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Accueil du site > Actualités > Société > Les Instructions de l’Instruction...

Les Instructions de l’Instruction...

Difficile pour un béotien comme moi de se faire une idée des implications explicites et implicites du nouveau cheval de bataille de Nicolas Sarkozy : la suppression du juge d’instruction.
L’on connaît l’art consommé de notre omniprésident de faire des annonces tonitruantes… plus ou moins suivies d’effets !
Gageons cependant que celle-ci, faite à l’occasion des voeux comme celle de la suppression de la pub sur la TV publique, ne restera pas davantage lettre morte que cette dernière. Avec des conséquences aussi complexes qu’indéniables sur le fonctionnement de la justice. Sujet hautement politique donc, au sens le plus noble du terme, comme au sens le plus petitement politicard…

Reste qu’après la dépénalisation des affaires, cette mesure risque une nouvelle fois de mettre à mal l’équité de la justice, ainsi que l’égalité des citoyens devant elle, qui est déjà loin d’être exemplaire !
Mais surtout, surtout, une nouvelle fois, le sujet étant à ce point sérieux, il mériterait à tout le moins une réflexion approfondie, et une large concertation. Au lieu de quoi, comme à son habitude, Notre Seigneur annonce d’ores et déjà la conclusion imposée à la commission chargée de réfléchir à la question.
Curieuse vision de la démocratie, que celle de nos gouvernants !

Reste que deux personnages bien connus du monde juridico-médiatique ont vivement réagi à cette annonce.
Deux réactions émanant de personnes dont en tout cas la probité et le courage ne peuvent être mis en question, puisqu’il s’agit des juges Renaud Van Ruymbeke et Eva Joly.

Pour Renaud Van Ruymbeke, ce projet va à l’encontre des libertés individuelles. […] Nous assistons à une véritable reprise en main de l’institution judiciaire par le pouvoir politique.
Enfin, d’après lui, la réforme annoncée par M. Sarkozy sonne le glas des affaires politico-financières. (Ah ?)
Et de conclure : l’indépendance de celle-ci [la justice] est un pilier de la démocratie nécessaire à la protection du citoyen.

juge d'instruction, ou parquet ? dessin de Chimulus
dessin de Chimulus

Eva Joly, quant à elle, parle de régression. Et quelle régression, puisqu’elle affirme que ce serait revenir au Second Empire ! Rien que ça…
Et d’enfoncer le clou : c’est un verrou pour empêcher les enquêtes qui gênent le pouvoir politique. (Ah ?)

juge d'instruction et parquet - dessin de Placide
dessin de Placide

L’autre versant des propositions de Notre Seigneur réside dans la collégialité, et la présence de l’avocat dès les premiers instants de la procédure judiciaire.
Une collégialité déjà votée le 5 Mars 2007 !!!
Quant à la présence de l’avocat dès le début de l’instruction, nécessite-t-elle la disparition du juge d’instruction ?

Bien que ce soit un peu long, et un peu ardu, pour qui n’y connaît rien, je ne peux que vous inviter à lire ce qu’en dit Maître Eolas. Ses premières réflexions ont au moins le mérite de poser le(s) problème(s), et de donner matière à réflexion, justement, au-delà de la polémique.

Affaire à suivre !

.
Sources :
¤ Van Ruymbeke : “Le glas des affaires politico-financières”
¤ La suppression du juge d’instruction “sonne le glas des affaires”, selon van Ruymbeke
¤ Fin du juge d’instruction : une “régression” pour Eva Joly
¤ Eva Joly dénonce la suppression du juge d’instruction
¤ Premières réflexions sur la suppression annoncée du juge d’instruction
¤ La suppression du juge d’instruction, une nouvelle illustration de la concentration des pouvoirs. Mobilisons-nous !
¤ Eva Joly : interview par Dominique Souchier - “C’est arrivé cette semaine” - Europe1 - 10/01/09


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5 réactions à cet article    


  • merlin7511 13 janvier 2009 16:42

    L’article de Me EOLAS sur cette réforme est comme souvent remarquable d’intelligence, clair et passionnant.

    Ce qui est étonnant, plus que la réforme en elle même, ce sont les contradictions du Président de la République :

    - il faut arrêter de réformer à tout va la justice qui croule sous les textes - donc on va créer une nouvelle réforme

    - il faut donner des droits supplémentaires à la défense - donc on remplace un juge impartial par un magistrat soumis hiérarchiquement au garde des Sceaux

    - il faut mettre un terme à la schizophrénie du juge d’instruction - remplaçons-le par un magistrat qui pourra refuser de poursuivre, mais que l’on pourra contraindre à le faire (je vous laisse imagnier comme il va etre content d’instruire une affaire dont il ne voulait pas)

    - il faut rétablir l’équilibre entre les acteurs de l’instruction - privons le citoyen d’un magistrat indépendant, professionnel diplomé et formé, rompu à l’exercice de l’instruction, et remplaçons-le pour les plus pauvres d’entre nous par un avocat débutant à l’aide juridictionnelle, qui devra seul affronter une armée de magistrats et de fonctionnaires (dont certains, les greffiers, ont souvent pratiquement le niveau d’un magistrat) dénommée "Parquet".

    J’ajoute que les tribuanux, les cour d’Appel, le Ministère et les SAR (service administratif régional) travaillent dur depuis plusieurs mois sur la mise en place de la collégialité. Pour rien, puisque le Président vient de la supprimer avant même qu’elle n’arrive ! Ajoutez à cela la mise en place de solutions informatiques qui ont mobilisé d’énormes ressources (numérisation des procédures pénales, communication électronique pénale, nouvelle chaine pénale...) qu’il va falloir revoir presque entièrement : des mois, voir des années de travail jetées à la poubelle en une déclaration. Faire des réformes, c’est bien. Les faire avant même d’avoir mis en service les réformes précédentes, c’est un gaspillage de temps, de moyens et d’argent (du contribuable bien sur).


    • Fergus fergus 13 janvier 2009 17:09

      Pour en avoir discuté avec des magistrats, je pense personnellement que la plupart des juges instruisent réellement à charge et à décharge. Cela dit, comme dans tout métier, il peut arriver que des erreurs soient commises, voire de graves bavures. A cet égard, la palme de ces dernières années revient à Outreau. C’est évidemment lamentable et inacceptable pour les justiciables broyés par le système.

       

      Mais ces bavures s’expliquent malheureusement très souvent par le contexte et l’énorme pression médiatique liée à des évènements monstrueux dont la presse s’est emparée. Or ces dérives seront toujours présentes, sous la pression des politiques, si l’enquête à charge est assurée par un procureur et supervisée par un juge de l’instruction hiérarchiquement dépendants de la Chancellerie. C’est pourquoi une telle réforme n’a de sens que si les magistrats enquêteurs sont totalement indépendants. Et si d’autre part l’Etat continue de prendre en charge la totalité des frais d’investigation de la défense.

       


      • Fergus fergus 13 janvier 2009 19:15

        C’est effectivement le principal risque avec l’abandon des poursuites dans les affaires politico-financières si le procureur reste dépendant de la Chancellerie (actuellement il est possible de saisir directement un juge d’instruction dans certaines conditions, ce qui ne serait plus du tout le cas)


      • bisane bisane 13 janvier 2009 20:15

        Je tiens à préciser que je n’ai pas demandé la publication de cet article sur Agoravox, et que j’ignore comment il est arrivé là !

        Toujours est-il qu’il y est, et puisque j’y écris qu’il mérite réflexion (ô combien !), nul doute qu’il mérite aussi débat. Il est donc à sa place ici.
        Et les 1ères réactions semblent à tout le moins être constructives, ce qui n’est pas toujours le cas ici...

        Ce matin, sur France Inter, Guy Carcassonne (Professeur de droit à l’Université Paris 10 Nanterre, ex- membre de la commission de révision de la Constitution présidée par Edouard Balladur) et Dominique Rousseau (Professeur de Droit constitutionnel à l’Université de Montpellier 1) semblaient être tous deux d’accord avec la suppression du juge d’instruction... à condition d’y mettre plein de garde-fous (?)... ou de garde-barrières (!)... enfin, en s’assurant quelques garanties sur les libertés individuelles, et sur l’indépendance des "instructeurs".
        C’est bien cela qu’il s’agira de surveiller, car en effet ce sont ces deux points qui garantiront une équité, qui ne pourra jamais être parfaite, on est d’accord, fergus, mais souhaitons à tout le moins qu’elle n’exclue pas les plus pauvres d’entre nous, ou les plus démunis, dans un sens élargi du terme.
        Et effectivement, en la matière, le risque est bien celui décrit par Léon : l’exclusion de fait de certains justiciables (déjà que...), ou une inflation sans commune pour mesure des coûts pour l’Etat !
        L’autre risque réside bien évidemment celui de la non-indépendance de la justice vis-à-vis du politique... Vive la démocratie !

        A suivre de très très près en tout cas... avant qu’il ne soit trop tard !


        • edouard 18 janvier 2009 15:07

          Est-ce que Sarkozy a de l’instruction ? je vous laisse juge...

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