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La règle des cumuls

Avec un chômage avoisinant les 10%, et probablement dépassant ce pourcentage, la France est un pays qui ne manque pourtant pas d’emplois. Le problème, comme toujours, consiste à savoir jouer la carte de la répartition des tâches. Peut-on encore se satisfaire des « cumulards » ?

En France, il est bien connu que les directeurs ne savent pas déléguer.

Plus exactement, il est intéressant de constater à quel point l’essentiel des postes à responsabilité sont concentrés dans les mains de peu de personnes. Cela nous entraîne inévitablement vers le thème des cumuls de titres et de mandats.

Il suffit de regarder un article de presse pour se rendre compte du phénomène : M. X, sénateur, maire, président de l’association Y, vice-président de l’association Z et membre honorifique de l’entreprise alpha...

En son temps, M. Jospin avait vainement essayé de réduire le nombre des mandats. Tentative louable, mais sans doute très difficile à faire passer, tant les postes de direction sont concentrés dans les mains de peu de personnes. Il arrive même bien trop souvent que plusieurs organismes, dont on croit qu’il se font concurrence, soient pilotés par un seul et même homme (Orangina vs Coca-cola, par exemple).

Dans les affaires publiques, la concentration des pouvoirs est sans doute encore bien plus affirmée que dans des organismes privés en mal de fusion et de trust. Ce trait de société montre à quel point le pouvoir génère le pouvoir, qu’on soit bon ou mauvais en termes de compétence effective. Il advient, mécaniquement, qu’une fois qu’on accède à un poste clé (ici réside la vraie difficulté), non seulement il est difficile d’en chuter, mais en plus il est très aisé de partir à la conquête de tout ce qui bouge, pour asseoir une situation ad vitam aeternam. Inévitablement, quand certains concentrent trois mandats, quatre titres ou sièges à des conseils d’administration, d’autres ne trouvent pas de travail.

Il s’agit d’un phénomène en cascade : là où il devrait y avoir au maximum une limitation à deux mandats par élu, il existe des personnes qui cumulent dix postes effectifs (on se demande quel peut être le "contenu" du travail effectif, car, à ma connaissance, une journée ne dure toujours "que" 24 heures). Là où il devrait donc y avoir cinq à dix personnes, il n’y en a qu’une. Là où il devrait y avoir dix assistants-cadres, il y a neuf postes pris par des "prétendants à la direction", ce qui envoit les neuf assistants-cadres restants au secrétariat, les secrétaires à la production, les ouvriers au chômage... Et ainsi de suite...

Le phénomène ne serait pas si néfaste si la profusion du "millefeuille" administratif français n’engageait pas une sur-représentation de "toujours les mêmes", au détriment de ceux qui ne font pas partie du moule. Il y a deux conséquences évidentes à ce phénomène de cumul des titres :

- La première est un habile jeu de chaises musicales, qui met en permanence les titres en échange sans pour autant mettre sur la touche ceux qui devraient l’être. Par conséquent, le pouvoir est toujours confisqué par une même minorité organisée.

- La seconde, par effet de dominos, est de rejeter toujours plus loin des postes à enjeux ceux qui n’ont pas été cooptés par le système. Cela provoque bien évidemment une part de chômage, mais plus encore, exclut tous ceux qui n’ont pas un profil "lisse", adaptable à toute situation et "bien vu du milieu". La conséquence immédiate est d’exclure les personnes à caractère ou à idées trop affirmés.

Ces deux conséquences provoquent ce qu’on constate actuellement (qui plus est avec la multiplication des échelons décisionnels, des partenaires sociaux et autres organes insitutionnels de décision souvent sédimentés) : tout le monde veut chercher à pouvoir dire son mot sans avoir les capacités concrètes de définir une ligne de conduite ambitieuse, puisque toute décision courageuse est tuée dans l’oeuf par le système, et plus encore lissée par le temps d’accès et de prise de pouvoir.

Le système de cumuls des mandats/titres est donc le reflet d’un système verrouillé.

Certains me diront : " Ce discours est naïf, il faut bien mettre des gens compétents à la tête d’institutions puissantes", ou bien : " Cela ne sert à rien de limiter les mandats et les titres, c’est le cours des choses qui veut cela..."

Peut-être. Mais il serait trop aisé de toujours tout mettre sur le dos du "cours des choses".

La prolifération des "agences nationales, hauts conseils, etc.", complétée par une approche fondamentalement jacobiniste, ne fait que jouer dans le sens du verrouillage de l’Etat par l’Etat. Plus personne ne peut décider "seul". Plus personne ne peut décider rapidement (sauf ceux qui pilotent actuellement l’Etat, puisque, je le rappelle, le leitmotiv est : "Faites ce que je dis mais pas ce que je fais"). Plus rien ne peut se faire de manière spontanée, réfléchie ou réactive, puisque tout le monde représente une part de tout le monde, à grands frais, et sans réel pouvoir d’action (lissage des idées fortes).

Le bilan des cumuls est donc assez révélateur de la santé du pays : le cumul permet à ceux qui ont toutes les casquettes de bénéficier des subsides du pouvoir sans pour autant avoir un réel pouvoir d’action sur la société, et encore moins en faveur de l’intérêt général.

Pour cela, il faudrait prendre des risques, et vu la confortable situation d’un cumulard, pourquoi prendre des risques, alors qu’on peut attendre, et rester en poste ?

Bilan :

Le cumul conforte une situation personnelle, arrime les décideurs à leurs postes, fige la scène politique et stratégique, dilue les temps d’action par poste, souligne la nécessité de réduire la prolifération des instituions, et entretient clairement la primauté de l’intérêt personnel, aux dépends de l’intérêt général.

Il est toujours très gratifiant de posséder quinze titres et postes honorifiques, mais le citoyen n’est-il pas en mesure d’attendre de ceux qui les cumulent des actions sur la vie publique qui amélioreront ses conditions de vie ?


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5 réactions à cet article    


  • (---.---.162.39) 28 décembre 2005 12:46

    Je ne vois pas bien le lien entre chômage et cumul des fonctions politiques. Il n’y a guère que les députés, les sénateurs et les présidents d’executifs locaux qui « vivent » de la politique. Les autres reçoivent des indemnités et ces fonctions ne peuvent pas être assimilées à des emplois.

    Je conçois que l’on puisse être contre le cumul des mandats (encore que je considère que le meilleur moyen pour un homme politique de « garder les pieds sur terre » soit de conserver un mandat local) mais le « marché de l’emploi » en politique n’est pas très expansif et il est, par définition, très précaire...


    • (---.---.90.225) 28 décembre 2005 18:22

      Je suis tout à fait d’accord avec votre article, j’en faisais la réflexion à ma famille le jour de Noël.

      Je prenais pour exemple le ministre de l’intérieur qui est aussi président de l’UMP et président du conseil général des Hauts de Seine. Il a certainement également d’autres casquettes, mais ces 3 là sont déjà trop. Une seule de ces occupations demande un boulot à temps plein et je trouve malhonnête de cumuler.

      Comme vous le dites, cela enlève des emplois à d’autres français qui n’ont pas moins de qualités que les cumulards. Et que l’on ne dise pas qu’ils sont plus forts que d’autres et qu’ils ont une capacité de travail à toute épreuve.

      Rien n’est plus facile lorsque l’on a 3 ou 4 casquettes de s’en procurer d’autres. Il s’agit ni plus ni moins que d’un blocage volontaire des rouages des appareils publics et privés (avec les conseils d’administrations croisés). D’ailleurs n’est ce pas le cas de l’actuel ministre des finances qui était au conseil d’administration de Rhodia avec une mission d’audit et qui n’a rien vu des problèmes tellement il était occupé par ailleurs.

      Ce système clanique de recasage des copains coûte très cher à la France car il met des gens incompétents à des postes par simple co-optage. L’exemple des banques françaises est en cela sublime, au cours des années 90 combien de ’banquiers’ ont laissé des ardoises phénoménales avant de reprendre la direction d’une autre banque ou d’une institution bancaire au lieu d’être écartés de la gestion des affaires ?

      La France est en panne de ces compromissions qui font qu’il faut tenir le système pour ne pas le laisser à des mains ’ennemies’. En agissant ainsi nos dirigeants privent les français d’un grand nombre de postes qui auraient bien besoin de sang neuf pour aborder les défis qui sont ceux de notre pays.

      Nous pourrions également parler de l’âge des politiques qui tiennent le pays et leur faire remarquer qu’une personne de plus de 70 ans pourrait passer la main et laisser de plus jeunes faire le travail. Ils devraient agir bénévolement pour aider le pays et ne pas continuer à vivre grassement aux crochets de l’état. Cela me fait penser à l’avare, ces grands pères accrochés à leur argent et aux dorures de la République.

      Bref, c’est sordide !

      PS : j’ai cité des exemples d’hommes politiques de droite car ils sont aux affaires, mais cela n’est pas l’apanage de la droite.


      • tvargentine.com lerma michel 28 décembre 2005 18:36

        Très bon article sur la plaie de l’Etat Français,qui préfére s’appuyer sur une sorte de cour aristocratique qu’engendre le cumul des mandats,car en cumulant les mandats ,ils cumulent l’argent et donc,(les pauvres !) ils paient l’impôt sur la fortune.

        Donc,l’Etat ,permet à des gens de s’enrichir avec l’argent du contribuable et de payer l’impot sur la fortune.

        Après tout,si le système entrainait une sorte de « main invisible » (notion du liberalisme économique) de redistribution des richesses en centralisant les pouvoirs pour avoir une meilleure réactivité sur le terrain et donc ,d’apporter une meilleure vie dans notre vie quotidienne ,nous pourrions approuver,mais c’est tout le contraire.

        Cet argent facilement gagné n’entraine que des comportements de courtisans et de corruption

        Oui à l’interdiction du cumul du mandat

        Quand à la société privée,le problème se situe au niveau de la notion des DRH, pratiqué dans les grosses sociétés qui apprennent les différents métiers de leur entreprise ,dans des grilles et des choix selectives déconnectés de la réalité de la vie même de l’entreprise,ou pour un poste x ou Y on va demander d’avoir des diplômes x,y,z.

        Rappelons qu’avec ce système de pensée 80% des gérants de sociétés n’auraient jamais créé de sociétés,car ils sont autodidactes !

        Flexibiliser l’embauche cela commence par flexibiliser les critères d’embauches et non d’imposer de critéres qui consistent à recherchent l’homme ou la femme parfaite,qui n’existent pas ,à moins d’être un adorateur d’Hitler

        Voici 15 ans ,certaines sociétés embauchées des candidats en passant par des cabinets de recrutements douteux (cartes,artrologie,.....)

        Plus d’une fois,j’ai entendu des responsables de département informatique dénoncé le choix imposé des embauches imposé par la « DRH »


        • (---.---.33.119) 29 décembre 2005 04:52

          Bonjour,

          La règle des cumuls ds la petite ville où j’habite !!!!est au quotidien !!!

          et je vois celà concrètement sans en rajouter je ne vois pas ou n’envisage pas

          de générosité sociale collective à l’époque l’hiver où l’on peut crever de froid ds la même rue où un père noël de façade vous savez c’est très tendance « avoir l’air de »

          vous nargue en ayant l’air figé et généreux

          1_le père noël n’existe pas

          2_donc il ne peut penser ni avoir un geste !!!!

          3_la pensée étant rattachée à la parole et à la respiration

          4_je propose une structure d’existence collective [A Y BIEN REFLECHIR : les plus intelligents et actifs sont plus ou moins en action____]

          5_je propose une économie d’énergie : à quoi sert il de faire clignoter une maison nantie et cossue surtout la nuit où]l’on dort en géneral

          6_ou des vitrines de commerce inaccessibles vraiment inaccessibles par le mode d’existence ?????

          7_MIIIIIIIIINCE g une réponse perso là tout de suite

          8_A avoir l’estomac garni et s’habiller et assurer le quotidien sans être empetré dsles soucis !!!!

          9_9 et aujourdh’hui même

          10_une voisine bien occupée m’a dit de ne pas penser__________ça LOOOOl je ne peux pas

          11_ Accueil réel des personnes ds les hôpitaux....censure du feuilleton « salle d’attente d’urgences »

          Que l’année à venir soit moins pire que la passée !!! :)) 2006......wahhhhh déjààààà

          depuis 2000 on a remonté un ressort ds mon dos


          • lefebvre patrice (---.---.208.185) 4 janvier 2006 12:10

            Les cumuls de fonctions ou de titres sont attribués (trés souvent)en raison du relationnel et non de la compétence des personnes.Tout cela demande reflexion..et refonte des mentalités à la française. P LEFEBVRE 56ANS rédacteur en contentieux.

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