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Peine plancher pour les violences aggravées : en route vers un chemin très dangereux

Une grande partie des articles figurant dans le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est vivement contestée et pourtant c’est un simple amendement déposé par le gouvernement qui risque d’entraîner encore un peu plus de contestations.

Parmi plus de 400 bonnes idées des sénateurs visant à modifier le texte, celui qui porte le numéro 390 devrait suffire à provoquer la colère d’une majorité de personnes ; à commencer par quelques membres du monde judiciaire.

En effet, il vise à instaurer un article 132-19-2 dans le code pénal qui aurait pour effet d’appliquer le mécanisme des peines plancher aux cas de délit de violences volontaires commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes ou pour les délits commis avec la circonstance aggravante de violences.

La loi du 10 août 2007 a mis en place un système permettant d’entraver en partie ou, du moins, de grandement guider le travail des juges en laissant la loi dictée le prononcé de la sanction sans tenir compte des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’individu qui l’a commet.

Tout cela est connu du grand public sous l’appellation des peines plancher ; une atteinte au principe constitutionnel de l’individualisation des peines.
La mesure se trouvait toutefois limitée aux seuls cas de récidive légale et des exceptions étaient également prévues ; sans doute ce qui explique la conformité à la Constitution.

L’efficacité de telles dispositions dans la lutte contre la récidive (objectif affiché par le texte) n’est toujours pas démontrée.

En revanche, le gouvernement, fier de son travail, a tout fait pour que celui-ci soit appliqué à la lettre notamment en convoquant des magistrats qui ne l’exécutaient pas assez bien ou en enjoignant au parquet de faire appel dans les cas où le juge aurait décidé de ne pas se tenir à la volonté affichée des auteurs de la loi ou encore en publiant des communiqués de presse annonçant le nombre de condamnations comme une victoire et un signe d’efficacité.

Avec l’amendement en cause, bien qu’il puisse sembler assez proche des textes actuellement en vigueur, le gouvernement prend un chemin bien différent et beaucoup plus dangereux.

Ainsi, la référence à la récidive légale a tout simplement disparu ; le futur article 132-19-2 obligerait donc le juge, dès lors qu’il doit prononcer une peine pour un délit de violences aggravées ou un délit commis avec la circonstances aggravante de violences, même dans les cas où les faits ne seraient pas commis en état de récidive légale, à ne pas descendre en dessous d’un certain seuil ; à savoir :

  • six mois, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;
  • un an, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;
  • dix-huit mois, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;
  • deux ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.

la mesure est également applicable aux mineurs même si, dans ce cas, une atténuation est prévue.

Une exception est tout de même encore prévue :

"toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci."

et, au risque de me répéter, ceci est applicable dès la première infraction ; loin d’être, comme l’annonce le gouvernement, une simple extension du dispositif des peines plancher aux violences aggravées, il s’agit plutôt d’un radical changement de cap.

En effet, débarrassé de l’excuse de lutte contre la récidive légale, ce texte ne peut se justifier que par une tentative visant à forcer l’autorité judiciaire à distribuer de manière aveugle encore et toujours plus de peine d’emprisonnement (en hésitant pas ensuite à venir se dénoncer des problèmes de surpopulation carcérale.)

Et pourtant, la loi pénitentiaire de 2009 avait été l’occasion de réécrire l’article 132-24 du code pénal en précisant que :

"en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l’article 132-19-1, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ;"

une disposition qui conduit plutôt à préférer les alternatives à l’emprisonnement. 

Or, avec le texte, l’exception d’aujourd’hui deviendra le principe de demain et inversement.

Et puis, si la mesure proposée ne concerne pour le moment que des cas de violences aggravées, rien ne dit qu’une nouvelle loi, sans doute à la suite d’un fait divers, ne viendra pas compléter la liste.

Certains considéreront sans doute que ce texte n’est pas vraiment dangereux et approuveront en se disant même que cela forcera sûrement les juges à faire le travail que quelques uns aimeraient tant les voir accomplir (il est vrai que certains rêvent encore plus simplement de se passer de leurs services) mais que ceux-là entendent tout de même ceci (après, ils en feront ce qu’il veulent) :

Juger quelqu’un, ce n’est pas simplement trouver l’incrimination qui correspond aux faits et infliger la peine prévue ; c’est au contraire statuer sur le cas particulier d’un individu, d’un sujet de droit, en tenant des différentes données de l’espèce qu’il s’agisse des circonstances dans lesquelles les actes ont été commis ou de la personnalité de l’auteur.

Face à cette nouvelle remise en cause de l’autorité judiciaire et cette atteinte à de nombreux principes, il faut espérer une réaction du parlement ou du Conseil constitutionnel.

Cet article est initialement publié là : http://0z.fr/afLqU


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2 réactions à cet article    


  • paul 10 septembre 2010 17:31

    Merci d’informer tous ceux qui comme moi, ne connaissent pas le Droit et le code pénal .
    Les dérives du pouvoir actuel nous obligent à essayer de mieux connaitre l’institution judiciaire comme le monde économique et financier .C’est au moins quelque chose à porter à son crédit .


    • Tythan 10 septembre 2010 17:35

      Cet amendement est en effet un peu surprenant, allant à l’encontre de l’esprit des peines planchers, qui étaient au départ pensées uniquement pour les récidivistes. Désormais, les peines planchers seraient donc étendues aux délits de violence volontaire commis avec une circonstance aggravante. Je trouve étonnant que ce soit le gouvernement qui l’ait proposé, et cela dans la plus totale indifférence, alors que le débat sur les peines planchers avaient fait rage en 2007.

      J’ai peut-être un élément d’explication : les peines planchers ne sont en fait que très peu appliquées. En effet, il existe bien un mécanisme a priori dérogatoire (également présent dans l’extension), selon lequel le juge peut prononcer des peines inférieures en motivant sa décision... Mécanisme dérogatoire qui est devenu la règle puisque seules 20% environ des cas éligibles à la peine planchers donnent lieu à la condamnation effective à une peine supérieure à ces planchers donc. Je suis persuadé qu’il n’y a donc pas eu d’aggravation des peines en raison de l’instauration de ce mécanisme : sans les peines planchers, les juges auraient tout de même prononcés des peines comparables, seules 22% auraient été au-dessus du seuil.

      Il ne sert à rien de blâmer les juges, qui ne peuvent envoyer dans des prisons indignes de notre pays qui sont surpeuplées les récidivistes condamnés. On retrouve là toute la duplicité de Nicolas Sarkozy et du gouvernement, bien dénoncée par Nicolas Dupont-Aignan : par des rodomontades et des effets d’annonce, le gouvernement et Nicolas Sarkozy s’attirent les foudres de la gauche (et de la droite) bien-pensante, faisant croire qu’ils bougent les choses alors qu’en fait ils ne font rien.

      Cordialement,

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