Nucléaire, Macron bâillonne les experts
L’information a eu peu d’échos dans les médias traditionnels, et pourtant, elle est essentielle, d’autant qu’elle concerne la sécurité des français.
Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Il existe au moins 2 organismes dans notre pays qui sont censés expertiser les installations nucléaires, l’IRSN et l’ASN : le premier (Institut de Recherche et de Sûreté Nucléaire) est indépendant et donne son expertise régulièrement, et le second (l’Autorité de Sûreté Nucléaire) est chapeautée par le gouvernement : en effet, l’ASN assure, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, pour protéger les personnes et l’environnement. lien
Or, peut être pour limiter les risques que les populations apprennent qu’il existe des défaillances dans la sûreté des installations, le gouvernement a décidé de dissoudre l’IRSN, l’ASN restant le seul organisme pouvant expertiser les installations nucléaires..
La manœuvre est habile, car en cas de problème, les découvertes éventuelles de l’IRSN pourraient ne pas être communiquées…ou différées...
Ce n’est donc pas anodin.
En effet la mission de l’IRSN était de contribuer à la maîtrise des risques nucléaires et de leurs conséquences sur l’homme et l’environnement. Lien
On comprend donc facilement que, suite à la réforme voulue par le chef de l’état, le conseil d’administration de l’IRSN ait voté le 17 février dernier une motion alertant sur le risque de paralysie de la sûreté, suite à la suppression de l’institut prévue dans le projet gouvernemental de « réorganisation ». lien
Pourtant on sait que l’IRSN enquête et publie régulièrement tous les « évènements » que connaissent les centrales nucléaires françaises. lien
Ainsi, on sait que lors de la tempête de 1999 qui avait affecté gravement la centrale nucléaire du Blayais, l’IRSN s’était prononcé pour de nouvelles règles de sûreté, se basant sur le fait que les défaillances avaient affaibli le niveau de sûreté des 2 des 4 réacteurs de la centrale, ce qui pouvait devenir un accident nucléaire majeur. Lien
On se souvient qu’à l’époque, Alain Juppé, alors maire de Bordeaux avait même envisagé l’évacuation de sa ville. Lien
Ajoutons pour la bonne bouche que c’est bien l’IRSN qui a alerté les autorités des phénomènes de corrosion sur le circuit primaire (NDLR : tuyauteries pourtant en acier inoxydable), provoquant la mise à l’arrêt de nombreux réacteurs nucléaires. lien
L’ASN, quant à elle se montre beaucoup plus hésitante, déclarant en mai dernier être rassurée sur l’état de sûreté des centrales nucléaires, tout en s’inquiétant sur les fermetures des réacteurs qui seraient nécessaire pour maintenir ce niveau de sûreté. lien
Sur la question des fissures constatées par l’IRSN, on peut lire l’expertise bien moins sévère de l’ASN, qui, en limitant ce phénomène de fissures à une seule installation, celle de Civaux en l’occurrence, alors que de nombreuses centrales connaissent le même problème, s’en tient à affirmer continuer les vérifications…
En effet, ces questions de corrosion sur le circuit primaire des centrales nucléaire ont été déjà constatées sur au moins 4 centrales nucléaires : Civaux, Chooz, Penly, Chinon...et à la mi-mai, près de la moitié des réacteurs du parc français étaient à l’arrêt, dont 12 pour des risques avérés de fissures sur les tuyauteries. lien
Selon d’autres sources, ce seraient 15 réacteurs qui seraient concernés par ces fissures. lien
La décision du chef de l’état est d’autant plus inquiétante que le parc nucléaire vieillissant connaît de plus en plus de difficultés, souvent ignorées du grand public : en février 2023 la disponibilité du parc nucléaire français n’est que de 56 %. lien
Ainsi, récemment la vieille centrale du Bugey serait responsable d’une fuite importante de tritium, et alors que cette fuite a atteint plus de 600 Bq/l (le seuil autorisé étant de 100 Bq/l) (sur un autre site, les valeurs ont même atteint 814 Bq/l) l’ASN s’est voulue rassurante, affirmant que depuis le constat de cette fuite, les valeurs de tritium sont « en baisse quotidienne et régulière », assurant que ces fuites « n’ont pas eu d’impact sur l’environnement... ».
Or, le réseau « sortir du nucléaire » indique qu’il y a eu un délai entre la date de l’incident et sa détection, affirmant que « la surveillance de l’environnement exercée par EDF n’est pas adaptée » ...d’autant que le Progrès signale que cette fuite est la cinquième depuis 2012. lien
La décision du gouvernement permet de poser une question : si un accident nucléaire majeur survenait, dans quel délai les populations seraient-elles alertées ?
Finalement on est tenté de se demander à quoi joue le gouvernement, car, avec un parc nucléaire finissant, des pannes à répétition, des décisions contradictoires : au moment où le pays est accusé de brader la transition énergétique, il décide de multiplier les EPR, tout en sachant que l’électricité nucléaire devient largement plus chère que celle produite par les EP (énergies propres), et que l’EPR de Flamanville coûte bien plus cher que prévu.
Récemment l’ex ministre Woerth assurait qu’un EPR ne coûtait que 3 milliards, alors que celui de Flamanville va passer la barre des 20 milliards. Lien
Pour compléter le tableau, ajoutons que selon la Cour des Comptes, le prix du MWh nucléaire variait entre 59,8€ et 109€ alors que celui de l’énergie hydraulique se situe entre 15 et 20€. lien
Quant à celui des futurs EPR il devrait osciller, selon la Cour des Comptes entre 110 et 120 €... mais devant le fiasco évident de celui de Flamanville, il pourrait y avoir des surprises. lien
Par comparaison le prix du MWh de l’éolien terrestre nouvelle génération se situe entre 57 et 71€ (lien) même si celui des autres énergies propres se situe au-delà de ces chiffres.
Comme dit mon vieil ami africain : « l’argent est comme le visiteur, il arrive aujourd’hui, et demain, il repart ».
le dessin illustrant l’article est de Placide
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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