Les « dégâts » de la Manif Pour Tous
Dans mes multiples débats autour du Mariage Pour Tous, une personne en particulier a souhaité m'interpeler, assez vivement, sur le mal que nous aurions fait, et sur les "dégâts" que nous aurions causé, j'ai du à mon corps défendant reprendre un certain nombre d'éléments, de la manière la plus didactique et délicate qu'il soit.
Je reconnais à mon interlocuteur à l'origine de cette interpellation une volonté réelle de dialogue, ce qui me laisse penser que ce texte peut convaincre, sur les intentions (et non pas sur le fond) des personnes de bonne foi, même favorable au mariage gay.
Je me risque en tout cas à le publier plus largement.
Il n'est jamais simple d'expliquer en quelques termes ce qu'il en est des débats autour du mariage dit "pour tous" qui furent longs et clivants. Par ailleurs, c'est un débat qui par certains aspects engagent des visions de la société diamétralement opposées, notamment en ce qu'on appelle le lobby LGBT. Il y a parmi ces personnes des gens qui n'ont pas eu envie d'acter un désaccord. Or, en démocratie, nous avons le droit de ne pas être toujours d'accord, sans se haïr ni s'accuser de haine pour autant. Ces mêmes personnes ont eu beau jeu de faire de nous d'horribles personnes haineuses. Ce que, j'en suis sûr, la plupart des manifestants de la manif pour tous ne sommes pas.
Maintenant, il est vrai que des gens se sont sentis blessés, parfois lourdement. Nonobstant le fait que certains les ont poussés dans une vision manichéenne de "notre camp" (rien qu'en le présentant ainsi, c'est d'ores et déjà manichéen !), il est vrai que la question de l'homosexualité s'est retrouvée injustement au cœur des débats qui ont concerné le mariage pour tous.
Les raisons de fond du désaccord
Car autant je suis opposé à l'union de personnes de même sexes pour des questions liées à ma vision du mariage, autant je suis opposé au mariage gay en lui-même pour des raisons qui n'ont au final rien à voir avec le couple homosexuel.
Je m'explique, le plus clairement possible j'espère.
1. Je crois en effet que le "couple homosexuel", parce que différents et non majoritaires (non normatif finalement, je ne rentre pas dans le détail), est dans une sorte de reproduction de ce qu'il voit dans la norme, "pour lui", pour "faire comme". C'est une de mes explications même si en soi, elle ne m'aurait sans doute pas fait descendre dans la rue. Je pense que le désir de se marier provient de ce désir de reproduction inconsciente de ce qu'ils voient autour d'eux, pour, comme souvent pour les personnes foncièrement différentes, être comme tout le monde.
Ceci n'est pas un jugement de valeur. C'est une explication que je me fais de ce désir, même s'il se conjugue ensuite à d'autres volontés, idéologiques celles-là, "d'aller plus loin" (je ne m'y étends, ce n'est pas l'objet de l'article).
Mais après tout, pourquoi pas ?
Même si selon moi on en arrive à se poser ces questions parce qu'on a fait du mariage une question "d'adultes qui s'aiment", alors qu'il est selon moi un pilier sociétale en vue des enfants, on pourrait malgré tout se dire "Pourquoi pas ?"
2. Et voilà donc le point d’achoppement : les enfants. Là, le désaccord est profond (vision diamétralement opposée), tout autant que l'incompréhension.
A commencer par la lubie selon laquelle les homosexuels qui constitueraient un couple seraient moins aptes que quiconque à élever et donner de l'amour à un enfant.
Il est évident que la question n'est pas là, et plus encore je n'ai pas à juger de la capacité des uns ou des autres à élever un enfant ou à les aimer, homos ou hétéros.
Par contre, il est vrai que j'ai une idée très précise sur le fait que l'homme et la femme soient différents, et qu'il existe une complémentarité, dans la vie d'une part, mais aussi et surtout dans le rapport aux enfants. Je sais que d'autres le contestent. Cette complémentarité s'illustre dans une approche du monde liée à une "sensibilité" qui est certes en partie culturelle, mais également dans une autre partie innée. Je parle bien ici de règle générale, souvent la base des observations en sciences humaines (car on sait qu'il peut a contrario exister tout type de cas particuliers).
Et là, le bât blesse dans le couple homosexuel. Avec toute la bonne volonté du monde, un homme ne peut se substituer à une femme. Une autre femme peut être "une seconde mère", mais un autre homme ne saurait l'être.
Donc ce n'est pas le fait qu'ils soient homosexuels ou que l'homosexualité serait considéré comme une horreur absolue (ou un péché comme on me l'a suggéré aussi) qui fonde mon opposition, mais bien le fait qu'un couple homosexuel prétende que cela ne change rien pour les enfants. Bien sûr que cela change tout que d'avoir deux parents de même sexe.
Par ces deux points, je désire montrer qu'il y a un désaccord de fond, et qu'il ne repose pas sur une haine de qui que ce soit. Le père et la mère sont-ils interchangeables ? L'un d'eux peut-il être remplacé par n'importe qui d'autre ?
C'est une question qui peut être complexe, je ne le nie pas.
Mais on ne peut pas nier que le mariage gay, qui en France inclus la filiation et l'adoption, ne pose pas ces questions. On ne peut réduire ceux qui se les posent et qui y répondent différemment à de vulgaires homophobes.
Manifester ?
Pourquoi manifester ? Parce que la loi vient heurter de plein fouet le bon sens le plus élémentaire. La loi autorise (absurdité extrême) que l'acte de naissance mentionne explicitement "né de" pour un couple homosexuel. Plus largement, elle sous-entend ce qui va à l'encontre des faits, quand elle prétend que deux hommes peuvent non seulement se marier mais SURTOUT avoir des enfants.
Ceci n'est pas anodin, c'est complètement voulu, et dans la lignée de ce que je dénonce ci-dessus. Inscrire qu'un enfant puisse avoir 2 parents de même sexe vient affirmer au forceps que ceux qui pensent qu'un père et une mère sont complémentaires se trompent.
Pas même un bénéfice du doute ? Eh non.
L'Egalité (dogme des porteurs du projet pour le coup, on pourrait en reparler) a tous les droits, l'emportent sur toute considération. Et qui s'oppose au projet est dans le camp de la haine, opposé à l'égalité (expression qui en français n'a aucun sens).
Eh bien. Nous voilà mis au rang de bourreaux avant même qu'on ait écouté un minimum les arguments évoqués ci-dessus. Nous n'ourions donc pas le droit de ne pas être d'accord ? Faire de nous des homophobes, assassins d'enfants (entendu aussi... le ridicule ne tue pas), haineux, etc.
Hormis pour esquiver tout débat, je ne vois pas l'intérêt...
Blessés ?
Alors oui, certains se sont sentis blessés. Mais les premiers responsables sont ceux qui ont passé le temps à nous insulter sans écouter ce que nous avions à dire, ou qui savent mieux que nous ce que nous pensons, par des réflexions souvent entendues :
"Vous ne dites pas vraiment ce que vous pensez parce qu'en fait, vous êtes homophobes, vous avez la haine, et c'est pour ça que vous êtes contre !"
Le ridicule de ces propos devrait nous amuser si des médias et des "responsables" ne reprenaient pas en chœur ce refrain, très sérieusement, et ne nous salissaient pas au passage.
Par conséquent, que certains les croient, c'est normal. Qu'ils en souffrent alors, c'est encore une fois normal. Ils en rajoutent même une couche malgré eux, trouvent insupportable et homophobe qu'on puisse dire "Un père / une mère, c'est élémentaire !".
Nous avons passé plus de temps à devoir expliquer que non, nous n'avions pas de haine, plutôt que de s'exprimer, idées contre idées, opinions contre opinions, arguments contre arguments.
Ce fut un combat idéologique, avec, je le déplore, des victimes collatérales : celles et ceux qui n'ont pas pu comprendre que nous n'avons foncièrement rien contre eux.
Car c'est compliqué de faire comprendre que l'homosexualité n'est pas le problème, mais que les conséquences sur les enfants le sont, ou en tout cas que c'est là que nous situons le débat.
C'est compliqué d'expliquer qu'on peut n'avoir aucune haine mais qu'on ne peut pas à tout prix (selon nous) répondre à tous leurs désirs, même s'il n'y a rien d'abjects de leur part de désirer des enfants.
Ce n'est vraiment pas simple d'expliquer à quelqu'un qui peut être déjà blessé dans son histoire personnelle par des faits (véritables ceux là) de rejets des homosexuels, que non, nous ne sommes pas de ceux-là.
C'est compliqué de devoir dire à quelqu'un qui peut légitimement souffrir de certaines situations que sa demande peut mettre en péril un des fondements d'une société : la famille.
Je le pense, non par haine ou parce que le mariage gay le détruirait à lui seul, mais parce qu'il est un élément de plus dans cette direction, et un franchissement grave d'un déni de réalité et de l'impact des désirs d'adultes sur la vie des enfants.
Je doute bien sûr que mon argumentation puisse convaincre sur le fond. Mais elle n'est pas là pour ça. Si un lecteur ne me prête pas d'autres intentions que celles que j'exprime ici, alors il devrait y comprendre que l'homosexualité est une autre question, et que l'on blesse certains non par intention, ni par légèreté, mais que cela est la résultante d'un débat complexe, qui touche certains au cœur de manière évidente, mais qui demande aussi à ceux qui le retranscrivent d'être vrais et honnêtes, ce qui ne fut pas le cas.
Mais on n'est loin de la "haine de l'homo" ou du débat à l'emporte-pièce.
Puisse les gens de bonne foi et de bonne volonté, même en désaccord de fond avec moi, l'entendre, le comprendre, et l'expliquer à leur tour une bonne fois pour toute.
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