Les vraies questions après l’affaire Dieudonné
La fin du feuilleton médiatique Dieudonnesque nous oblige à réfléchir.
Le problème n’est pas de savoir si Dieudonné est oui ou non un antijuif. Qui sonde les cœurs pour connaître cette intime vérité ?
Le problème n’est pas non plus de savoir si Dieudonné est ou non autorisé à se produire en spectacle.
L’antisémitisme n’est pas une opinion selon la Loi, mais un délit.
Les juges apprécieront si oui ou non, il a émis en public des opinions antisémites. Nous verrons qui gagnera cette bataille judiciaire, mais au final ça n’a aucune importance sur le fond.
Parallèlement à ses dérapages antijuifs toujours plus nombreux, son succès a été croissant depuis cinq ans. Cet engouement de jeunes pour beaucoup, qui ne sont majoritairement pas des antijuifs ni des nazis, nous oblige à réfléchir.
Pourquoi les discours de Dieudonné, dont le complotisme et l’antisémitisme sont la pierre angulaire, constituent-ils l’ultime révolte envers un système déconnecté des réalités.
Qu’il assagisse ses propos aujourd’hui et qu’il renonce aux provocations antijuives ne doit pas nous faire oublier que sa réussite s’est articulée sur un antisionisme acharné empruntant tous les préjugés de la dialectique antisémite du XIXème siècle.
Ceux qui comme moi se soucient de l’harmonie de la vie dans notre pays la France, et qui parallèlement sont attachés viscéralement à l’existence de l’Etat d’Israël doivent poser les vraies questions.
Le devoir de mémoire : La Shoah
Tout a été dit sur cet évènement unique dans l’Histoire de l’Humanité.
De nombreux éminents rabbins, comme le grand Rabbin Lubavitch, qui survécurent au massacre ont enseigné que personne ne pouvait apporter de réponses à la question : Pourquoi ? La réponse est le silence.
Dans le monde pas un jour ne se passe sans que la Shoah soit évoquée, pleurée, louée, niée, utilisée, monnayée, manipulée ou expliquée.
Le « devoir de mémoire » n’a pas la même signification pour quelqu’un qui a vécu cette période et pour un autre né quarante ou cinquante ans après la fin de la guerre.
Le « devoir de mémoire » est souvent considéré comme un transfert.
Comme si les enfants et petits-enfants des victimes avaient hérité du statut de victime, et les enfants de ceux qui ne le furent pas (victimes) auraient hérité d’une part de responsabilité du drame.
Beaucoup de Juifs fils de victimes ou pas, utilisent la Shoah d’une manière éhontée, oubliant souvent que pendant les deux guerres mondiales beaucoup d’autres, nombreux ont souffert et sont morts.
La répétition des commémorations ajoute au risque de banalisation.
L’utilisation de la sacralisation de la Shoah à d’autres fins qu’éducatives doit cesser, et les Juifs devraient être les premiers à dénoncer tous les excès, y compris parmi eux.
Le soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël.
Je me suis souvent élevé contre ce « soutien inconditionnel » pour plusieurs raisons.
A l’intérieur même du gouvernement israélien, la coalition n’est pas unanime.
Au parlement une opposition critique fermement la politique du gouvernement.
La presse israélienne est reconnue pour son indépendance et sa liberté de ton pour aborder tous les sujets, y compris ceux censurés en France.
Lorsque les institutions juives en Diaspora affichent ce sacro-saint soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël, ils affichent un alignement sans préalable sur chaque décision prise ou à prendre par un gouvernement qui représente au plus 50% des votants israéliens.
Benjamin Netanyahou, quand il était dans l’opposition et depuis qu’il est au pouvoir, utilise et manipule le spectre de la disparition de l’Etat d’Israël pour fédérer son opinion publique.
De nombreux israéliens, éminents universitaires politiciens ou généraux, savent bien que les ennemis d’Israël ne représentent pas un danger existentiel.
Si l’existence de l’Etat d’Israël était menacée, chacun a conscience que presque tous les juifs, mais aussi de nombreux non juifs se lèveraient pour empêcher un nouveau génocide.
Dernier point et non des moindres, le sionisme fondé au XIXème siècle est l'idéologie qui avalise le droit des Juifs à avoir un Etat. Il n’a jamais été et ne pourra jamais être réduit à la politique d’un quelconque gouvernement israélien. L’unique moyen de l’expliquer est de ne plus être enfermé dans ce contre-productif « soutien inconditionnel ».
Le sionisme se nourrit d’antisémitisme et inversement
A la suite du climat qui remet l’antisémitisme à la mode en France, de nombreuses enquêtes démontrent qu’un nombre important de Français Juifs envisagent de quitter la France pour émigrer en Israël. Certains on expliqué que Dieudonné était le meilleur agent sioniste de l’Etat d’Israël.
Depuis la fin du XIXème siècle, les grandes vagues d’immigration juive en Israël avant et après la fondation de l’Etat ont toutes découlé de l’antisémitisme.
Il est évident que le sionisme qui cherche à ce que tous les juifs du monde immigrent en Israël est satisfait quand l’antisémitisme se développe.
En France, le climat délétère qui gangrène l’état d’esprit des juifs de France est en partie dû au fait que les media juifs francophones sont quasiment tous dirigés et orchestrés d’Israël par des Juifs Français sionistes réalisés puisqu’ils ne vivent plus en France. La ligne éditoriale de ces media se situe à la droite du Likoud. Elle n’est pas pluraliste et ne représente ni les juifs de France, ni le pluralisme de la vie politique israélienne.
Les institutions communautaires qui s’adressent au même public que ces sites internet, leur emboitent le pas en pensant à tort écouter la voix des Juifs de France. Elles donnent ainsi l’image d’officines lobbyistes pures et dures. C’est inacceptable.
Ceux qui s’agitent en Israël pour faire peur aux juifs qui veulent rester en France ne servent ni Israël, ni le judaïsme.
Le judaïsme français doit retrouver son pluralisme sa vie intellectuelle et critique. Si le prix à payer pour ce faire est la création de nouvelles organisations pluralistes, disposées au débat, sans censure, il faut les créer d’urgence.
BDarmon
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