Loi anti-prostitution et modèle suédois : encore une loi à la con, une !
Avec 268 voix pour et 138 voix contre, le Parlement a encore une fois réussi le pari de voter de la manière la plus inutile, hypocrite et contre-productive qui soit face à un problème mal analysé, et en niant un principe fondamental de notre société qui est que chacun – et chacune – puisse disposer de son propre corps comme il ou elle l’entend.
Certes, le désir affiché d’éradiquer la prostitution sous contrainte est tout à fait louable, mais criminaliser le “client” dans toutes les situations revient à jeter le bébé avec l’eau du bain et ne servira qu’a rendre cette activité souterraine, et encore plus dangereuse pour les femmes qui la pratiquent. Mais moins visible sur les trottoirs de Neuilly et du Bois de Boulogne…
Le premier problème est un problème de principe : deux êtres adultes et consentants qui, pour des raisons qui les regardent, décident de contractualiser une relation sexuelle… ne pourrontt plus le faire, du fait que le “payeur” se retrouvera criminalisé d’office. Ce qui est du grand n’importe quoi et fait fi de tout droit fondamental d’usage de nos propres corps. Il faudrait, pour être logique, interdire alors tout contrat de mise à disposition du corps de quelqu’un vis-à-vis de qui ou de quoi que ce soit, autrement dit : fini le salariat.
Le second problème concerne les évidentes dérives associées à la mise en oeuvre : Tout homme se promenant avec une femme qui n’est pas sa compagne “officielle” (y compris, par définition, tous les célibataires) sera suspect, et donc sujet à contrôles de police, perquisitions, etc… Sans parler de la femme qui, elle, selon les bonnes vieilles méthodes policières, sera sans doute “invitée” sous la menace à “dénoncer” ses partenaires. Nous entrons par une nouvelle porte dans la dictature policière pure et dure. Après sa défaite dans l’affaire du mariage pour tous, la Gestapo de la bonne morale tient là une bonne chance de revanche.
Le troisième problème concerne la relation aux objectifs : les députés se revendiquent du “modèle suédois” instauré en 1999 et qui, en criminalisant le payeur sans pour autant rendre illégal la prostitution en tant que telle, prétend avoir grandement réduit la prostitution en général. Ça c’est la communication officielle, mais en y regardant de plus près il ne semble pas y avoir de relation très nette entre cette loi et le niveau de prostitution : une étude rédigée par Dodillet and Ostergren intitulée The Swedish Sex Purchase Act : Claimed Success And Documented Effects (Loi suédoise contre l’achat de sexe : déclarations de succès et réalité documentée) dont un des paragraphes introductifs dit ceci (ma traduction) :
“L’analyse des études et rapports disponibles démontre que le Sex Purchase Act (la loi anti-prostitution suédoise, ndt) n’a pas eu l’effet annoncé sur le niveau de prostitution, le trafic des femmes ou la déterrence envers les clients. Il n’est pas non plus possible d’en conclure que l’attitude du public vis-à-vis de la prostitution a changé de manière significative en faveur de la position féministe (à l’origine de la loi, ndt) ni que cette loi bénéficie d’un support croissant. Nous avons par ailleurs trouvé des rapports concernant des effets négatifs de cette loi – notamment en ce qui concerne la santé et le bien-être des travailleuses du sexe – et ce malgré le fait que le législateur avait insisté sur l’absence d’effets négatifs sur les prostituées.”
Une autre étude, publiée en avril 2012 et intitulée The Swedish Law to Criminalize Clients : A failed experiment in social engineering (La loi suédoise de criminalisation des clients : une expérience ratée en ingénierie sociale), conduite par Ann Jordan, dont l’un des paragraphes introductifs dit ceci (ma traduction) :
“Sans surprise, l”expérience n’a pas fonctionné. Depuis treize années que la loi est en vigueur, le gouvernement suédois n’a pas été capable de démontrer en quoi cette loi a réduit le nombre de consommateurs ou de prostituées, ou réduit le trafic (des femmes prostituées sous la contrainte, ndt). Tout ce qu’il (le gouvernement suédois, ndt) peut faire valoir est un support (contesté) de l’opinion publique et une mise en danger accrue pour les prostituées travaillant la rue. Malgré cet échec, le gouvernement a choisi d’ignorer les faits et de déclarer cette loi comme étant un succès ; il continue en plus à faire la promotion de cette loi envers d’autres pays.”
Pour la France en tous cas, la propagande semble avoir fonctionné. Mais au bénéfice de qui ?
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