La Pologne sombre dans le burlesque politique
La Pologne est un pays membre de l’Union européenne dans lequel, depuis quelques temps, les satiristes, humoristes et amateurs d’ironie se sentent dépassés, de leur propre aveu, par le caractère burlesque ahurissant de leurs dirigeants politiques. Si un prix commun de l’ego de l’homo politicus et du ridicule était décerné par le public européen des citoyens, nul ne doute que la Pologne serait la gagnante de ce prix particulier...
La Pologne de la réalité et celle de la « ridiculité »
Si les citoyens polonais vivent une situation quotidienne matérielle de plus en plus difficile sous la gestion des deux frères jumeaux, Lech and Jaroslaw Kaczynski, l’un président du pays et l’autre Premier ministre, faisant du pays une sorte de monarchie familiale de type romanesque grotesque, il est peu de dire que le pays vit aussi dans une atmosphère quelque peu semi-tragique, semi-comique.
La coalition au pouvoir, dotée de partis qui feraient dans le monde entier la joie de tous les satiristes un peu moqueurs, a éclaté finalement sous les contradictions internes qui la minaient depuis le début (divergences sur presque tous les sujets, à part une participation des postes de pouvoir).
Des élections générales, prévues en octobre 2007, devraient permettre aux citoyens polonais de sortir de ce cauchemar canular dans lequel ils sont englués depuis que cette coalition a pris les rênes du pays, l’enfonçant dans une série sans fin de décisions lamentables et de prises de positions qui ont transformé le pays en « patrie du vaudeville », selon certains commentateurs.
Les frères jumeaux et un Etat « du ridicule absolu »
Ainsi, le Parlement polonais s’est ramené de lui-même aux pratiques mystico-magiques du Moyen Âge en faisant dire une messe solennelle catholique dans son enceinte publique pour que des pluies arrosent le pays alors qu’il subissait une période de sécheresse.
Le Premier ministre Jaroslaw Kaczynski a reconnu publiquement en mai dernier qu’il n’avait pas de compte en banque propre car il avait confié tout son argent privé au compte... de sa mère. La raison donnée a fait hurler de rire tout le pays : il avait peur que quelqu’un puisse déposer de l’argent sur un compte ouvert à son nom sans qu’il puisse le savoir !
Un argument nouveau et original pour la défense judicaire de tous les politiciens corrompus du monde est ainsi apportée.
Un porte-parole du gouvernement a demandé une enquête sur une émission de télévision publique appelée Teletubbies parce que l’un des animaux qui étaient mis en scène lui semblait avoir une attitude « homosexuelle ».
Un député européen polonais, Maciej Giertych, s’est aussi fait remarquer au Parlement européen par ses déclarations où il niait la théorie darwiniste de l’évolution et énonçait que les dinosaures et les premiers hommes vivaient ensemble à la même époque. C’est peu de dire que ses élucubrations anti-évolutionnistes ont aussi bien abîmé la crédibilité et finalement la stabilité de la coalition au pouvoir, coalition aujourd’hui défunte.
Les Polonais ont récemment écarquillé leurs yeux en voyant apparaître deux ministres de la coalition gouvernementale avec des animaux en peluche - des renards en l’occurrence - comme jouets personnels lors d’une Conférence de presse officielle.
L’objectif était d’annoncer que les deux partis représentés par les deux ministres avaient passé une alliance politique dont le nom serait en polonais LiS, soit en français, « le renard » !
Toutes ces péripéties dignes d’un vaudeville de mauvaise qualité joué par de piètres acteurs a renouvelé l’humour politique dans le pays, écrit le très sérieux journal Newsweek en parlant de la Pologne.
En effet, sous le régime stalinien, les Polonais avaient développé un sens aigu de l’ironie politique qui avait fait beaucoup d’émules dans les populations des pays voisins à cette époque.
Il ressort de tous ces faits, qui prêtent beaucoup à rire ou pour quelques-uns à pleurer, que le gouvernement polonais a perdu toute crédibilité interne, mais aussi largement externe, par ses lamentables excentricités publiques.
Les humoristes et satiristes polonais « dépassés » par la réalité vivante
En règle générale, dans l’immense majorité des pays démocratiques ou se prétendant tels, les satiristes et humoristes doivent caricaturer leurs politiciens afin de faire rire de leurs défauts manifestes.
En Pologne, la réalité publique a tellement dépassé les bornes des imaginations les plus créatives qu’un récent dessin satirique de presse montre un humoriste polonais pendu au téléphone criant à un interlocuteur inconnu : « il nous faut en urgence des humoristes de Chine ou d’Ukraine, les nôtres en Pologne ne peuvent plus suivre ».
Un des dessinateurs satiriques les plus connus du pays avoue qu’il est dépassé par la situation : « la vie réelle dépasse mes capacités comme satiriste », affirme avec un large sourire Szczepan Sadurski.
Il est probable que nos caricaturistes français du Monde ou du Canard enchaîné devraient essayer de suivre la situation en Pologne afin de s’inspirer, pour la détente de leurs lecteurs, des sources permanentes de créativité renouvelée au quotidien. La fécondité de la Pologne actuelle en termes de satire politique est exceptionnelle.
La situation sociale et économique n’est pourtant pas « comique ».
Pendant que ses politiciens se révèlent tels qu’ils sont en réalité après les discours électoraux alléchants, leur incompétence gestionnaire devient éclatante : la situation sociale de la majorité de la populations se dégrade, la forte population rurale du pays fait face à des difficultés croissantes et l’économie n’est pas vraiment au mieux.
Au sein des structures de l’Union européenne, et notamment en Allemagne, le voisin occidental, la crédibilité des deux frères jumeaux et leur caractère bien particulier ne fait pas sourire beaucoup, mais inquiète plutôt.
Aux yeux de beaucoup de responsables européens, la Pologne est un Etat qui a besoin d’une classe politique nouvelle, sérieuse et compétente. Pas de comiques burlesques imprévisibles.
Pour le moment, celle qui gouverne le pays, si elle ne semble pas correspondre à ces souhaits souvent exprimés un peu partout de manière diplomatique et discrète, continue à provoquer chaque jour un peu plus à la fois l’exaspération de ses citoyens, mais aussi un rire général qui devient gênant pour l’image internationale du pays.
Un citoyen polonais résumait récemment la situation selon lui : « les Polonais ne savent plus s’ils doivent rire ou pleurer devant le tableau pathétique et pitoyable que leur offre leur gouvernement ».
Ce qui est toutefois fort probable, dans ces conditions, c’est qu’en octobre 2007, les électeurs polonais risquent de changer les têtes au pouvoir. Cette perspective possible ne fait par contre pas rire du tout les deux frères jumeaux aux commandes de l’Etat.
Mais, leur coalition a éclaté et les fissures apparues sont irréparables. Il appartiendra donc aux électeurs polonais de se doter bientôt d’un nouveau gouvernement qui fera peut-être moins rire, mais s’occupera vraiment des urgents problèmes du pays et de ses habitants.
Ne dit-on pas, en Pologne comme ailleurs, que les bonnes comme les mauvaises plaisanteries, ont toujours une fin ?
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