Merci Oscar !
Merci Oscar !
Ah mais quelle violence sur le net ! Les médias, les réseaux sociaux se sont d'ailleurs emparés de l'affaire... Quelle affaire ? Hé bien la vidéo, voyons !
Ah le petit chat torturé ? Non, celle du jeune handicapé tabassé juste après par des jeunes !
Ainsi, on a pu lire partout :
"Après un chat torturé, un handicapé humilié !"
On a presque envie de dire : « merci » à Oscar le chaton qui accepte de partager la vedette. Son calvaire n’a pas été vain. Grâce à lui, l’agression d’un jeune handicapé prend du relief …
Quelle aubaine aussi pour l’indignation circonstanciée ! Les faits divers sordides mettant en scène de jeunes barbares, offrent la possibilité d'écrire tout un tas d'articles sur notre société en déliquescence.
Les commentateurs raisonnables ne peuvent qu'acquiescer à une argumentation bien posée : éducation parentale, responsabilité de l'école, société de consommation et fausses valeurs qui fragilisent les enfants (ceux des autres seulement).
"A cause de tout ça, c'est bien vrai que les chatons et les handicapés n'ont pas de chance dans notre société" s'exclament les gentils Michu !
Bon alors, ce n’est pas la faute des agresseurs ? Euh si si d'après les billets publiés ! Ils n’avaient qu’à résister à leurs mauvais parents, mauvaise école, mauvaise société...
Mr Tesson notre guillotineur en chef, n’a pas encore réclamé l’échafaud pour les agresseurs : trois jeunes mineurs mais cela ne saurait tarder. Madame la ministre a qualifié de « crime » cette vidéo… On ne parle plus dans les journaux d’un « jeune handicapé », il a désormais un prénom et un nom. On nous raconte son enfance, ses rêves, ses valeurs, on fait intervenir ses amis. Le pays bouleversé est divisé en deux camps. A ceux qui le défendent et désirent une peine exemplaire, s’oppose une minorité appelant à la modération au regard du jeune âge des délinquants. La LICRA s’en mêle ainsi que la LGBT car dans cette bagarre, l’un des protagonistes est de confession juive tandis qu’un autre serait homosexuel. Après tout, est-ce que celle-ci n’était pas justifiée ? On ne sait plus qui est la victime finalement.
L’affaire déchaînant les passions, elle est désormais couverte à l’étranger par tous les grands médias. En France, plusieurs manifestations sont organisées afin de dénoncer la violence subie par les handicapés. Les lois protégeant les personnes vulnérables n’étant pas appliquées, le gouvernement promet d’en faire d’autres au plus vite. Déjà pour l’Education Nationale, décision est prise d’arracher les enfants à tous les déterminismes en leur offrant la possibilité de comprendre les diverses situations familiales, et surtout d’apprendre le respect de la différence. A la prochaine rentrée, de nouveaux livres à destination de la jeunesse seront obligatoires de la maternelle au lycée.
Sont déjà édités : « Papa est en fauteuil roulant », « Maman est aveugle », « Mon petit frère est né sans oreilles », « Ma petite sœur est née sans jambes », « Mon oncle est dyslexique », « Ma grand-mère est dyscalculique ». D’autres nombreux titres sont en préparation.
En outre, chaque école primaire sera tenue d’organiser une fois par an une excursion en IME ou IMPRO, ceci dans le but de sensibiliser les élèves du CM2 aux situations scolaires originales. Les idées préconçues doivent disparaître. Il faut changer le regard de la société envers les handicapés de manière plus offensive. Les programmes actuels ont montré leur insuffisance. Véritable creuset du changement, l’école doit enfin permettre aux élèves d’interpeller leurs parents sur le respect de la différence et l’égalité entre les personnes handicapées et non handicapées.
Par ailleurs, terrible injustice que d’escamoter le devoir de mémoire pour tous les enfants, femmes et hommes, fragilisés par la maladie et le handicap et qui furent exterminés par le régime nazi ou condamnés à mourir par celui de Vichy(1) !
Le gouvernement français prend l’engagement solennel, d’ériger un mémorial en leur hommage…
Flop ! Flop ! Flop ! Flop ! Flop ! Flop ! Flop ! Flop ! Flop ! Flop ! Flop ! Flop !
Cyniques et désabusées, les familles concernées par le handicap, savent que la publicité faite à l’agression de Yoann, est temporaire. Et toutes, ont une sacrée histoire de la violence ordinaire à l’encontre de leur propre enfant, quel que soit le type de problème et indépendamment de sa gravité !
Sachant encore que l'hypocrisie de la société en est la source, faut-il vraiment blâmer la lâcheté de jeunes couillons ?
Si les disparues de l’Yonne n’avaient pas été handicapées, il y aurait eu moins de fainéantise et d’indifférence dans l’enquête sur leur soi-disant fugue...
Si le tabassage en règle de Yoann choque, c’est parce qu’il a été visionné sur le net…
Encore deux fois « merci » à Oscar pour avoir réussi à faire monter la pression en assurant la première partie du spectacle de l'indignation ! En comparaison, ce fut le calme plat au mois de janvier. Pourtant, un autre jeune (handicapé) avait été agressé, notamment avec un pistolet électrique et un couteau (2). Le fait-divers n’avait pas dépassé alors la feuille de chou locale et le baromètre de l'insupportable n'avait pas bougé. Idem deux mois avant, lors du procès d’une affaire mettant en cause cette fois des professionnels : gifles, brimades, insultes, et même un début d’étranglement pour un enfant semble-t-il dans un centre d’accueil (3) !
Arrêtons-là un début de liste qui soulève le cœur ! Pour connaître la réalité du quotidien de nombreux enfants en situation de handicap, un documentaire tout juste sorti du four en janvier de cette année :
La France ne fait donc pas exception à la règle puisque d’après l’étude de l’OMS (4), parue dans « The Lancet » en 2012, « les enfants handicapés encourent :
· 3,7 fois plus de risques d’être victimes d’actes de violence de quelque sorte ;
· 3,6 fois plus de risques d’être victimes d’actes de violence physique ; et
· 2,9 fois plus de risques d’être victimes d’actes de violence sexuelle.
Il semble que les enfants ayant un handicap lié à une maladie mentale ou à des déficiences intellectuelles soient les plus vulnérables, avec un risque 4,6 fois plus élevé de violences sexuelles par rapport à ceux qui ne sont pas handicapés.
Facteurs de risques
La stigmatisation, les discriminations et le manque d’information concernant le handicap, de même que l’absence de soutien social aux personnes s’occupant des enfants souffrant de handicap, sont les facteurs qui exposent ceux-ci à un risque accru de violences. Le placement des enfants handicapés en institution les rend aussi plus vulnérables. Dans ces milieux et ailleurs, les enfants ayant des déficiences au niveau de la communication ont une moindre capacité à révéler les expériences abusives. »
Les parents inquiets ont envie de se dire que l’OMS nous fait le coup du virus grippal, malheureusement le rapport confirme l’horreur de la situation…dans les pays à haut niveau de vie :
« L’’analyse apporte les preuves disponibles les plus solides de la violence à l’encontre des enfants handicapés. Elle englobe 17 études apportant des données sur 18 374 enfants handicapés vivant dans des pays à haut revenu – Espagne, États-Unis d'Amérique, Finlande, France, Israël, Royaume-Uni et Suède ».
Il n’y a pas de vaccin pour lutter contre ce fléau, et les conclusions de ce rapport n’incitent pas à l’optimisme puisqu’il se termine avec le mantra ordinaire :
- « il faut que ».
Rappel d’une autre étude cinq ans auparavant, celle-ci en Europe :
« En 2007, le Forum européen des personnes handicapées a fait état de 50 millions de personnes handicapées au sein de l’Union européenne, soit 10 % de la population, et a indiqué qu’une famille sur quatre compte une personne handicapée. Les enfants et les adolescents handicapés ont plus de deux fois moins de chance d’atteindre l’enseignement supérieur par rapport aux personnes valides. En règle générale, les personnes handicapées ont des revenus moins élevés et le pourcentage de personnes handicapées sans emploi est deux fois plus élevé que celui des personnes valides. Enfin, une personne handicapée sur deux n’a jamais participé à des activités de divertissement, sportives ou culturelles » (5).
Des gifles oui, le chômage oui mais pas de sport ou des loisirs !
De plus, à la violence physique et aux abus en tous genres, on peut rajouter l’approche utilitariste de la société (6). Sous couvert de bons sentiments, l’euthanasie retrouve ainsi ses lettres de noblesse avec l’emploi judicieux de doux barbarismes : « aide à la mort », « thérapeutique de confort » etc. Au Moyen-âge plus poétique, ça s’appelait « le maillet béni »…
Quand la violence d’Etat encourage les parents à abandonner trop tôt un enfant malade ou handicapé : http://actumag.info/2014/02/04/dun-enfant-roi/
Quand la réponse au plus minime handicap, est radicale :
http://www.avortementivg.com/content/motif-davortement-le-bec-de-li%C3%A8vre
Un dossier sur le cas concret et plus complexe du spina bifida :
http://www.ieb-eib.org/fr/pdf/20061220-infanticide.pdf
Le diagnostic prénatal est un acquis indéniable mais l’on peut s’étonner des dérives actuelles permettant à l’eugénisme de revenir en fanfare sans que nul ne s’en inquiète.
« Jai vu des patientes aller en Espagne ou en Angleterre où les délais de lIVG sont plus longs se faire avorter pour un simple bec de lièvre parfaitement opérable ou des malformations de membres (pied bot, absence dune main) »
« On a tendance à passer d’un dépistage de prévention à une sorte de conditionnement à la suppression » (7)
Ainsi, dans la nouvelle Sparte, les enfants trop faibles ou infirmes seront éliminés peu à peu grâce à la science ! Ce n’est pas assez car certains handicaps dont les troubles multiples des apprentissages, échappent encore au dépistage prénatal. Alors avec un train d’avance, le transhumanisme rêve déjà d’entrer dans l’ère Gattaca qui permettra de supprimer les empêcheurs de penser en rond. Ceux-là avec bonne foi, s’attaquent à la découverte des gènes de l’autisme (8) en espérant l’éradiquer. La solution la plus rapide semblant désormais la meilleure, on sait d’avance comment cela finira si d’aventure, ce projet devait aboutir… Et pourquoi pas ensuite la dyslexie, dyscalculie et autres troubles en « dys » ?
Finalement, les méchants et les violents : tous ceux qui perdent leur sang-froid face au handicap, ne font qu’adapter leur comportement aux injonctions d’un double discours remontant à l’Antiquité. On nous abreuve de messages publicitaires sur l’égalité et le respect de l’autre mais depuis toujours, c’est la même réaction à l’égard de celui qui a le malheur d’être né différent : « si tu ne peux disparaître, cache-toi ! ».
En jetant Yoann à l’eau, il faut croire que ses agresseurs avaient lu Sénèque à l’école. A la fois philosophe et homme d’Etat, il préconisait de noyer les handicapés comme de pauvres chatons, dans la droite ligne de tous nos « classiques ».
Notre grand Platon lui-même n’était-il pas un fervent eugéniste ?
Douce République ne réunissant en son sein que ceux qui servent ses desseins !
(à répéter dix fois sans bégayer)
Corinne Colas
Annexe
(1) Pour signer la pétition pour le mémorial français, c’est ici :
(2)
http://www.ledauphine.com/vaucluse/2014/01/18/avignon-ils-tabassent-un-adolescent-handicape
(3)
(4)
http://www.who.int/mediacentre/news/notes/2012/child_disabilities_violence_20120712/fr/
(5) http://ec.europa.eu/justice_home/daphnetoolkit/files/others/booklets/06_daphne_booklet_6_fr.pdf
(6)
(7)
(8)
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