La musulmane nue et l’homme des cavernes
Les relations hommes-femmes en prennent un coup ces jours ! L’affaire Strauss-Kahn y est pour beaucoup, mais pas seulement. Dans son édito du Matin Ariane Dayer pousse un coup de gueule à cause de l’impossibilité que nous aurions à nous représenter la violence faite aux femmes. Elle parle même d’âge de pierre, donc d'absence de civilisation.
Montrer ses seins, un acte politique
Dans le même Matin, Geneviève Comby se demande s’il faut montrer ses seins pour être féministe. Elle fait référence à l’actrice germano-turque Sila Sahin qui pose presque nue en couverture du playboy allemand de mai, et au groupe féministe ukrainien Femen qui a pris l’habitude de manifester seins nus.
La photo de Sila Sahin (cliquer pour l'agrandir) est reproduite et analysée dans Le Matin par Eliane Perrin, sociologue. Voici ce qu’elle en dit :
« La photo de Playboy est très construite, explique Eliane Perrin. La jeune femme vous regarde droit dans les yeux, d'un air farouche qui vous tient à distance. Elle est séduisante mais pas séductrice. La mise en scène nous dit qu'il ne s'agit pas d'une femme facile. Regardez d'ailleurs la main qui protège son sexe. »
Je ne suis pas convaincu par cette analyse qui montre bien la différence d’approche masculine et féminine. Madame Perrin tend à atténuer l’impact de séduction de cette image. Je m’inscris en faux contre cette lecture. Le regard droit dans les yeux avec la tête un peu penchée vers le bas est au contraire une invitation. La main derrière la tête dans les cheveux montre qu’elle ouvre et n’interdit pas l’approche. Quand à l'autre main, je doute fort qu’elle protège son sexe. Il suffit de voir précisément la position de l’index et du majeur, le pouce négligemment glissé sous le tissus et les jambes écartées pour comprendre qu’elle ne protège pas son sexe mais est prête à s’en servir elle-même ou nous inviter à le faire. En réalité, jusqu’au tissus mouillé, tout montre la séductrice. Et les photos intérieures du magazine, visibles sur le net, ne laissent que peu de place à une distance intellectuelle.
Regard masculin ? Possible. Regard d’homme des cavernes ? Non. Regard masculin qui ne craint pas d’exprimer qu’une femme est désirable et que la nudité dans notre culture est suggestive. L’amusant est le message féministe véhiculé par Sila Sahin :
« Trop longtemps, j'ai voulu mener une vie juste et telle qu'on me l'avait toujours imposée, argumente-t-elle. Aujourd'hui, j'espère montrer aux femmes musulmanes qu'elles peuvent vivre comme elles le veulent, avec excès ou sobriété, mais librement. »
Si les hommes devaient faire une déclaration de politique générale à chaque fois qu'ils portent un marcel ou assimilé, ils deviendraient insupportables !
A-t-elle vraiment besoin de cette justification idéologique pour poser nue ? Faut-il politiser le sein pour que le désir et le sexe redeviennent politiquement correct ? Ou bien se fait-elle simplement sa pub sous un prétexte à la mode ? Je crois simplement que la boucle se boucle : de la liberté sexuelle joyeuse des années 70, au néopuritanisme récent, la nudité fut revendiquée, puis mal vue. Elle revient. Mais cette fois comme une arme et non plus comme le lieu naturel du désir, car le désir est en passe de devenir un crime. La politisation à outrance du corps et de la sexualité va dresser de nouveaux murs entre hommes et femmes. Sila Sahin dispose de son corps comme elle l'entends. N'assume-t-elle pas cette liberté pour avoir besoin de faire de sa nudité un acte politique ?
Cela dit, les féministes aux seins nus offrent au moins un spectacle plus fun que leur discours où l’homme reste un prédateur antédiluvien.
Le double sexisme
Cela dit, si je comprends la colère de certaines à entendre la phrase du journaliste Jean-François Kahn qui parle de l’affaire DSK comme du troussage d’une soubrette, il faut voir que nous avons ici les deux sexismes réunis. La misogynie qui dévalorise la femme assimilée à une soubrette que l’on trousse, et la misandrie qui fait de l’homme un prédateur comme à l’accoutumée.
Je rappelle cette phrase déjà cité dans un précédent billet : « ... si Dominique Strauss-Kahn est coupable, c'est un crime effroyable, un crime contre les femmes... »
En généralisant le crime de DSK - si crime il y a eu - à toutes les femmes, ce sont tous les hommes qui sont visés et assimilés à des violeurs. La thèse féministe bien connue, selon laquelle tout rapport sexuel avec un homme est un viol, se trouve confortée. Le désir masculin est un peu plus criminalisé. Mais si DSK est coupable, son comportement est un débordement, il n’est pas représentatif de la grande majorité des hommes. Le désir masculin est certes naturellement et culturellement porté vers la sollicitation, l’insistance. Pendant longtemps les hommes étaient incités à faire leur cour et à persévérer. Pendant longtemps les femmes ne bougeaient pas, attendant que l’homme ait fait preuve de son attachement par la durée de sa cour. Après, certains font des cours relativement discrètes, d’autres plus lourdes. Cela n’en fait pas des criminels.
Pourtant on nage en plein amalgame. Sexualité masculine = viol. Un exemple ? Les démo-chrétiens du canton du Valais ont pris comme mascotte la vache d’Hérens, vous savez, la race qui fait la renommée des combats de reines. Elle présente une image « combative, fière et forte ». Cette image a été détournée par l’UDC : un robuste taureau monte la vache. Image naturelle : dans la nature le mâle monte la femelle. Et que dit une des responsables du PDC ? Que c’est un viol ! « Ça va trop loin. En tant que femme je ne comprends pas que l’on puisse s’amuser d’un viol ».
Mais où voit-elle un viol ? Serait-ce que dorénavant toute entreprise de séduction ou sexuelle masculine sera considérée comme un viol ? Est-ce un prétexte de prise de pouvoir sur l’homme ?
Donc d’un côté une sociologue gomme toute connotation érotique à la photo très suggestive de Sila Sahin, comme si la femme érotique devait être cachée, et de l’autre une blague de potache avec une image que l’on peut voir dans la nature est considérée comme un viol. On fait un nouveau pas en arrière en matière de relations hommes-femmes. Avec comme d’hab les hommes prédateurs et les femmes victimes.
Le malheur des hommes est que leur manière de solliciter est très visible, celle des femmes est plus discrète. Il suffit de regarder une chienne en chaleur : elle ne bouge presque pas, n’a l’air de rien, alors que le - ou les - mâles s’affairent autour d’elle, bougent, reniflent, essaient. Cette image préhistorique de l’homme prédateur, superposée à une notion de classes sociales, s’inscrit d’ailleurs en faux d’avec la réalité. Pourquoi serait-ce le patron, le chef de service, qui seraient les seuls sollicitants ? N’y a-t-il donc pas de femmes employées ou secrétaires qui font tout pour attirer un chef ou un patron ? N’y a-t-il pas des femmes revanchardes ou mentalement perturbées qui allument puis dénoncent, comme il y a des hommes violents et dérangés ?
La lutte des classes a été superposée à la lutte des genres, c’est un autre thème du féminisme radical. Et je vois que cela a contaminé largement la société. L’affaire Strauss-Kahn va faire encore plus régresser les relations hommes-femmes et la position des hommes dans la société. Elle va encore plus schématiser l’image prédateur-proie. Les féministes professionnelles ont d’ailleurs compris ce qu’elles pouvaient tirer de l’affaire. Elles ont manifesté devant le siège du FMI aux USA et manifestent à Paris aujourd’hui. La récupération politique de l’affaire DSK est en cours, comme au temps de l’affaire Cantat.
Se défaire du sexisme est une bonne chose. Mais alors de tous les sexismes : de la misogynie et de la misandrie.
En attendant je constate que les hommes ont pour le moment perdu une manche dans l’affaire DSK.
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