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Accueil du site > Actualités > Société > Nous ne sommes pas pour la liberté d’expression

Nous ne sommes pas pour la liberté d’expression

Nous devrions nous rapprocher d'une analyse à partir de l'observation. Il faut choisir les mots au plus près des choses.

Pour la plupart des principes, les hommes ont du mal à faire le lien entre le local et le global, entre ce qui se passe autour d'eux et ce qui se passe globalement. Les hommes croient trop que les comportements sortent des idées, alors qu'il y a de nombreuses distorsions entre les idées que l'on a et notre comportement. Cette distorsion nous est insupportable quand on a voit chez les autres, et nous avons beaucoup de mal à la voir chez nous.

Observer, débattre, choisir les mots au plus près des choses.

Nous sommes pour le principe de la liberté d'expression. Nous la dévoyons dans la pratique sans cesse. De nos jours, le discours public passe par les mass-médias, les médias de masse. Du coup, la liberté d'expression aussi. Or, actuellement, une morale de fer dans un emballage de velours s'impose dans ces médias. Elle est tacite. Elle est secrète. Il n'est pas question de reconnaître qu'elle existe et fonctionne et il n'est pas question de l'expliciter.

Les règles de cette loi morale peuvent se dire ainsi : 1/ Il ne faut faire de mal à personne (y compris dans les constats) et surtout pas aux groupes humains. 2/ Les bourreaux sont des victimes, des victimes du système social (ils ne peuvent en aucun cas avoir le mal en eux), qu'il s'agisse de groupes ou d'individus. J'appellerai cette seconde loi la loi Kirikou : la sorcière fait du mal parce qu'elle souffre, si on lui enlève son mal, une épine dans le dos, elle s'arrête de faire du mal. Comme on a l'impression que le social est entre nos mains, s'il est le créateur du mal, on peut tarir cette source et faire cesser le mal. Cela rend l'action des pouvoirs publics responsable de tout fonctionnement et dysfonctionnement. Il n'y a, pour ainsi dire, plus de société. Et même quasiment plus d'individus.

Un exemple  : a première règle amène à ce que l'on ne puisse dire une « personne handicapée », et encore moins un handicapé, il faut dire une « personne en situation de handicap ». Il faut distinguer la personne, qui est comme toutes les autres personnes et sa situation de handicap, même si sa situation de handicap est permanente. Ne pas le faire serait faire mal à cette personne, et à nous tous. Ne pas le faire est condamnable... alors que ce ne sont que des mots d'une part, qui ne changent rien à la réalité. Le mot clé est « réduire ». Si on nomme la personne par un trait physique, moral, comportemental, on est censé la « réduire » à ce trait, on ne serait plus capable de voir les autres caractéristiques de sa singularité ! Il n'en est rien : on peut tout-à-fait dire un handicapé et voir tout ce que le handicapé a comme richesse par ailleurs et bien des personnes disant « personne en situation de handicap » ne verront rien d'autre que le handicap dans la personne handicapée, alors que tout le monde croira le contraire... Cette croyance qu'un acte, ici une parole, n'a qu'une signification, partagée par tous, est naïve. C'est une atteinte, mineure, à la liberté d'expression, sous couvert de ne pas faire de mal. Il faut dire les choses, telles qu'elles sont, même quand ça fait mal.

Je vais me moquer, une fois n'est pas coutume, pour mieux me faire comprendre. J'ai un fils. C'est réducteur. Je devrais dire que cette personne est en situation d'être mon fils, afin de bien séparer le fait qu'il est mon enfant du fait qu'il est une personne par ailleurs... je devrais donc dire que j'ai une personne en situation d'être mon fils.

Il en est de plus importantes et graves. On ne reconnaît l'existence de groupes humains que s'il s'agit de les plaindre (les roms par exemple) ou s'ils se reconnaissent eux-mêmes comme groupe sans poser problèmes (les bretons, très diserts sur leur « bretonnité »). Il est impossible de reconnaître l'existence d'un groupe s'il s'agit de lui faire des griefs, lui porter un tort, une responsabilité le mal est dans le social, loi 2). Dans ce cas-là, les groupes n'existent pas  ; pas seulement celui dont on parle, plus aucun groupe n'existe ! Dans ce cas-là, existent des stéréotypes. Il n'y a pas d'identité collective (comme en porte une les Bretons), il n'y a plus que des stéréotypes.

En ce qui concerne les tueries de Charlie et de l'Hyper Cacher, les mots qui portent cette loi (n°1) sont « pas d'amalgame » et « pas de stigmatisation ». Les tueurs se sont revendiqués de la religion musulmane. Dans les mass-médias, il faut faire comme s'ils ne l'avaient pas fait et passer une lame de rasoir entre les musulmans et les islamistes, comme s'ils avaient rien en commun. Donner deux noms. Mettre le bien d'un côté, le mal d'un autre. Mettre le bien avec tout le monde, le mal, avec une poignée. Une seule interprétation est possible : soit vous faites cette distinction étanche, soit vous êtes du côté du mal. Reconnaître que les tueurs se sont revendiqués de l'islam ne conduit pas nécessairement (automatiquement) à penser que tous les musulmans sont des tueurs en puissance (ce qu'on appelle l'amalgame) ni à avoir peur quand on en voit un (la stigmatisation). Admettre un lien entre un islam dominateur, violent, absolu et un islam modéré qui est la religion partagée en général présente un certain nombre d'avantages pour résoudre nos problèmes : d'associer à la lutte contre l’extrémisme les Français musulmans par exemple. S'empêcher de voir ce qui s'est passé vraiment est un déni de réalité. « Mal nommer les choses, c'est rajouter au malheur du monde. » A Camus.

Dans un reportage, un jeune lycéen valide une autre application de la loi n° 1, dans laquelle même la séparation absolue du bon grain et de l'ivraie est insuffisante. Il explique la difficulté qu'il a avec l'expression « islam modéré » qui selon lui suggère que l'islam serait violent, sauf les musulmans qui décideraient de ne pas l'être. Il suggère que cette expression inverserait le rapport de majorité/minorité qu'elle porte ! Il y a une injustice parce qu'il n'a jamais entendu les expressions « chrétien modéré » ou « juif modéré ». Les mots ne sont pas rapportés à des actes posés par les gens dont il est question, les mots ne sont pas comparés à ce que font des musulmans, des chrétiens ou des juifs, mais à une équivalence formelle des discours portant sur les religions : si on dit du mal d'une religion, il faut dire du mal des autres religions ; voilà ce que serait l'égalité. Comparer les mots, pas les choses. Comment peut-on, dans ces conditions, parler des choses, des actes, des événements ? On ne peut même pas faire un constat.

http://www.franceculture.fr/emission-sur-les-docks-collection-enquete-a-sarcelles-apres-les-attentats-la-parole-est-aux-jeunes-2

Je remarque au passage, qu'il y a un groupe humain qui reçoit une condamnation collective permanente et intensive, dans laquelle sont inclus amalgame et stigmatisation  : ce sont les hommes, sous l'appellation « féminisme » et/ou « domination masculine », on a le droit de tous les représenter en crocodiles, prédateurs et voraces.

La démocratie trouve ses décisions à la suite du débat, et quand la décision, républicaine, est prise le débat démocratique est toujours possible. A vouloir une démocratie a priori qui enserre le débat dans des contraintes morales qui empêchent le constat, on ne peut qu'aggraver les problèmes que l'on croit résoudre en appliquant ces lois implicites. Nous devons vraiment croire à la valeur « liberté  », à sa beauté historique, philosophique et aussi à son efficacité politique, nous devons lui faire confiance pour résoudre nos problèmes.

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Nous ne sommes pas pour la liberté d'expression

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11 réactions à cet article    


  • Crab2 16 mars 2015 10:25

    Certains médias ( télévisions ) et pas des moindres falsifient inconsciemment ou consciemment tout débat sur la religion ou dans d’autres cas sur la laïcité

    http://laicite-moderne.blogspot.fr/2015/03/la-france-fille-ainee-de-latheisme.html

    -

    http://laiciteetsociete.hautetfort.com/archive/2015/03/16/la-france-fille-ainee-de-l-atheisme-5583890.html


    • christophe nicolas christophe nicolas 16 mars 2015 11:43

      Oui, enlever la liberté en prétendant la défendre est la marque des hypocrites qui ne veulent pas être démasqués ce qui donne l’apparence du dialogue mais tue le dialogue définitivement.


      C’est dans cette situation que Jésus est intervenu, lorsque les chefs d’Israël étaient devenus cruel et cupides tout en se prétendant défendre la loi de Dieu (moraliste). A l’époque, le religieux dirigeait ce qui n’est plus le cas, aujourd’hui, ce sont les hommes de connaissance qui dirigent et leur hypocrisie est sans nom comme autrefois...

      Les grands chefs de la connaissance se sont taillés une histoire où la terre est seule dans l’Univers et où, après une dure lutte de quelques milliards d’années de sélection naturelle, ils ont émergé par leur mérite... Je leur conseille la philatélie au lieu d’enfumer le monde.

      • Dom66 Dom66 16 mars 2015 11:58

        Article un peu compliqué pour dire les choses simples. Nous ne sommes pas pour la liberté d’expression ! Non ce sont nos politiciens et nos merdias qui ne sont pas pour la liberté d’expression ; Nous, nous n’avons pas la liberté d’expression.  C’est simple un bon exemple ici qui résume tout.

        https://www.youtube.com/watch?v=eWgWnwoHH3A ou

         https://www.youtube.com/watch?v=jUV4Bnq4lwU

         "La censure est la limitation arbitraire de la liberté d’expression de chacun. Elle passe par l’examen du détenteur d’un pouvoir sur des livres, journaux, bulletins d’informations, pièces de théâtre et films et ce avant d’en permettre la diffusion au public. Par extension, la censure désigne différentes formes d’atteintes à la liberté d’expression, avant et/ou après leur diffusion. On distingue la censure politique de la censure indirecte, non officielle, mais sous forme de pression,"        en particulier la censure sioniste de nos merdias.

        Exemple ici :

        https://www.youtube.com/watch?v=uxLzAwWcSR8

         

        La liberté d’expression, un droit perpétuellement remis en cause, et surtout en France 

         http://www.letelegramme.fr/monde/liberte-d-expression-un-debat-planetaire-19-01-2015-10496363.php

         http://www.letelegramme.fr/monde/ce-que-dit-la-loi-francaise-19-01-2015-10496354.php

         


        • psynom 16 mars 2015 12:26

          Je vois au moins 3 intérêts à cette novlangue et ses glissements sémantiques :

          1- brouiller les sens commun des mots pour justifier des décisions qui seraient mal appréciées

          2- que même les gens, partageant pourtant les mêmes valeurs, mais ne donnant pas le même sens aux mots, se disputent, se dispersent, se divisent... ne se rassemblent pas pour les valeurs qu’ils ont en commun.

          3- que les mots distinguent d’un façon manichéenne les gens ou leurs opinions, pour que ceux qui ont droit à la parole (à l’assemblé, dans les médias) puissent prendre la posture du juste, de l’homme de bon sens, celui qui a le monopole du cœur ; posture lui donnant le droit de distinguer les bons des méchants, de juger, de condamner et de censurer les autres.
          ...


          • Francis, agnotologue JL 16 mars 2015 12:32

            La liberté d’expression, c’est comme la présomption d’innocence : elles sont élitistes.


            • soi même 16 mars 2015 14:28

              Par besoin de faire de grand discourt le contraire de la liberté d’expression et l’insincérité, l’hypocrisie, le mensonge ....ce qui fait que cette liberté d’expression si elle n’est pas inscrit dans le respect d’autrui, ce n’est pas une liberté d’expression , ce n’est que d’expression de la haine ....


              • soi même 16 mars 2015 19:18

                C’est pour cela que je Suis Pas Charlie !


              • La Dame du Lac La Dame du Lac 16 mars 2015 21:48

                @soi même

                Je vous salue et je suis comme vous, je ne suis pas Charlie et c’est notre droit.


              • Attilax Attilax 16 mars 2015 20:55

                C’est vieux comme le monde, tout ça. Rappelons-nous Coluche : « Faut plus dire sourd, faut dire malentendant, faut plus dire aveugle, faut dire mal-voyant. Faut plus dire con, faut dire mal comprenant ». Tout est dit...
                La bien-pensance est au moins aussi redoutable et pernicieuse que la médisance.
                La libre expression, c’est pour tout le monde ou pour personne, et créer des hiérarchies dans le droit à s’exprimer est un déni de cette liberté. Si on appelle un chat un chien, faut pas s’étonner de ne plus rien y comprendre. Changer le sens des mots, c’est retirer des outils pour penser.
                LIBERTE D’EXPRESSION TOTALE ! Pour le meilleur et pour le pire... Que les tribunaux fassent leur boulot après, et pas avant que quelqu’un ne parle.


                • Crab2 24 juillet 2015 22:57

                  CENSURE FEUTRÉE :

                  ou lâcheté déclarée  : Extrait d’un article de presse  :
                  Avec L’Enlèvement au sérail à l’affiche du Festival d’Aix dans la nouvelle mise en scène de Martin Kusej, l’actualité brûlante fait irruption dans le monde feutré de l’opéra classique. Avant la première, le directeur du Festival, Bernard Foccroulle, a pris la parole pour indiquer qu’il avait demandé au metteur en scène d’opérer deux modifications dans son spectacle
                  On apprendra plus tard que ...

                  Suites :

                  http://laicite-moderne.blogspot.fr/2015/07/mozart-lenlevement-au-serail.html

                  ou sur

                  http://laiciteetsociete.hautetfort.com/archive/2015/07/24/mozart-l-enlevement-au-serail-5661785.html


                  • Crab2 27 juillet 2015 10:21

                    Nous savons depuis longtemps que les religions haïssent le sexe, que le corps des belles femmes, ces ensorceleuses, ces sorcières méritaient bien leur sort dans le passé d’être brûlée vive, suites :

                    http://laicite-moderne.blogspot.fr/2015/07/alcina.html

                    ou sur

                    http://laiciteetsociete.hautetfort.com/archive/2015/07/27/alcina-5662990.html

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