Ces femmes qui séduisent les hommes plus jeunes : phénomène de mode ?
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C’est vrai, nous vieillissons, et, souvent, nous rajeunissons en même temps. La femme de 50 ans aujourd’hui peut-être comparée à la « femme de trente ans » décrite par Balzac en son temps. Et s’il est vrai que des hommes jeunes ont du goût pour les femmes plus âgées qu’eux, l’inverse est aussi vrai. Ce phénomène touche tout le monde, quel que soit son milieu, même s’il reste aujourd’hui très minoritaire. Et si le sexe reste une affaire de jeunesse et de beauté, aujourd’hui, les jeunes chasseurs sont chassés à leur tour par des femmes d’âge mûr, que l’on nomme des « cougars ». Un phénomène de mode, qui peut devenir demain un phénomène de société.
Dans une famille recomposée, la femme est plus âgée que l’homme dans un cas sur trois.
Selon l’INSEE, la femme est plus âgée, même de quelques mois, dans 20% des unions, contre 11% dans les années 50. Mais, en 2006, seul 1% des mariages ont unis un homme avec une femme de huit ans au moins plus âgée. Il est vrai que pour les hommes, ce chiffre n’est que de 3% pour la même année. Cela dit, en 2009, dans une famille recomposée, la femme est plus âgée que l’homme dans un cas sur trois, selon les chiffres de l’INSEE. Et les people s’affichent. Claire Chazal, 53 ans, avec Arnaud Lemaire, 33 ans, Demi Moore, 47 ans et Ashton Kutcher 32 ans, ou encore Madonna, 51 ans, avec Jesus Luz, 23 ans… Mais qui se souvient de Margueritte Duras avec Yann Andrea, ou de Edith Piaf avec Théo Sarapo ?
Peut-être que c’est un tabou qui tombe, celui qui faisait dire à Chanel, seule à la fin de sa vie « Un homme vieux ? Quel horreur ! Un homme jeune ? Quelle honte ! » Car la révolution féministe a changé les rapports entre les hommes et les femmes. On est passé de la complémentarité – l’un est ce que l’autre n’est pas, la force et la faiblesse – à une ressemblance. Une ressemblance physique et vestimentaire avec l’unisexe, mais aussi un brouillage des repères sur les plans des modèles, de la culture et des désirs. Dès lors, comment s’étonner à ce que les femmes répondent désormais à ces « vieux beaux » qui cherchaient des relations avec des jeunes femmes ? Comment ne pas accepter que les excès masculins soient désormais copiés par les femmes ? Mais une femme a moins le droit de vieillir qu’un homme. Dès 45 ans, on lui fera sentir son âge, surtout si elle travaille dans un milieu sensible à l’image.
Un âge sensible
Sensibilisées par les changements de leur corps, beaucoup vivent cependant ce que l’on pourrait appeler un désespoir heureux. Le temps passé, le départ des enfants du foyer, l’âge ou la disparition de ses parents, les renvoient souvent à la notion de deuil. Ce passage vers la maturité est souvent une crise comparable à l’adolescence, une maturescence, en l’occurrence, qui peut déboucher sur une « seconde maturité », au point culminent de leur existence. Et c’est bien à l’intérieur de cette « ex-vieillesse » que beaucoup d’entre elles décuplent une énergie, l’énergie d’une vie. Elles ont le choix entre sombrer ou lutter, et elles sont en effet de plus en plus nombreuses à décider de ne plus mettre le désir entre parenthèse, à refuser cette décence qui voulait qu’une « vieille » donnant son amour en spectacle soit considérée comme inesthétique si ce n’est pas comme sorcière. Mentir sur son âge, lifter, pulper, dégraisser pour transformer son apparence c’est se heurter à soi-même., c’est désormais le truc d’une minorité.
La fin d’un tabou
Nous vivons la fin d’un tabou. Qui parlait de la ménopause il y a quinze ans ? Ce n’est plus aujourd’hui « je saigne donc je suis », mais bien « passer de la procréation à la création » qui fait foi ! L’été indien des femmes existe bien. Arrivées à 50 ans, elles s’ouvrent à une disponibilité à elles-mêmes, et s’étonnent qu’ont les trouve « belles encore » malgré les « quelques heures de vols » comme disent les machos. Le piège pour elles serait de s’enfermer dans une honte de vieillir et un devoir de vieillesse. C’est à elles de trouver les clés d’une nouvelle féminité, d’un autre type de séduction. A elles d’accepter leur âge et de goûter au temps des petits bonheurs, avec gourmandise. Surtout qu’il y a bien une métamorphose de la femme de 50 ans et plus. « 50 ans, la belle affaire ! » titrait déjà un article du quotidien Libération en 2006, alors que Sharon Stone abordait ce chiffre repoussoir avec un physique de femme de trente ans. Interviewé dans ce papier, nous avions décrit la femme de 50 ans comme une personne qui vivait son âge comme « deux fois 25 ans ».
Il est vrai que l’allongement de la vie – trente années gagnées au cours du 20ème siècle, dont 15 depuis 1950 – et l’évolution culturelle de la notion de beauté les accompagnent. Car la beauté physique atteint ses limites. On raisonne désormais davantage en termes d’expressions à révéler et maintenir qu’en termes de morphologie à modeler et à parfaire. Le rire, les larmes et l’humour sont bien trois caractères du genre humain, et le sourire un passeport universel. Si on ne nait pas belle, mais on le devient, la beauté est aussi, aujourd’hui, l’expression de sa personnalité. Alors même si
Michèle Bernier a raison de dire « la beauté intérieure, c’est bien, mais en boite, si tu n’as que la beauté intérieure, tu bois toute seule », les chiffres parlent. A un âge ou les hommes sont censés être travaillés par le « démon de minuit », les divorces des séniors sont passés en dix ans, de 10 à 15% de l’ensemble des divorces. Et dans 70% des cas, c’est la femme qui demande le divorce. Tous les couples qui ne savent pas « remonter sur la balançoire » à l’âge de la retraite sont concernés. La libéralisation des chaînes conjugales touchent tous les couples. Les « retrosexuels » entre en scène. Ce terme désigne le fait de retrouver ses anciens amours, des années après. Mais le goût de la rencontre, en repoussant l’âge « désérotisé » à la dépendance, existe aussi, non sans une certaine « transgression » assumée, souvent devant l’incompréhension de ses enfants, d’ailleurs.
Se débarrasser du terme de « cougar »
Les religions du livre détestent les femmes et ne valorisent que l’épouse et la mère, et il faudra encore quelques décennies pour que les femmes s’émancipent vraiment. Il faut savoir mettre un peu de désordre dans sa vie, et, comme toutes les pionnières, elles vont déranger un certain ordre. Avec, toujours, un sentiment d’urgence. Car si elles savent que ce qui n’a pas été atteint ne le sera plus, elles savent aussi que la vie ne repasse pas les plats deux fois. Pour elles, l’idéal personnel a pris la relève des normes et des traditions.
Puis la pression des regards sociaux cessera. Et elles se débarrasseront peut-être alors de ce terme de « cougars » quelque peu carnassier. Sans doute même que cette obsession de la différence d’âge restera minoritaire, car, de loin, les rapports les plus harmonieux ne regardent pas l’âge de l’autre. Retenons surtout que les femmes de 50-70 ans d’aujourd’hui ont été et restent de grandes innovatrices, les pionnières des nouveaux modes d’éducation, du plaisir revendiqué, de l’individualisme vécu comme un humanisme. Elles savent parler « des » amours plutôt que « de » l’amour. Elles inaugurent des périodes d’amour bleu, d’amour rose, d’amour rouge ou d’amour violet. Elles vivent des relations qui n’impliquent pas forcément d’engagement dans la vie de l’autre, mais des amours par lesquels on se préserve soi-même. En réalité, elles vivent leur vie amoureuse comme beaucoup de possibles.
Eric DONFU, 26 mars 2010.
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