La crise de civilisation
La politique de civilisation chère à Nicolas Sarkozy apparaît clairement à contre-temps et à contre-sens d’un monde qui a profondément changé dans lequel la ressource est rare.
Hérités d’une vision dichotomique de la société, les choix de la nouvelle politique française consacrent un modèle qui, clairement, appartient au passé.
Nicolas Sarkozy avait promis à la France de mener une "politique de civilisation". A y regarder de plus près, son action s’apparente en tout point à la purge libérale des docteurs en chef Ronald et Margaret - atteints tous deux étrangement de la maladie d’Alzheimer. Or cette représentation du monde est clairement à l’origine de l’une des plus grandes crises systémiques que le capitalisme mondial ait connue. Faut-il, en effet, en avoir oublié à ce point la mémoire ?
La révolte des jeunes en Grèce est symptomatique du triste sort que nous faisons à notre jeunesse. Voilà un pays auquel l’Europe a asséné les potions censées guérir le "mal" à l’image de ces médecins qui ne connaissaient pas les enseignements de Louis Pasteur. La Grèce est le pays où les jeunes diplômés sont les plus nombreux en Europe. La Grèce est aussi le pays d’Europe où la corruption est la plus élevée. Un hasard ?
A vouloir être plus riches, on devient con.
Le taylorisme a pour caractéristique de considérer deux grandes catégories. Il y aurait, d’un côté, les producteurs, les exécutants, les manuels... les pauvres. De l’autre, il y aurait les encadrants, les pensants... les riches. Il faudrait, sans doute, relativiser sur le caractère par trop dichotomique de l’analyse sachant que de nombreux encadrants ne sont que les exécutants d’autres "encadrants". Les entreprises ont besoin de vigiles.
Le modèle fordiste avait permis la paix sociale en donnant le pouvoir d’achat nécessaire aux producteurs pour acheter les biens qu’ils produisaient. Le glissement tendanciel de la valeur ajoutée vers l’EBE (les profits pour faire court) aura eu le mérite de remettre Karl Marx au cœur de l’actualité. Le poète l’avait dit autrement avec sans doute tout autant de justesse : "Les bourgeois, c’est comme les cochons, plus ça devient vieux, plus ça devient bête." L’escroquerie gigantesque de Bernard Madoff aura permis, quant à elle, de ne pas oublier Jacques Brel.
La "consanguinité" des élites
Rémunérés à peine au dessus du SMIC, nos jeunes et nos moins jeunes "techniciens" (j’en vois 300 à 400 l’an dans toutes les régions de France) n’ont qu’une envie : sortir du bac à sable salarial ! En anglais, on parle de l’effet sandbox : dur de prendre son élan pour courir un 100 m, lorsque la piste est en sable. Le népotisme qui envahit la société française (partis politiques, directions d’entreprises, etc) n’augure rien de bon quant à l’avenir. Plus on parle de minorités, plus on parle de diversité (elle peut d’ailleurs s’exprimer autrement que par la couleur de la peau), plus la société française se replie sur elle-même, mettant en exergue les mécanismes d’un nouvel hermaphrodisme social.
La formation déformante
La société des années 50 et 60 avait su former correctement ses "exécutants" du fait de la qualité de ses élites. Aujourd’hui, en transférant la formation supérieure au secteur privé, les diplômes sont achetés permettant à ceux qui les achètent de se mettre en réseau. Là-encore, il conviendrait de relativiser le ton apodictique de l’affirmation précédente. Le mouvement est également perceptible dans le domaine de la formation continue. Pour sortir du bac à sable évoqué ci-dessus, les jeunes et les moins jeunes en informatique cherchent à devenir chefs de projet. Ils obtiennent alors un titre Bac +4 sans que, pour autant, ils puissent espérer, en dehors du fait qu’il l’ait financée chèrement, davantage de considération de la part de l’employeur.
Les belles histoires finissent mal en général
Le message subliminal est que nous aurions vocation à être une société de chefs. Pierre Brochant et ses amis vont avoir beaucoup de monde à leur table le mercredi soir dans les semaines et les mois qui viennent à la vitesse à laquelle les entreprises se débarrassent de leurs nouveaux chefs. Le processus de division internationale du travail, nous disent les organisations patronales et les économistes libéraux, amène à ce que la Chine et l’Inde deviennent les nouvelles usines du monde sans voir que la croissance chinoise et indienne a pour vocation principale de développer le marché intérieur. Une fois démunis de leurs exécutants, que ferons-nous de nos chefs ?
Nous ré-autonomiser
Cette vision d’une société en deux catégories est profondément enracinée dans nos cultures. Il y aurait d’un côté ceux qui savent et de l’autre ceux qui ne savent pas. Dès la maternelle, le discours de segmentation dans la bouche des parents et des enseignants fait que nos enfants intériorisent de bien curieux discours. Castoriadis avait compris que l’intelligence se construisait au travers du processus de catégorisation. Le recours à la pensée des autres - et à la nécessaire ré-intellectualisation de l’éducation - est le seul moyen de nous autonomiser par rapport à ce qui s’apparente à une représentation "reptilienne" des organisations humaines.
Crédit photo : Foxnews.com
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