La dérive de « l’Administration Police » à MARSEILLE
Dans les années récentes, la violence a explosé à MARSEILLE, le Gouvernement s'est ému de ce problème qui régulièrement fait la une de la presse nationale au travers de faits divers graves.
Certains se demandent même s'il ne faudrait pas faire intervenir l'armée dans les cités de MARSEILLE pour faire face à la violence armée qui sévit (option complétement irréaliste l'armée ayant vocation à faire la guerre et non des enquêtes de Police).
Capitaine de Police à la retraite depuis novembre 2012, ex-officier de voie publique, je voudrais faire connaître les différents éléments qui nuisent au bon fonctionnement de la sécurité publique à MARSEILLE, et qui concourent pour partie à l'explosion de la délinquance dans cette ville.
Cet ensemble d'éléments ont conduit à ce que j'appelle "la dérive del'Administration Police", car ce qui est en cause ce ne sont pas les fonctionnaires de Police eux-mêmes, mais plutôt une gestion calamiteuse et de mauvaises orientations dans la gestion des services qui provoquent cette "dérive".

MARSEILLE connaît une flambée de crimes et une explosion de la violence que la Police semble incapable à endiguer. En 2011 par rapport à l'année 2010, les statistiques montrent que les vols à main armée ont augmenté de 28%, les vols effractions de 6% et les vols avec violences de 8%.
Pour ce qui est des règlements de comptes, on en était à 23 tués en novembre 2012 date de mon départ à la retraite.
Régulièrement, après un meurtre médiatisé, des opérations de type "coups de poing" sont réalisées dans les cités, mais à part présenter une gesticulation temporaire des services de Police, les résultats de ce type d'opérations se limitent le plus clair du temps à la découverte de quelques produits stupéfiants dans les caves d'immeubles.
L'efficacité des services de Police est remise en question aujourd'hui, qu'il s'agisse des services intervenant sur la voie publique ou bien des services d'enquêtes. Il semble plus qu'urgent de procéder à des réformes sur les orientations et sur l'organisation de la Sécurité Publique à MARSEILLE, afin de doter les policiers de moyens suffisants pour faire face à la délinquance.
En outre, les marseillais ressentent de plus en plus mal cette situation et sont souvent désabusés face à l'impuissance de la Police.
1- La nécessité de nouvelles orientations
Les orientations données à la Police ces dernières années, et notamment la politique du chiffre a eu des effets pervers ; tant au niveau du service public que dans le fonctionnement des services.
Les services enquêteurs ont été noyés par des affaires qui ne présentaient que peu d'intérêt et qui auraient pu être traitées sans placer les auteurs en garde à vue, (comme pour des petites affaires de vol à l'étalage ou de détention de cannabis) ; ces petites affaires ont conduit à une surcharge inutile et ont noyé les services de flagrant délit pendant des années.
Dans un rapport de juillet 2011, la Cour des Comptes a mentionné que "les moyens statistiques de mesurer la délinquance présentent de nombreuses imperfections" et que "l'évolution de la délinquance ne peut être résumée par un seul indicateur global donnant le même poids aux délits mineurs et aux crimes".
Par ailleurs, les officiers de Police, tout comme les commissaires de Police, ont vu leurs fonctions évoluer vers des tâches administratives et statistiques, au détriment de l'encadrement des personnels et du suivi opérationnel des missions de Police.
Ceci a eu des conséquences très négatives, pour les enquêteurs gardiens et gradés qui se trouvent seul face à des dizaines de dossiers sans orientation et sans consignes pour les traiter.
Sur le terrain, pareillement, les équipages des police-secours ou les brigades anti-criminalité sont souvent démunis lorsqu'ils sont confrontés à des situations graves tels que des homicides ou autres, du fait de manque d'encadrement sur le terrain.
Il est plus "qu'urgentissime" de redonner aux fonctionnaires de Police une réorientation des objectifs visant concrètement à identifier et à interpeller les auteurs d'infraction pour lutter efficacement face à la délinquance, plutôt que de rechercher des statistiques et des chiffres qui ne correspondent à rien.
Pour ce faire, il faudrait revenir à une police que j'ai connue dans les années 80, période où les belles affaires réalisées étaient mises à l'honneur et dans laquelle les policiers étaient récompensés pour leur action alors qu'aujourd'hui ces mêmes policiers sont abandonnés à leur sort, sans moyens, face à des délinquants toujours plus violents et audacieux.
Certainement aujourd'hui, l'on peut constater qu' il y a un manque de considération pour les policiers, voire même du mépris à leur égard, de la part de ceux qui nous gouvernent.
Le problème vient du fait que les problèmes de sécurité publique et de lutte contre la délinquance ne sont pas suffisamment pris en compte en France. La police qui intéresse les gouvernants est la police d'ordre public, qui intervient pour encadrer les manifestations et limiter les troubles dans la rue, mais la situation des victimes d'actes de délinquance ne paraît pas trop susciter d'intérêt de la part des autorités, sauf bien sûr dans le cas où la victime est une personnalité.
Ainsi ce ne sont pas seulement les policiers qui sont méprisés mais aussi et surtout les vicimes. Je prends un exemple concret qui est celui de la victime d'une infraction qui dépose plainte dans un commissariat et doit attendre souvent près de deux heures avant qu'un fonctionnaire fatigué ne la reçoive.
2- Une organisation des services de sécurité publique défaillante
Les services de la sécurité publique ont pour mission de constater les infractions, de recueillir les plaintes des victimes, de rechercher les auteurs de ces infractions, et de porter assistance aux victimes lors d'agression ou d'accident.
Or aujourd'hui, le manque de moyens humains et matériels fait que les plaignant attendent régulièrement plus de deux heures pour déposer plainte dans les commissariats,ce qui me semble-t-il, n'est acceptable pour personne.
Sur le terrain, le nombre trop réduit de patrouilles de police-secours ou d'équipages de brigades anti-criminalité de permet pas de faire face aux nombreuses interventions.
Les moyens matériels, véhicules ou radios sont mutualisé, c'est à dire qu'ils sont utilisés par des services différents dans les commissariats, ce qui obère la réactivité des services de police.
Le député PS du Finistère M.Jean-Jacques URVOAS, qui est également chargé de la sécurité au Parti Socialiste a rédigé une note en mai 2011 dans laquelle il mentionne que sur la période de 2007 à 2011, la population marseillaise a augmenté de 40 000 habitants, mais que la ville a perdu 376 policiers sur cette même période, ce qui donne un ratio de un policier pour 324 habitants en 2011 contre un ratio de un policier pour 294 habitants en 2007. Et il ajoute : "les effectifs des forces de sécurité fondent avec autant d'intensité que leur moral face à une société guettée par la discorde où la violence est en passe de devenir la seule norme consensuelle".
La réforme de la garde à vue qui impose la présence d'un avocat lors des interrogatoires a compliqué de façon très réelle la procédure pénale et allonge la durée de traitement des enquêtes.
Les restrictions budgetaires s'imposant à la police, ont également eu des répercussions directes, avec des réformes de services inadaptées,puisque des services importants comme le service d'officiers de quart de voie publique et le service chargé des personnes disparues ont été dissous ces dernières années. De plus la salle radio qui dirige les interventions police à MARSEILLE, est depuis peu chargée en plus de diriger les interventions des effectifs police d'autres villes du département, comme AIX par exemple, ce qui nuit à l'efficacité.
Conclusion
Il est plus qu'urgent de doter MARSEILLE des moyens humains et matériels opérationnels dont sa police a besoin, permettant de répondre aux problèmes de délinquance de cette ville qui a la spécificité d'avoir toujours été "turbulente" et pauvre.
La population marseillaise est demandeuse de sécurité et de présence policière, si les efforts ne sont pas à la hauteur du challenge à relever, alors, on continuera à avoir une police à bout de souffle, peinant même à gérer les affaires de flagrants délits, et incapable de réactivité par rapport à l'explosion de la délinquance.
Le Capitaine MARTINEZ Philippe
Ex-Officier de voie publique de MARSEILLE
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