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La camarade Raymonde – l’arbre qui cachait la forêt

Au commencement était la NVA et Bart était dans ce parti...Par sa parole, il avait soudainement ramoné la belgitude qui gisait dans ceux pour qui le 21 juillet ne représentait plus que le jour du départ en vacances. En idéologisant à la mode française le débat communautaire sur "l'identité" flamande, le leader NVA n'a pas seulement libéré les vieux démons de l’extrême droite flamande, il les a banalisés. 

S'inspirant en effet du modèle du Front National français, il a compris l'intérêt de banaliser un discours impensable parce qu'inacceptable, puis de placer des figures proéminentes dans des postes clefs (malgré des proximités dangereuses avec l'extrême droite néonazie) et enfin, but ultime, de "démontrer" l'impossibilité de dialoguer avec les Wallons.

Les scores obtenus par son parti aux dernières élections montrent que cette stratégie opère puisqu’un Flamand sur trois plébiscite le discours de Bart.

Après 25 ans de pouvoir en coalitions diverses avec tous les partis démocratiques de l'échiquier politique belge, le PS ne se retrouve plus dans le gouvernement fédéral. Quel drame. Difficile à s’adapter au rôle de l’opposition, de se rendre compte qu’aucun gouvernement n’est éternel. Difficile pour Laurette de passer du statut de ministre pépetuelle à "simple" députée, obligée de s'écrier à la tribune parlementaire pour essayer de se faire entendre. Difficile pour Elio d'accepter que l'Empereur n'est qu'une adresse postale et non pas le statut d'un président de parti socialiste. 

Difficile de comprendre que la défense de la démocratie ne passe plus par le discours mais par l'exemple. Il ne passe plus par une "lutte de classe" rendue obsolète par la mondialisation mais par la défense de toutes les composantes des classes moyennes —elles-mêmes fondement de la démocratie pluraliste face aux tentations identitaires d'exclusion...

Hélas, trois fois hélas,les Socialistes belges ne savent plus ce que l’opposition signifie. Leurs reflexes sont devenus pavloviens autour du pouvoir comme de leurs slogans éculés, comme des vieux bœufs qui ne connaissent plus qu’un seul chemin et qu'un seul bouvier pour les y conduire...Et sur leur chemin, ils se font accompagner par le totalitaire PTB, jusqu'à hier poursuivi par la Surêté de l'Etat pour extrémisme idéologique. Parti dont la conception de la société s'inspire librement de Castro, Kim et autre démocratique Mao. 

Dans ce contexte politique post-électoral, il advint qu'un jour de grève nationale, Raymonde arriva.

Obscure sympathisante PTB+ et secrétaire régionale SETCA à Namur, elle se mit à dévaliser un petit magasin de vêtements au motif extravagant que la gérante ne faisait point grève. Parlant même de solidarité envers les grevistes, mais n'en éprouvant aucun envers la gérante. Icelle en effet n’avait pas suivi le catéchisme syndical, quant à l'impérieuse nécessité de bloquer le pays et de mettre encore plus à terre une économie déjà souffrante. Comble de l’audace, cette gérante s’était permise de faire un choix pragmatique, celui de travailler, et non pas idéologique, celui de considérer que tout "indépendant" (y compris une modeste gérante de magasin, syndiquée comme Raymonde de surcroît !) était un "ennemi de classe"..... Les syndicats aiment la libertés citoyennes, mais uniquement quand elles leur sont favorables. 

La vidéo de l'intervention de Raymonde-La-Terreur enfla les réseaux sociaux et transforma l’inconnue en star d’un jour. En moins d'une minute, Raymonde avait transformé la grève en... Star Academy de la castagne et anéanti toute portée sociale du mouvement. Las, les syndicats découvraient alors que la communication sur les réseaux sociaux leur échappait. Qu’il ne suffisait plus qu’un leader sorte à la télé pour asséner quelques demi-vérités d’un air grave, tout en tripatouillant sa montre à quelques milliers d’euros. Que des questions de plus en plus pressantes se posaient : sur le refus systématique des syndicats belges d’acquérir un statut juridique (un statut les obligeant à être enfin responsables de leurs actes), tout comme sur leur financement sur lequel ils s’obstinent à garder le secret. Les syndicats semblent avoir choisi la voie subtile de vaincre le capitalisme en appliquant ses méthodes. Ce, en criant à la fraude par les grandes entreprises, tout en refusant de publier leurs propres comptes, voire en plaçant (comme la CSC le faisait il y a quelques années) leur propre manne au Luxembourg, peu réputé pourtant pour être un paradis prolétaire...

Après de brèves déclarations de départ pour minimiser l’intervention de Raymonde, en la classifiant d’ «  isolée », de « action non-représentative », voire « insignifiante », voici que la communication déjà catastrophique de la FGTB se grippe à nouveau. Thierry Bodson, incarnant la voix divine de la FGTB, nous dit sans rougir (ou en tout cas, pas davantage qu’il ne l’était déjà) que son syndicat soutient sans hésitation Raymonde. Du coup, le geste de la camarade n’était plus «  isolé », il avait désormais l’aval du syndicat socialiste. Elle n'avait plus le monopole de ses actes, ils étaient désormais approuvés par son hiérarchie. Oui, pour eux, Raymonde, devenue la risée des réseaux pour son comportement, avait pourtant bien agi, en toute âme et conscience syndicale. La Constitution belge, qui pourtant protège la propriété privée, n’était plus un garant suffisant contre les agissements syndicaux. Le geste d'une haute symbolique politique de Raymonde, soutenu par la FGTB, prouve l'idée de base qui anime le socialisme : les individus incapables de contrôler leurs propres actes (qui sont toujours imputés à la société) veulent toujours se mettre ensemble pour contrôler la vie des autres. 

Somme toute, ceci donne à la situation une nouvelle dimension, bien plus significative que la visite de Madame Lepvrier (le vrai nom de Raymonde-La -Terreur, à moins qu'il ne devienne son pseudo ?) à la boutique L&L. Le syndicat rouge montre par là qu’il soutient toute attaque contre le petit entrepreneur. Même si la responsable de la boutique est elle-même syndiquée auprès de la FGTB.

En faisant un choix entre ses deux membres, incarnant de facto deux "lignes politiques" et en tout cas deux conceptions différentes de la responsabilité économique, le camarade Bodson dévoile le choix idéologique des instances dirigeantes de la FGTB, dont le coeur balance entre le PTB d'inspiration stalinienne 2.0. et le PS multiforme : celui de l’ouvrière contre la petite commerçante. Celui de l’employée frustre mais dévouée contre la déviationniste (entreprenante et dynamique de surcroît : horresco referens !) qui préfère travailler. Mais qui représente la classe moyenne, le socle sociologique de plus en plus fragile de nos sociétés : affaiblir ainsi cette catégorie sociale qui constitue le vecteur stabilisateur de nos démocraties, c'est susciter une désespérance et donc ouvrir la porte à toutes les dérives... Or, cette classe moyenne surtaxée, assommée par les impôts en tout genre, sans aucune garantie du lendemain, est au bord de l’anéantissement.. L'extrême gauche se partage ainsi avec l'extrême droite la haine de la classe moyenne, car les deux courants ont besoin des inégalités sociales extrêmes pour fleurir.

Dès lors, la FGTB offre ainsi une tribune inespérée à l’extrême droite flamande, cet extrémisme qu’elle fait semblant de combattre.... depuis tellement longtemps qu'elle en fait son "fonds de commerce" idéologique. L’extrême gauche tend à tuer tout esprit d’initiative, car généralement, ce n’est pas parmi les libres entrepreneurs qu’elle recrute son électorat : elle a d'ailleurs toujours opposé la liberté à l'égalité, la responsabilité à la solidarité, alors que les secondes sont la conséquence, le fruit même, des premières... 

La déclaration de Thierry Bodson illustre que le combat de classe n’est pas mort et que l’avènement des pauvres n’est pas un objectif pour la FGTB. Au contraire, la paupérisation continue représente un terrain fertile pour les courants politiques qui sont les siens et dès lors un objectif politique. Rappelons-nous ce commentaire ironique fait par un grand démocrate, "Les socialistes aiment tellement les pauvres, qu'ils veillent à les multiplier"... ! L’assassinat idéologique de la classe moyenne représente un pas vers la mort du modèle social —et même sociétal— européen, fondé principalement sur la classe moyenne. L’on se dirige, grâce aux interventions style Raymonde, avec la bénédiction de ses chefs de tribu syndicaux, vers un clivage « très riches-très pauvres », des germes pour les dictatures en tout genre. Un clivage qui, partout dans le monde, porte en germe la fin de la démocratie pluraliste.

En suivant le modèle français, le débat social se politise et s’idéologise, s’éloignant de plus en plus en plus de ce modèle rhénan fondé sur le pragmatisme, le réalisme, le dialogue et la cogestion. Cette évolution oblige aussi certains médias mainstream à se positionner face aux nouveaux rapports de force. Ainsi, l’on a pu lire, parfois avec profonde consternation et désolation intellectuelle des articles défendant l’irruption de Raymonde dans la boutique namuroise ou chez H&M, sous prétexte que... les travailleurs au Bangladesh sont mal traités. Etait-ce là la raison de la grève ? Nullement, mais l'amalgame est toujours utile pour remplacer l'absence d'argument  ! En outre, aucune carmencita du faubourg gauchiste n’a eu la présence d’esprit de réfléchir que si les vêtements ne se vendent plus, les pauvres travailleurs du Tiers-Monde perdent même le peu dont ils disposent, ce qui signifie chômage pour leurs familles. Il semble assurément confortable de vivre en Belgique et de s’ériger en défenseurs des ouvriers du monde entier, sans jamais connaître les réalités de vie de nombre d'entre eux. C’est comme parler de la famine la bouche pleine.

Passant outre le personnage en soi, l’épisode Raymonde fait donc sortir le débat politique en Belgique du schéma du classique consensus qui avait fait la renommée, parfois ironique, du plat pays. En suivant un principe de symétrie, les syndicats et notamment la FGTB "continuent" avec brio le travail de l’extrême droite flamande. Raymonde, l'instrument de Bart ? Raymonde, "l'alliée objectif" de Bart ? En tout cas, voici "Raymonde et les Syndicats", une nouvelle fable belge.


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3 réactions à cet article    


  • asterix asterix 20 décembre 2014 20:49

    Malika, on se demande à quoi tu veux en venir...
    Voici une toute autre interprétation du phénomène Raymonde.
    En en prenant connaissance, le lecteur pourra juger
    http://blog.marcelsel.com/2014/12/18/raymonde-thermometre-dune-societe-en-perdition/
    C’est fait ?
    Eh oui, t’es carrément à côté de la plaque, Malika !


    • Samson Samson 20 décembre 2014 23:48

      Non, les $ociali$tes belges n’ont pas l’habitude de l’opposition. Et de fait, le clientélisme ne suffisant plus à leur assurer le pouvoir à tous les niveaux, les voici obligés de ressortir des placards quelques slogans et drapeaux défraîchis, histoire d’encore faire accroire au gogo que le P$ a un cœur, même qu’il se situerait à « gauche ».
      Mais prétendre que syndicats ou PTB roulent pour eux, c’est ajouter foi au discours de BDW les présentant la main dans la main et tout méconnaître de leurs antagonismes :
      tant libéraux que $ociali$tes prennent leurs ordres auprès des Goldman Sachs boys de notre très néo-libérale Troïka, uniquement dévouée aux diktats d’une « financratie » mondiale qui n’accorde aucune sorte de considération à notre sort futur.
      Et s’il est de bon ton pour la Pensée Unique de bêler la « fin de la lutte des classes », la perspective n’est guère encourageante pour des PME, indépendants, artisans, agriculteurs, ... déjà largement fragilisés, aux abois et de toute manière destinés au même nivellement à la broyeuse d’une concurrence automatisée et mondialisée qui a déjà réduit la plus grande part de la classe laborieuse aux aléa des petits boulots, statuts précaires, indemnités de remplacement et autres débrouilles.
      Seul à dénoncer de manière extrêmement dérangeante l’étendue de la trahison des électeurs - tant libéraux que socialistes - par leurs élus et l’importance de la collusion de ces derniers avec les vautours de la finance mondiale, le PTB - qu’on l’aime ou pas - représente en Belgique la voix d’une « gauche » démocratique authentique et la progression de ses scores aux dernières élections représente - au même titre que les grèves actuelles - un bon thermomètre du ras-le-bol ambiant.
      Quant au syndicat - dût-il pour ce faire contester des décisions politiques et même bloquer le pays par une grève -, je le mandate par mes cotisations pour la défense de mes droits de travailleur salarié et - au cas où vous ne l’auriez pas compris ! - lui imposer une personnalité juridique impliquerait le contrôle de l’État sur sa comptabilité et reviendrait donc tout simplement à l’empêcher de remplir valablement son mandat !
      Et si je n’apprécie que très modérément l’élégance des méthodes de la camarade Raymonde vis-à-vis de la gérante d’une boutique namuroise, le « buzz » dont elle fait maintenant l’objet sur Facebook et autres réseaux sociaux me dégoûte lui profondément : la moindre des choses face à ce lynchage en règle est donc bien à mes yeux que le syndicat lui assure sa pleine solidarité.
      Quant à votre modèle rhénan de « pragmatisme, réalisme et dialogue », il maintient une large frange des travailleurs dans la précarité et sous le seuil de pauvreté, pour ne pas parler de ces pensionnés pauvres qu’on « exporte » massivement vers des homes thaïlandais, grecs ou espagnols, moins chers.
      Arrêtez donc - comme Raymonde - de vous tromper d’ennemi : contrairement au discours formaté de nos médias et à la langue de bois de nos politiciens, les intérêts de ce qui reste de classe moyenne convergent largement avec ceux des salariés encore survivants, de la masse croissante des sans-emplois et autres précarisés représentés par les syndicats. Quoique vous espériez, le pillage en cours du bien public et l’austérité imposée aux populations €uropéennes ne serviront qu’à optimiser plus encore la fiscalité et les bénéfices de cette infime minorité de sociétés transnationales qui dicte sa loi à nos gouvernants, au détriment tout aussi bien de la classe moyenne et des PME que du reste de la population.

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Malika NN


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