L’eugénisme « moderne » versus le droit à la vie
À la suite d’un entretien avec la mère d’une jeune trisomique, qui était accompagnée par celle-ci, diffusé sur les ondes télévisées de la chaîne québécoise T.V.A., il m’a paru utile de rédiger ce texte où j’exprime mon opinion sur un sujet d’ordre éthique : Le droit à la vie. Je sais bien qu’un tel sujet risque de heurter les principes de plusieurs personnes, ou encore de créer une polémique sur des sujets, disons-le sans détour, tabous. Mais, pourquoi donc devrions-nous garder le silence alors que la science elle-même nous amène inexorablement à faire face à des situations qui étaient, il n’y a pas si longtemps, inimaginables ? Ceci dit, je vous invite à lire ce qui suit et à y répondre avec, je vous prie, courtoisie et respect. Merci de votre partage.

Les hommes ont de tous temps cherché à créer des modèles pouvant servir à garantir, et même à améliorer par le truchement de la génétique, la continuité des différentes espèces du règne animal. Ils n’ont donc pas tardé à parfaire selon leurs critères ce que la nature leur proposait. L’objectif était a priori louable : Faciliter l’existence de l’humanité par la création de sous-espèces davantage aptes à satisfaire leurs besoins primaires. C’est ainsi que se firent selon une période historique plus ou moins longue la domestication du cheval, du loup qui deviendra l’ancêtre commun aux chiens, et celle des bovins favorisant de la sorte un accroissement appréciable de la qualité de vie et ce, par l’apport de divers biens de consommation. Jusque-là, on ne peut certes pas remettre en doute le bien-fondé d’une telle ingéniosité. Où en serions-nous n’eut été cette brillante idée ? La science ne peut guère être accusée de tous les maux, pas plus qu’il serait loisible de la gratifier de tous les succès. Il faut donc savoir faire la juste part des choses.
Mais, le problème est d’une toute autre portée en ce qui à trait à l’être humain. Je ne parle pas d’un « être humain » en un sens abstrait, mais plutôt à la personne possédant des attributs qui lui sont spécifiques tels que des sentiments, des qualités, des défauts, des forces et bien entendu des faiblesses. De plus, cet « être humain » existe en tant qu’entité dépendante de son environnement immédiat puisqu’il doit tenir compte de l’éthique, et de son corollaire qui est le cadre légal, dans ses rapports avec autrui mais aussi dans ses propres finalités. Il est aisé de s’apercevoir que le danger réside ici qu’à ne voir chez lui qu’une simple potentialité de richesses pécuniaires, d’intégrité aux normes préétablies par une nomenclature scientifique et de satisfaction face aux critères en vigueur dans la collectivité. Or, qu’arrive-t-il si celui-ci ne correspond pas à ce que devrait être un « être humain » ? De quel droit pouvons-nous décider du droit d’existence d’un « être humain » qui est avant tout une personne ? Allons plus loin ! Quels sont les dangers éventuels de la mise-en-place de tests de grossesse pour déceler les malformations congénitales des fœtus chez les femmes enceintes ?
C’est un fait ! La science médicale a fait des bons spectaculaires depuis la fin du second conflit mondial. C’est ainsi que l’utilisation des antibiotiques, des vaccins et la mise-en-place d’une politique hygiénique axée sur la prévention ont été des vecteurs considérables dans le combat face aux maladies infectieuses. Toutefois, les possibles implications des ultrasons dans le domaine de l’obstétrique, suivie par de nombreux tests de dépistage de malformations congénitales, risque d’hypothéquer sérieusement les fondements mêmes de l’humanité. Fondements qui, faut-il le rappeler ?, reposent en grande partie sur des valeurs judéo-chrétiennes prônant un respect à l’égard des plus faibles de la société. Or, ces tests de dépistages peuvent faire ressurgir le spectre de l’eugénisme au sein de nos sociétés.
Il m’apparait convenable de vous présenter brièvement quelques-unes des politiques dites « eugéniques » qui marquèrent de leurs tristes empreintes l’histoire de l’humanité. Je désire ici prouver que le Québec n’est pas, comme n’importe telle autre société, exempte d’erreur de jugement dans le domaine de l’éthique médicale. Toutefois, devant le nombre limité de paragraphes alloué dans la rédaction de mon article, je me contenterai de deux exemples éloignés dans le temps et l’espace : Sparte et l’Allemagne nazie.
Sparte était sans contredit la cité-État la plus guerrière de la Grèce antique. Non pas qu’elle fut inquiétée pour sa propre survie mais pour une question, disons-le franchement, idéologique. D’un côté, telle une colonie d’abeilles, les Spartiates mâles se devaient d’être prêts à se sacrifier pour le bien de la Cité. D’un autre côté, la beauté et la robustesse physique étaient le créneau existentiel de tout citoyen sparte. Il va sans dire que les gens atteints de malformations congénitales diverses, si minimes soient-elles, étaient totalement exclues de la société. Qui plus est ! Sparte est la première des entités occidentales à avoir pratiqué de manière délibérée une politique eugénique. Selon son idéologie, un enfant ne doit pas être une charge pour la société. Voilà pourquoi les magistrats de la cité-État examinèrent minutieusement les nouveau-né pour y découvrir une quelconque anomalie physique. Dans ce cas, seuls les enfants possédants des attributs de forces et de beauté, toujours selon des critères subjectifs, pouvaient vivre. Les autres étaient tout simplement occis. N’y aurait-il pas là un certain lien avec la doctrine de l’utilitarisme selon laquelle le bien de la majorité doit avoir préséance sur celui de la minorité, voir des plus faibles ?
Plus près de notre époque, l’Allemagne nazie occupe une place des moins enviables du point-de-vue de l’éthique médicale. En effet, elle a établi une politique eugénique que je qualifierais de tous azimut et ce, avec la pleine collaboration du corps médical non seulement sur son territoire mais aussi dans les zones d’occupation. Ici, les « spécialistes » nazis ciblaient deux objectifs : D’une part, la création d’une race aryenne pure et d’autre part, l’élimination physique de tous les individus ne correspondant pas à leurs critères de sélection. Malheureusement, l’existence de camps de la mort, les expériences biomédicales et la mise en pratique du plan T-4, qui avait pour mission de gazer toutes les personnes atteintes d’handicaps physiques et/ou mentaux dès 1933, démontrent que parfois la fiction dépasse la réalité aussi horrible soit-elle.
Heureusement, les années qui s’écoulèrent depuis la fin de la guerre 1939-1945 ont favorisé une nouvelle approche envers les personnes atteintes d’une quelconque carence physique ou psychologique. Bien entendu, l’époque moderne a vu naître de nombreuses associations visant l’émancipation de la personne dont les plus connues se retrouvent au sein des mouvements féministes. Ces derniers ont constitué le fer-de-lance dans la revendication des droits des plus faibles auprès de la société, aidant par ce fait à la formation de nouveaux courants de pensée dont les conséquences se répercutent encore de nos jours.
Or, la médecine moderne semble avoir apporté de l’eau au moulin du néo-libéralisme pour qui l’économie doit avoir la priorité sur le bien-être de la collectivité. Le risque réside donc à prendre, une fois encore, la personne comme une ressource disponible pour le bon plaisir des plus nantis de la société. D’ailleurs, avez-vous remarqué que les critères de beauté, de perfection physique et le culte voué à la performance sont de plus en plus présents dans les médias ? Bref, les valeurs qui peuvent rendre une personne véritablement digne de ce nom sont remplacées par des règles d’une pauvreté incommensurable au plan de l’éthique. N’allez surtout pas croire que je divague dans mes propos car les tests prénataux sont utilisés, d’abord et avant tout, pour déceler les anomalies congénitales chez l’embryon. Advenant le cas où celui-ci est atteint d’un handicap physique, ou bien même d’une Trisomie-21, l’avortement sera presque toujours offert aux parents.
Je ne remets pas en question le droit aux parents de choisir de poursuivre ou non la grossesse dans de pareils cas. Cela ne regarde qu’eux. Ce qui m’interpelle est plutôt un retour en force, et de surcroît très subtile, de la pensée eugénique selon laquelle seulement ceux et celles ayant des aptitudes économiques et des critères de beauté correspondantes aux normes en vigueur dans la société d’alors auront le droit, devrais-je dire la chance ?, d’exister.
De plus, une telle politique plus ou moins orchestrée par l’État aura invariablement un effet pervers au sein de la société. Souvenons-nous qu’une société équilibrée est semblable à une mosaïque composée de personnes disposant d’attributs des plus variés. C’est ce qui fait sa fortune car c’est dans la somme partagée des différences qu’une richesse mutuelle peut être réalisable. Il est donc impératif qu’une société doit accepter qu’il existe en son sein des gens n’ayant pas les caractéristiques qu’on leur demande au préalable pour vivre. Interrogeons-nous : Qui aurait le droit de vivre plus qu’un autre ? Sur quels critères valables pouvons-nous accepter l’interruption de grossesse lors de la découverte d’une malformation congénitale ? Empêcher la naissance d’enfants sous prétexte qu’ils seraient une charge pour l’État nous ferait-on pas revenir à l’époque de Sparte telle que mentionnée plus haut ? Qui plus est ! Mettons en lumière que c’est le corps médical qui a été en première ligne dans la politique d’extermination des handicapés physiques, des psychiatrisés et autres calamités sous le régime hitlérien. Nul doute que les médecins continueront de jouer un rôle crucial sur ce plan, surtout depuis l’utilisation de ces tests de dépistage.
Or, le débat peut facilement se déplacer sur un autre plan. En effet, le vieillissement de la population québécoise se fait de plus en plus sentir sur les finances de la province. Soyons franc ! Mieux vaut vivre riche, jeune et en santé que pauvre, vieux et malade. Par surcroît, les personnes âgées n’ont guère la faveur populaire. Je n’ose pas imaginer le jour où l’État acceptera de faire passer des tests de santé, ou encore de prédisposition à divers types de maladie, parmi les citoyens et les citoyennes afin de mieux décider qui aura le droit aux soins de santé de ceux et celles qui ne l’auront pas. Ah ! Vous trouvez que j’exagère ? Pourtant, si on est capable d’enlever la vie à un embryon car on le préjuge inapte à pouvoir jouer un rôle utile dans la société, on serait tout aussi habilité à enlever la vie à une personne ne correspondant plus aux idéaux de cette même société. Quelle en donc est la différence ? Ah oui, j’oubliais…. L’épaisseur de peau du ventre d’une femme enceinte. Hummmmm ! Pas si sûr.
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