Le Noël des sans-dents
A toutes les époques, et quel que soit le siècle, il y a deux sortes de Noël : celui des riches et celui des pauvres. Sauf que dans un temps passé, Noël était moins médiatisé qu'aujourd'hui. Et ainsi, les fractures sociales étaient moins visibles et surtout beaucoup moins douloureuses.
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Que l'on soit chrétien ou pas, que l'on soit croyant ou athée, les fêtes de Noël marquent fortement l'esprit de chacun de nous, et personne ne reste indifférent à ce moment de l'année qui ne ressemble à aucun autre.
Bien que la religion ne soit plus le point essentiel qui donne à Noël sa véritable identité, les gens célèbrent volontiers en France comme partout dans le Monde, cette réjouissance qui, faut-il le préciser, n'a plus de lien direct avec la religion, sauf pour une minorité dont la vision reste entièrement chrétienne.
Noël, c'est le moment des cadeaux, des échanges, des bonheurs retrouvés, mais aussi des marchés de la gastronomie avec les foies gras, les chocolats, les douceurs de toutes sortes, les grandes ripailles et le champagne qui coule à flots ou presque, de formidables plaisirs qui profitent à certains, et seulement … à certains.
Eh oui, tous les citoyens ne sont pas logés à la même enseigne. D'un côté, il y a ceux qui vivent dans l'opulence et qui n'hésitent pas à s'octroyer des plus beaux présents à coups de milliers d'euros ; de l'autre, des gens beaucoup plus modestes, parfois pauvres, qui craignent le lendemain en des temps difficiles où le chômage s'accentue privant ainsi les plus humbles des ressources indispensables à la vie quotidienne.
Dans cette catégorie dite populaire, il existe une communauté que l'on ne soupçonnait pas jusqu'à ces derniers temps : elle est dénommée les « sans-dents » selon les propres termes de Monsieur le Président Hollande, si l'on en croit Madame Trierweiler. Qui sont donc les sans-dents ? En fait, toujours d'après les dires de l'ex-première dame de France, François Hollande attribue la dénomination de « sans-dents » aux pauvres, ceux qu'il prétendait défendre contre les riches, au terme de son discours du 22 janvier 2012.
Aujourd'hui, les « sans-dents » qui ont voté alors pour le député socialiste de l'époque, sont bien déçus et encore bien plus pauvres que ce qu'ils étaient auparavant.
Ainsi, au cours de cette semaine qui précède Noël, je viens de rencontrer quelques-uns des fameux « sans-dents » qui sont de plus en plus nombreux chaque jour, en raison de la crise qui frappe violemment les plus démunis. Pour les accoster, il suffit d'aller du côté des Restos du Coeur, du Secours Populaire, du Secours Catholique ou de la Croix Rouge. En fait, ils sont en général peu bavards, à l'exception de quelques personnes qui ont besoin pressant de parler et de communiquer pour exprimer leur douleur, leur découragement, mais aussi parfois, leurs espoirs. Entre autres, j'ai conversé longuement avec l'un d'eux. Ce petit artisan dont l'entreprise n'a pas résisté à la débâcle économique, est devenu à l'heure actuelle un homme seul. Il a perdu son travail, sa maison, sa dignité, sa famille aussi. Face à la misère naissante, sa femme l'a quitté, emmenant avec elle ses deux filles adolescentes.
En cette fin d'année, comme chaque jour, depuis bientôt un an maintenant, il erre dans la ville, sans but, à la recherche d'un temps passé qui ne reviendra plus. Seuls, les souvenirs d'une époque heureuse viennent apaiser les souffrances morales qu'il endure depuis la faillite de son entreprise. En confidence, il me révèle son désespoir en soulignant que sa vie a basculé à jamais. Je lui offre un café, puis un repas dans un petit restaurant montmartrois. Nous discutons longuement et je lui suggère une idée qui devient rapidement une solution possible pour son avenir. Ses yeux brillent, mouillés par un bonheur soudain déclenché par l'espérance du lendemain. Cet espoir n'est pas utopique. Il pourra peut-être se réaliser par la volonté et par le fort désir de recommencer une autre existence, malgré les épreuves passées.
Certes, ce « sans-dents » passera un Noël difficile comme tous ceux et celles qui sont des naufragés de la vie. Ce « sans-dents » comme tant d'autres, n'intéresse pas François Hollande qui méprise les pauvres et se moque d'eux. Ce « sans-dents » est l'une des nombreuses victimes du système politique et économique qui plombe notre Pays, qu'il soit de droite ou de gauche.
Mais, au moment de Noël, ces oubliés de la société sont encore un peu plus abandonnés dans leur désarroi et dans leurs souffrances. Alors que des milliers de familles ne pourront pas s'offrir un Noël décent, les médias nous soulent sans cesse avec une société festive qui s'inonde de cadeaux, de caviar et de foie gras. Alors que des personnes dorment à même le sol de la rue, dans le froid et la misère, les médias - toujours eux - nous conduisent dans les plus grands hôtels des tropiques ou dans les stations de ski les plus huppés.
Où est donc passée la décence ? Notre société a perdu tout sens de la solidarité et de la bienséance. L'ego l'emporte au détriment de la fraternité. Et les citoyens s'embourgeoisent de plus en plus. Autrefois, les riches profitaient de la monarchie absolue qui privilégiait une certaine classe sociale. Aujourd'hui, c'est la république qui conforte les riches dans leurs privilèges aux dépens du petit peuple. Qui parle de progrès social ?
Dormez tranquille, braves gens ! Il n'y a rien à voir, ni à entendre.
Le Noël des « sans-dents » n'intéresse personne.
Pierre Reynaud
Essayiste-historien. Auteur de Révoltez-vous !
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