La France, l’Algérie, les harkis et le devoir de mémoire
L’Algérie célèbre cet été le cinquantenaire de son indépendance. La lecture de cet évènement sera diverse : Guerre de Libération, guerre d’Indépendance, modèle unique d’insurrection proclamé au monde. Ces huit années d’horreurs, d’errements et d’injustices continuent de suppurer dans les coeurs et les corps.

Cinquante ans, ce n’est pas encore le temps historique, qui au sens scientifique ne débutera qu’à la disparition de tous les témoins. Mais cinquante ans c’est encore la possibilité pour les bourreaux et les victimes, parfois confondus en un seul être, de parler, confronter et comprendre. Dans cette course contre l’oubli, écrasés dans l’étau de l’histoire, écartelés entre les deux rives de la Méditerranée, une cohorte de vaincus tend un miroir à la France. Les harkis, leurs familles, leurs enfants. Qu’avons nous fait de leur exil, de leur arrachement, de leur Arabité, de leur culture ?
1975 : A l’image des commandos de jeunes palestiniens qui menaient à l’époque des actions de terreur pour dénoncer l’injustice, en France, quelques jeunes harkis, parqués eux aussi dans des camps, décidèrent d’emprunter leur méthode. Hocine et ses copains, étouffant sous leurs cagoules noires, armés de vieux fusils sciés, ont fait raser leurs camps de rétention. Eux, les oubliés de la guerre civile algérienne, les engloutis du paysage français, ont soudain réussi à parler aux radios, aux caméras, aux gendarmes, aux préfets, aux ministres ! Puis à s’évaporer dans la nature, sans poursuites ni condamnations.
1975-2012. Trente sept ans après son fait d’armes existentiel, Hocine Louanchi le cagoulard du camp de l’Ardoise dévoile son visage, sa vie, son épouse Fattima, la combattante culturelle et syndicale d’aujourd’hui. Le cinquantenaire sera fêté là-bas, les algériens célèbreront leur Indépendance, à défaut de leur Liberté. Dans leur villa arlésienne, Hocine et Fattima, entourés de leurs enfants et petits enfants continueront encore de se demander ce qu’ils font là, loin de leur pays de blanc et de bleu, avec ces tâches rouges par terre et ces visages déchirés qui peuplent le ciel.
Documentaire « Hocine, le combat d’une vie »
En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint-Laurent-des-Arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l’époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l’Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l’isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd’hui se décide à parler. 35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011.
Par Hocine Louanchi, Anne Gromaire et Jean-Claude Honnorat.
Pour compléter le documentaire, je vous invite à écouter le podcast de l’entretien que j’ai accordé à Radio Alpes, le 26 mars dernier.
Par Hocine Louanchi
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