement va même plus loin puisqu'il fédère les partisans de différents cultes, notamment les juifs et les musulmans dont les relations auraient pu être mises à mal par l'attentat. Ce qu'a fait Mohammed Merah par ces actes horribles, aucun candidat ne pouvait le faire par le charisme et par la force de conviction. Toutefois, maintenant que cette union est créée, chaque candidat est à même de s'en saisir avant que celle-ci ne s'effrite. Il est très difficile à dire combien de temps durera cette cohésion. Dans son état actuel, probablement quelques jours, voire quelques heures, jusqu'à ce que les candidats se déchirent à nouveau. Mais dans un mois il restera encore quelques liens fabriqués par ce besoin d'union.
Ce bouleversement émotionnel va jouer un rôle évident dans la campagne. Et chaque candidat le sait. Et chaque candidat va se servir de ces événements et des thématiques qui lui sont associées (sécurité, islam, déchéance de nationalité, etc) pour tirer à lui un maximum de nouveaux électeurs. Les perdants seront ceux qui préféreront rester à l'écart de dîner de charognards.
A qui vont profiter les attentats de Toulouse ?
Les stratégies sont en train de se mettre en place. Mais compte tenu du fait que les opérations de police ne sont pas terminées il est difficile encore de pouvoir dégager une tendance. La situation actuelle profite au président sortant qui s'illustre actuellement comme le plus légitime dans les médias par son rôle de chef d'état. De plus, la sécurité et l'identité nationale sont des thèmes qui lui sont chers. L'extrême droite peut également gagner avec cet événement et semble tout à fait décidé à s'imposer dans le débat. Marine Le Pen, d'abord muette et appelant à la trêve de la campagne lorsque l'identité du suspect était inconnue et lorsque la police suspectait des néo-nazis, a fait preuve depuis hier d'une très grande virulence n'hésitant pas à se montrer hautement vulgaire dans les réseaux sociaux. Si sa crédibilité en souffre, elle est également pénalisée par un désertion de son électorat en faveur de Sarkozy.
La gauche risque elle aussi de s'accaparer le sujet, en allant à contre courant de la droite et en abordant le passé avant d'aborder l'avenir. L'opposition peut clairement dénoncer la montée des tensions qui a lieu en France depuis plusieurs années et l'amalgame hautement préjudiciable qui est fait entre étrangers, immigrés, sans papiers, citoyens français d'origine étrangère, musulmans, islamistes, intégristes, gens de couleurs... A cet amalgame que nourrit également la télévision il faut ajouter les émeutes des banlieues, la violence et les délits de droit commun en général et des pratiques sociales anormales. C'est probablement, donc, en s'appuyant sur ce bilan, et en le dénonçant, que la gauche a une chance de disqualifier le président candidat.
Un climat de guerre sociale
Il est regrettable de voir une instrumentalisation de l'opinion publique au terme de ces attentats, quand l'heure est plutôt à la prise de conscience générale. La sécurité nationale ne suffira jamais à contenir une montée de violence. Nous sommes témoins de l'échec. Les attentats se multiplient. Tous les jours en France plusieurs sont déjoués du fait des techniques et des effectifs de la police. Mais les criminels évoluent également. Presque aucun média n'a évoqué l'attentat qui a eu lieu à Paris hier, 21 mars, dans le seizième arrondissement de Paris. Une bombe a explosée devant l'ambassade indonésienne, soufflant tout dans la rue sur 50 mètres. Fait divers ?
Une prise de conscience globale est la seule alternative à la multiplication d’événements graves. Une éducation à la tolérance et une sensibilisation à la différence, qu'elle soit de sexe, de couleur de peau, de culte, d'origine ou autre, sont primordiale. Une éducation riche et humaine dès le plus jeune âge est un investissement sur l'avenir et un gage de paix future. La culture et le domaine sociale qui sont les premiers à souffrir des coupes budgétaires sont également les garants d'un équilibre social nécessaire. Mais rien n'est fait en ce sens aujourd'hui. La cohésion sociale semble un objectif qui fait peur. La division en revanche est le pain quotidien de certains.
L'économie est en crise, mais la société est en sang.
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