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Accueil du site > Actualités > Société > La lubie des classements dans l’enseignement supérieur

La lubie des classements dans l’enseignement supérieur

Chaque année c’est la même rengaine : l’université Jiao-Tong de Shanghai publie le classement mondial des universités. Les établissements français y apparaissent à de bien piteuses places. Fort de ce constat, les gouvernants assurent être conscients du problème et s’appuient sur ces statistiques pour élaborer de futures réformes qui bien souvent ne sont pas acceptées par la communauté universitaire, comme le prouve le mouvement actuel. La question est donc de comprendre la construction de cette hiérarchie ce qui est bien trop rarement entrepris. 

On pourrait penser qu’un indicateur à l’impact si important est constitué d’une myriade de chiffres. La réalité est beaucoup plus simple. Six indicateurs ont été retenus pour juger de la qualité de l’enseignement et de la recherche. Il y a en premier lieu le nombre de prix Nobel et de médailles Fields parmi les anciens élèves et les chercheurs pondéré à la hauteur de 10% et 20% respectivement. Vient ensuite le nombre de chercheurs les plus cités dans leurs disciplines puis le nombre d’articles publiés dans Nature et Science (20% chacun). Autres indicateurs : nombre d’articles indexés dans Science Citation Index, et Arts & Humanities Citation Index (20%) et enfin la performance académique au regard de la taille de l’institution (10%).

Ainsi, en 2008, se positionnaient dans les dix premiers rangs : Harvard, Stanford, Berkeley, Cambridge, le MIT, le California Institute of Technology, Columbia, Princeton, Chicago et Oxford. Première université française : Paris VI au 42ème rang. Seules 23 universités françaises figurent dans le classement de Shanghai des 500 meilleurs établissements mondiaux.

Toute la question est de savoir si ce classement reflète réellement la réalité. Bien évidemment les premiers établissements anglo-saxons ont une réputation bien supérieure à leurs homologues européens et hexagonaux, mais les facs françaises sont-elles tant à la traîne ?

La construction même du classement laisse à penser qu’il n’est pas de grande qualité et doit plutôt être considéré comme une distribution selon le prestige et non la qualité de la recherche. Albert Fert, physicien français nobélisé en 2007, partage l’opinion selon laquelle ce classement désavantage clairement les universités françaises. Dans une tribune du Monde, il y explique par exemple qu’un prix Nobel obtenu par un chercheur français procure « deux fois moins de "points" à son université que le même prix en rapporte à l’université d’un collègue étranger, américain ou britannique par exemple ». Cela est dû à la structure de la recherche française qui associe l’université à un organisme comme le CNRS par exemple. Ainsi 50% du bénéfice est attribué à l’organisme et 50% à l’université. La règle est la même en ce qui concerne les publications, 50% s’évaporent (les organismes de recherche n’apparaissant pas dans ce classement). On comprend dès lors les places affligeantes accordées aux établissements français.

D’autres établissements ont par conséquent cherché à élaborer eux aussi un classement. L’Ecole des Mines de Paris a ainsi établi le « classement international professionnel des établissements d’enseignement supérieur » basé sur un autre critère (le nombre d’anciens élèves occupant le poste de n°1 exécutif dans une des 500 plus grandes entreprises internationales). Les institutions françaises y sont bien mieux classées notamment HEC, l’ENA ou Sciences Po Paris. 

Autre hiérarchie établie par des chercheurs de l’université de Saint Denis : « l’échelle de Vincennes ». Elle comprend un grand nombre de paramètres : la modicité des droits d’inscription ou le nombre d’étudiants accueillis au mètre carré, le nombre d’anciens étudiants qui ont effectué une carrière de réalisateurs de cinéma, le nombre d’anciens étudiants ou de professeurs à avoir gagné un grand Prix dans une discipline, le nombre d’anciens étudiants ou de professeurs ayant publié un ou plusieurs ouvrages grand public à succès, le nombre d’anciens étudiants ou de professeurs qui sont régulièrement invités sur des plateaux de télévision ou dans des studios de radio, le nombre de disciplines nouvelles créées dans cette institution de l’enseignement supérieur, le nombre de cours n’ayant aucun équivalent dans d’autres établissements etc… Le résultat de ce classement est surprenant puisque c’est l’Université Paris VIII « Vincennes à Saint-Denis » qui prend la tête suivie de l’Université de Californie à Los Angeles, de l’Université du Québec à Montréal, du Reed College de Portland, dans l’Oregon, et enfin de l’École des Arts Décoratifs, à Paris.

Cette fièvre de l’évaluation se retrouve aujourd’hui dans les actions menées par le gouvernement. Valérie Pécresse n’a semble-t-il pas évaluer la grogne que le changement de statut des enseignants-chercheurs engendrerait. Mais au-delà de la LRU et de cette évolution, les chercheurs français éprouvent un manque de reconnaissance et sont bien souvent décriés. Le discours de Nicolas Sarkozy du 22 janvier 2009 reflète l’opinion des gouvernants sur les universités de leur pays : « Plus de chercheurs statutaires, moins de publications et pardon, je ne veux pas être désagréable, à budget comparable, un chercheur français publie de 30 à 50% en moins qu’un chercheur britannique dans certains secteurs. Évidemment, si l’on ne veut pas voir cela, je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé…… On peut continuer, on peut écrire ». Des chiffres discutables et des propos blessants pour la communauté universitaire.

Les enseignants chercheurs ne bannissent pas l’idée d’être évalué mais revendiquent une méthode objective. Ils rejettent l’idée d’une évaluation à la mode « Shanghai ». Mieux vaut sans doute pas de chiffre que n’importe lequel…


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13 réactions à cet article    


  • geo63 14 février 2009 11:29

    Cher auteur, quand un chercheur publie ses travaux, il doit impérativement citer avec une extrême précision ses références pour une technique utilisée, un mode opératoire...sous peine de voir sa publication purement et simplement refusée (ceci est bien sûr particulièrement vrai dans Nature ou Science, mais il existe un très grand nombre d’autres publications prestigieuses dans tous les domaines, c’est une des limitations ridicules du Shangaï).

    Donc vous nous dites : "un chercheur français publie de 30 à 50% en moins (?) qu’un chercheur britannique dans certains secteurs (?)". En dehors de la formulation très imprécise de cette phrase, quelles sont vos références ?? Si vous n’en avez pas de précises à proposer (je ne parle pas du "lu dans le Figaro"), mais d’une véritable étude scientifique, publiée dans une revue scientifique, alors vos propos sont dignes du café du commerce.


    • depel 14 février 2009 11:36

      Cher Geo63,

      Comme les guillemets l’indiquent, cette phrase « Plus de chercheurs statutaires, moins de publications et pardon, je ne veux pas être désagréable, à budget comparable, un chercheur français publie de 30 à 50% en moins qu’un chercheur britannique dans certains secteurs. Évidemment, si l’on ne veut pas voir cela, je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé…… On peut continuer, on peut écrire » est extraite du discours de Nicolas Sarkozy du 22 janvier 2009 et n’est en aucun cas issue de moi.

      Mes propos ne sont pas dignes du café du commerce, il faudrait adresser cette remarque à notre cher président.


      Bien à vous


      • geo63 14 février 2009 12:52

        Mes plus plates excuses, je n’avais pas lu jusqu’au bout...perturbé par mon environnement.
        Je suis un vieux chercheur retraité et il m’arrive de perdre mon sang-froid, par les temps qui courent...
        Cordialement à vous.


      • Louisiane 14 février 2009 15:54

        Quelqu’un qui reconnait ses erreurs ? Bravo, ça se fait rare ! (surtout au sommet de l’Etat !)


      • Francis, agnotologue JL 14 février 2009 11:54

        Bonjour, je ne mets pas en cause votre article sur le fond. Ni même sur la forme. Je voudrais seulement dire une ou deux choses.

        Je lis : ""l’université Jiao-Tong de Shanghai publie le classement mondial des universités. Les établissements français y apparaissent à de bien piteuses places.""

        Je me demande si ce genre de publications ce n’est pas un peu comme l’horoscope. Je m’explique : de même que dans l’horoscope chacun y trouve son bonheur en fonction de ses intentions, de même dans ces publications, les gouvernements y trouvent matière à justifier leurs réformes.

        Et c’est une introduction à ma seconde remarque : la folie c’est de vouloir gérer les institutions publiques comme on gère des entreprises privées : au nom de la rentabilité. Cette idéologie est un cheval de Troie libéral destiné à tuer la démocratie.


        • Céphale Céphale 14 février 2009 12:24

          Je crois bien que le classement de Shanghaï est utilisé par l’actuel gouvernement pour démolir l’université française sous prétexte de la moderniser. C’est encore une fois l’obsession sarkozienne de copier les Américains.

          Petite anecdote. On demandait à Binet, l’inventeur du Q.I., de définir l’intelligence. Il a répondu : « c’est l’aptitude à réussir mon test de Q.I. »

          Une note d’examen dépend des questions posées, autant sinon plus que de l’élève. De même pour le classement de Shanghaï, dont les critères sont faits, à l’évidence, pour favoriser les universités américaines.

          Un livre paru récemment critique ce système, sous le titre « La culture du résultat ».

          http://www.fr-deming.org/CultResultat.pdf


          • Fergus fergus 14 février 2009 13:06

            Concernant la publication d’articles, il faut savoir que la France souffre d’un mal spécifique que caractérise assez bien le CNRS. Il n’est en effet possible d’espérer intégrer celui-ci qu’à condition d’avoir passé 2 ou 3 ans au moins dans un labo étranger et d’y avoir publié au minimum 3 articles. Et c’est là que le bât blesse car de nombreux directeurs de labo anglo-saxons s’approprient trop souvent le travail des doctorants français et publient sous leur seule signature. Une expérience plus courante qu’on ne le croit et que j’ai vécu dans ma propre famille.


            • Louisiane 14 février 2009 16:10

              A propos d’évaluation, il me semble qu’au début de son mandat, M. Sarkozy avait parlé de faire évaluer ses Sinistres (par un traite socialo, si je ne m’abuse).
              Où en est-on ? On n’en entend plus parler, non ?
              Deux possibilités :
              1- M. Sarkozy s’est aperçu que l’idée n’était pas si bonne, parce que les indicateurs choisis n’étaient pas pertinents et qu’il faut du temps pour évaluer.
              2 - Les résultats sont si catastrophiques en réalité qu’on a profité de toute cette paperasse pour rallumer le feu dans la cheminée du château.
              J’ajouterai qu’une évaluation en interne, "entre copains", laisse la porte ouverte à tout et n’importe quoi et surtout au népotisme.
              Tout évaluateur qui connait la personne évalué peut "tricher" dans un sens ou dans l’autre.
              Quant à M. Sarkozy, sa manie de la comparaison (qui n’est pas raison) le pousse à opposer sans cesse les catégorie socio-professionnelles à son profit.
              Peut-être que lors de la prochaine évaluation, en 2012, il y aura des surprises dans les notes !


              • Blé 14 février 2009 16:44

                 Le Petit sait qu’il ne sait pas alors il prend des références sur ce qu’il pense être une valeur sûre (comme à la bourse) c’est à dire la publication de l’université Jiao-Tong de Shanghai pour tenir un discours en phase avec un choix politique.

                Je n’y connais rien dans le monde des universités et des chercheurs chose mais j’ai une certitude : le Petit décide toujours selon l’intérêt de son clan et non selon l’intérêt du pays depuis qu’il est au pouvoir.

                L’avenir de la France n’est pas son problème, son seul problème est de casser le modèle français et de satisfaire les lobbyes qui l’ont aidés à prendre le pouvoir.


                • jkw 14 février 2009 20:01

                  notre enseignement n’est pas si mauvais :
                  bien sur que tout ça ce sont des conneries, d’ailleurs le MEDEF dans son livre "Besoin d’air" (qui sert de programme à l’UMP) dénonce la fuite des cerveaux et quelques pages plus tard se lamente du niveau de notre enseignement !!

                  ils sont donc aussi cons ces étrangers pour s’approprier de la mauvaise matière grise ???
                  comme Sarko, tout et n’importe quoi !!

                  et après on critique la morosité des français, ils n’ont qu’à arrêtrer de dire des conneries !!

                  je dis que nous avons ce mois-ci une chance UNIQUE car comme disait Coluche : le mois de l’année ou les politiques disent le moins de conneries, c’est au mois de février car il n’a que 28 jours !


                  • Céphale Céphale 15 février 2009 07:08

                    jkw

                    Bien d’accord !

                    Le but de l’université française, c’est d’abord et avant tout de servir les intérêts nationaux, pas de répondre à des critères internationaux fixés par les Américains.


                  • JONAS JONAS 14 février 2009 21:57

                    @ Tous :

                    Les CNRS….Une cour des miracles !

                    Des bâtiments vétustes, des règles de sécurité qui ne sont pas respectés.

                    La dictature des Chefs de départements pour l’orientation des recherches.

                    Une gabegie de matériels de recherches, qui fini dans des pièces désaffectées ou chacun peut se servir.

                    Des chercheurs étrangers invités qui se promènent dans pratiquement tous les labos et sans aucuns contrôles.

                    À savoir que l’accès des CNRS sur le domaine des universités, est formellement interdit aux Forces de Police, qu’elle qu’en soit la nature, sauf en cas de vol, d’agression, de mort.

                    Les services de sécurité interne sont assurés par des vigiles et des Pompiers de sociétés privées, avec tous les risques que cela comporte.

                    Présence de virus, de bactéries, de produits chimiques hautement toxiques, de substances radioactives, etc. (Laboratoires P2, P3, avec sas et douches et en aspiration permanente).

                    Pour ce qui est des chercheurs, on peut comprendre leur découragement, surtout pour ceux à qui on impose une voie de recherche qui ne les passionne pas. Dans ce cas l’absentéisme est de rigueur.

                    Comment avoir confiance en ce qui concerne les passionnés, qui n’ignorent pas que leurs travaux risquent d’être copié avant achèvement ou publication de leurs travaux.

                    Ce n’est pas l’évaluation des chercheurs qui solutionnera le problème de la recherche en France ! Le système est entièrement à revoir !

                    Au niveau espionnage, un filtrage sérieux des personnels de nettoiement, des Vigiles, des Pompiers de sociétés privées.

                    Sans ces mesures élémentaires, autant abandonner ce secteur public et le confier au privé, qui lui, pour des raisons de profits, en assurera sans aucuns doutes l’étanchéité.

                    Bonne soirée.

                    Depuis les bâtiments, la sécurité, les moyens matériels, l’organisation interne, une direction collégiale des Départements en ce qui concerne l’orientation des recherches.


                    • JONAS JONAS 14 février 2009 21:59

                      @ Tous :

                      Les CNRS….Une cour des miracles !

                      Des bâtiments vétustes, des règles de sécurité qui ne sont pas respectés.

                      La dictature des Chefs de départements pour l’orientation des recherches.

                      Une gabegie de matériels de recherches, qui fini dans des pièces désaffectées ou chacun peut se servir.

                      Des chercheurs étrangers invités qui se promènent dans pratiquement tous les labos et sans aucuns contrôles.

                      À savoir que l’accès des CNRS sur le domaine des universités, est formellement interdit aux Forces de Police, qu’elle qu’en soit la nature, sauf en cas de vol, d’agression, de mort.

                      Les services de sécurité interne sont assurés par des vigiles et des Pompiers de sociétés privées, avec tous les risques que cela comporte.

                      Présence de virus, de bactéries, de produits chimiques hautement toxiques, de substances radioactives, etc. (Laboratoires P2, P3, avec sas et douches et en aspiration permanente).

                      Pour ce qui est des chercheurs, on peut comprendre leur découragement, surtout pour ceux à qui on impose une voie de recherche qui ne les passionne pas. Dans ce cas l’absentéisme est de rigueur.

                      Comment avoir confiance en ce qui concerne les passionnés, qui n’ignorent pas que leurs travaux risquent d’être copié avant achèvement ou publication de leurs travaux.

                      Ce n’est pas l’évaluation des chercheurs qui solutionnera le problème de la recherche en France ! Le système est entièrement à revoir ! Depuis les bâtiments, la sécurité, les moyens matériels, l’organisation interne, une direction collégiale des Départements en ce qui concerne l’orientation des recherches.

                      Au niveau espionnage, un filtrage sérieux des personnels de nettoiement, des Vigiles, des Pompiers de sociétés privées.

                      Sans ces mesures élémentaires, autant abandonner ce secteur public et le confier au privé, qui lui, pour des raisons de profits, en assurera sans aucuns doutes l’étanchéité.

                      Bonne soirée.


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