Le stage aux alouettes !
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La belle illusion.
Pour nos élèves en échec scolaire, l'apprentissage est la porte de sortie rêvée, le Graal à atteindre. Ils n'aspirent qu'à cette fuite vers le monde du travail sans bien comprendre que ce n'est pas tout à fait pour travailler mais pour commencer une formation professionnelle. Ils espèrent en finir définitivement avec les cours, ce pensum qui les met au martyre depuis trop longtemps.
Ils sont pourtant très nombreux à découvrir à la fin juin qu'ils n'ont pas encore trouvé ce fameux patron qu'ils appellent de tous leurs vœux. Beaucoup n'ont pas vraiment cherché d'ailleurs, incapables qu'ils sont de mettre des actes derrières leurs désirs. D'autres se sont cassés les dents dans cette quête si difficile où l'entregent est la clef indispensable.
Il faut admettre qu'ils cumulent bien des handicaps pour décrocher la timbale : le contrat d'apprentissage. Leur réseau est d'une pauvreté à pleurer. Leurs parents sont souvent exclus eux-mêmes du monde du travail ou doivent se contenter d'emplois souvent précaires. Comment pouvoir bénéficier d'une aide substantielle dans ces conditions et comment croire en ce fameux coup de piston qui demeure la règle de notre société ?
Ils restent le nez dans le guidon. Quand on leur demande de chercher un stage, ils se contentent bien souvent d'explorer leur connu. Ils reviennent avec des propositions factices, des ersatz d'activité dans des magasins de centre ville, des écoles ou bien des entreprises qui font abus de stagiaires. Que des lieux où leur espoir restera lettre morte.
Comment peut-il en être autrement ? Nous sommes coupables de croire au miracle. La démarche est bien trop complexe et demande bien trop d'habileté sociale pour qu'ils fassent mieux. Ils répondent à notre attente, nous devrions nous en satisfaire faute de quoi nous devrions prendre en charge une recherche porteuse de promesses.
« Mais ce serait trop de travail ! », protesteraient les moins courageux d'entre-nous. « Ce serait les renforcer dans leur passivité ! » s'indigneraient les tenants de l'activisme à tout crin. « C'est renoncer à leur accès à l'autonomie » dénonceraient les remplisseurs de cases. « C'est faire le boulot des parents ! » avanceraient ceux qui croient au père Noël.
La vérité est hélas bien plus complexe. Ils ne font que ce qu'ils peuvent. Ils ne peuvent d'eux-mêmes aller à la recherche des structures porteuses d'emplois futurs. Ils ratissent leur jardin, incapables qu'ils sont d'imaginer que des gens sont au travail dans des zones artisanales ou industrielles qui d'ailleurs sont bien difficiles d'accès pour eux.
Ils ont fait des stages qui ne servaient qu'à faire semblant. Il n'est pas étonnant qu'ils se retrouvent le bec dans l'eau sans proposition d'apprentissage. Et nous nous en étonnons ! Hypocrisie d'un système éducatif qui ignore tout du monde du travail ! Nous sommes les premiers responsables de cet échec qui mettra encore des gamins à la rue au retour des vacances.
Nous devons créer un maillon entre nos collèges et les centres de formation des apprentis. Ce devrait être ces organismes qui proposent des listes d'entreprises pour effectuer un stage. Nous ne devrions pas accepter des choix de confort, tout près du domicile, dans la galerie marchande qui attire tous les mômes, dans une administration sans possibilité de suite. Mais nous devrions aussi prendre en charge les frais associés à des stages qui supposent déplacement et repas loin de la maison. Mais là, notre hypocrisie atteint son comble et nous tournons le dos aux réalités si sordides !
Oui, nous sommes bien responsables de cette faillite qui chaque année me brise le cœur. Alors par dépit, par hasard, les plus chanceux vont se retrouver dans des lycées professionnels à préparer une formation qu'ils ont coché par défaut. Ils vont encore s'ennuyer à l'école, ils vont encore traîner leur misère scolaire. Ils vont surtout continuer à ne rien faire, faute de motivation réelle. Le gâchis va continuer et le gaspillage tout autant.
Tant que l'on continuera de confier l'organisation de la formation à des énarques, premiers de classe qui n'ont jamais mis les pieds dans un quartier, nous continuerons d'alimenter le monte-charge social, ce curieux ascenseur qui entraîne de plus en plus d'adolescents vers les bas-fonds de la désespérance.
Coupdegueulement vôtre.
Ton affaire de stage fait mal au cœur.
Ces jeunes n'ont rien compris à la vie professionnelle, car les parents n'ont pas fait leur travail d’éducation, de transmission de l'expérience.
Ils sont toujours chez les Bisounours...
Ça me rappelle mon fils Grégoire, qui, en échec scolaire, devait chercher une formation après la troisième. Quand je lui ai demandé ce qu'il avait envie de faire, il m'a répondu :
" aller comme toi au bureau avec un attaché case "
J'en ris maintenant, mais son cas était loin d'être aussi désespéré que celui de tes élèves.
Par contre, pour ses stages, j'ai fait jouer le piston mais je l'ai motivé à mort....
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