Pauvre libertinage ! Mais non libertinage de pauvres ...
Par ces temps de crise, nous nous cherchons à nous extraire du quotidien. Tout y passe et de plus ou moins bon goût. Le sexe, cela n'aura échappé à personne, n'échappe pas à la tendance.
Bien au contraire. Une population croissante s'affirme, à en croire la presse magazine, adepte du "libertinage". Un marché florissant mais pas si gai qu'il n'y paraît. Démocratique encore moins.
Au siècle des Lumières, un libertin était un libre penseur. Il se démarquait des jougs ecclésiastiques et royaux. A l’occasion, il ne dédaignait pas séduire et lutiner des précieuses en pamoison devant l’élégance de son verbe et de sa pensée.
Certes, la Révolution n’a pas été l’affaire, dans ses débuts à tout le moins, des couches populaires. Etre libertin n’était donc pas à la portée de toutes … les bourses.
Les siècles ont passé. La révolution sexuelle de 68 a mis en lumière, et à la portée des foules chevelues, des pratiques coquines qui, entre Diderot et Yvonne de Gaulle, s’étaient localisées fermement dans des cercles huppés et ultraconfidentiels.
En 2013, qu’est le libertinage devenu ? Si vous interrogez un baby boomer d’obédience « libertine », vous avez souvent deux grands types de réponses. Nostalgiques dans tous les cas.
La plus sage est empreinte d’une immense nostalgie portant sur l’évolution du naturisme. Pratique très verte. Communion avec la nature dans le plus simple appareil, son des guitares et des flûtes indiennes, p'tit joint (ou plus fort), coucher de soleil sur des plages sauvages qu’offrait encore le littoral hexagonal. La soirée pouvait, ou non, se finir dans une grande communauté d’esprits et de corps. Très accessible.
La deuxième réponse est un poil plus sulfureuse et onéreuse. Là, la nostalgie tient siège dans des endroits plus feutrés. Soupers, vins fins, boiseries encaustiquées, connivence bourgeoise pour parties fines. A la Chabrol. Beaucoup moins accessible.
De fait, le « beaucoup moins accessible » s’est très largement répandu en matière de libertinage. Même si les lieux libertins se sont, à l’évidence, et paradoxalement, démocratisés.
L’exemple du Cap d’Agde (Hérault) est, à ce titre, des plus emblématiques. Le parcours qu’a suivi l’ambiance de ce site, à la base naturiste, est, malheureusement, celui des « Nouveaux Beaufs » dépeints chaque semaine par le dessinateur Cabu dans le Canard Enchaîné.
L’endroit est clairement devenu le haut lieu de l’exhibitionnisme à la petite semaine et de la partouze mécanique. Pourtant, il fait office de paradis européen de l’amateur (qualité qu’on se plaît pudiquement à espérer …). Mais, comme aux portes de l’enfer de Dante, celui qui y entre avec l’envie d’y connaître des sensations spontanées, voire chics a minima, doit y abandonner tout espoir.
L’endroit est désormais semblable à un Sarcelle entouré de murs auxquels il ne manque plus que des miradors pour ressembler, à s’y méprendre, à la centrale de Clairvaux. Mais, pas du tout, au château d’O. Check points, contrôles en tous genres (comme un charmant bracelet qui rappelle au mieux les boules ancestrales du Club Med, au pire un bracelet électronique de libéré sous conditions) y sont la règle.
LOURDES ET LA TOUR EIFFEL
Ici, on ne peut pas voir le Kama Sutra en peinture et le marquis de Sade y perdrait toute sa géniale et folle démesure. En revanche, les boutiques, dignes d’un pauvre centre commercial de chef lieu de canton, proposent un attirail qui, s'il n’était pas clairement orienté, pourrait se négocier à Lourdes ou au pied de la tour Eiffel … Les godemichés du grand siècle sont des sex toys, ce n’est guère une surprise, fabriqués par des vietnamiens ou pakistanais sans doute perplexes, car leurs seules folies sexuelles sont de s’allonger au plus vite pour ne pas mourir à la tâche. Les étals croulent sous des tonnes de fantaisies dont l’apparence et l’usage ne sont pas même ambigus au point de laisser un quelconque fantasme original s’installer dans le cortex du chaland.
Il n’est guère intéressant de se moquer des physiques, mais puisque l’endroit se veut être, entre autres, « le paradis des corps », il faut quand même souligner que, pour les plus beaux, il n’y a plus guère de morceaux qui soient encore vraiment à leurs « propriétaires ». Ces derniers étant accoutrés, par ailleurs, dans des atours qui tiennent plus du jeu de rôles de bas étages que du carnaval de Venise (soupirs …).
Et puis, il faut avoir le "cœur" bien accroché lorsque, assoiffé devant tant de merveilles, on se laisse aller à commander un diabolo fraise et que l’on n'est pas bien sûr du chiffre indiqué sur la note portée par une serveuse (certes peu engoncée par son tailleur), mais qui a laissé son sourire avec le reste de sa garde robe privée. Savoir où ? serait la vraie question excitante.
Un poil (même si le mot est devenu peu adapté) vulgaire comme tableau, non ? Mais le plus dérangeant est à venir. Aux origines, sur les plages naturistes du « Cap », existaient des barrières réelles entre les familles de « culs nus » et les populations plus coquines. Désormais, il faudra à l’habitué de l’endroit accepter que l’éducation sexuelle de ses enfants se fasse très tôt, car il n’est plus rare de voir une dame pratiquer une gâterie buccale à un ou plusieurs copains à moins de vingt mètres d’un château de sable. Rappelons-nous que Félix Faure n’en a pas réchappé. Une pompe funèbre …
15 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON