Pour une réponse systémique à la crise

La crise est là, et bien là. Las, peu de gens y réfléchissent. Beaucoup claironnent, et résonnent, mais peu raisonnent. De toutes part, les effets sont analysés, des corrections sont envisagées, qui pour la plupart ne font qu'empirer les choses. Tant que les causes profondes ne seront pas envisagées, tout ce qui sera proposé, des plans d'austérité (ou plutôt de récession), à la suppression de l'euro, en passant même par la nationalisation des banques, tout ce qui est proposé jusqu'à présent, de la droite néo-libérale à la gauche alternative, sans parler de l'extrême droite doctrinaire n'a pour but, au mieux d'amoindrir les effets, au pire de les renforcer et de décréter la fin de la démocratie.
Certes, les conséquences doivent être traitées, et il est évident que permettre à la BCE de prêter directement à des banques nationalisées, ou obliger les États à multiplier les "plans de récession" pour rembourser des intérêts d'usurier aux banques privées n'aura pas les mêmes effets économiques et sociaux. Cependant, au pire, cela nous entraine dans une spirale destructive jusqu'au chaos final, au mieux, cela fait gagner du temps.
Le problème d'origine vient des années quatre-vingt, lorsque Bill Gates a vendu ses logiciels très chers en nombre sur des supports au coût très bas. Était née la plus-value immatérielle, qui permettait de réaliser des profits énormes à partir d'une équipe relativement restreinte, donc des coûts faibles, répartis sur une masse de produits considérable. Créer du profit sans salariés, le rêve de tout capitaliste se réalisait enfin ! Bill Gates s'enrichissait à la vitesse de la lumière, devenant la plus grande fortune mondiale. Génial ! Face à la plus-value matérielle, le gouffre était énorme. Mais les mécanismes boursiers, la concurrence capitaliste financière, ont eu pour effet d'étendre cette manne à d'autres domaines. L'ingénierie était au cœur de la création de plus-value. La part du produit réel s'amenuisait.
Et Nike faisait des chaussures bon marché dont la valeur tenait de sa simple signature. La plus-value immatérielle s'étendait à l'ensemble de la production. Y compris l'agriculture avec les semences Monsanto dont la valeur tenait des "exploits" génétiques du groupe. Par contrepoint, tout ce qui était purement matériel devant s'aligner, la seule solution était alors la délocalisation rapide et massive vers les pays à bas coût. Un déséquilibre était né, une fuite vers l'immatériel et/ou le travail gratuit, qui assèche les revenus du salariat et emplit les caisses des structures financiaro-capitalistes. Celles-ci devinrent prêteurs du salariat, jusqu'à l'effondrement.
La fuite financière n'est pas celle des riches vers les paradis fiscaux, mais du salariat vers le capital. C'est cette fuite qu'il faut corriger, redresser, colmater. Urgemment.
Car ce déséquilibre empêche à terme l'économie matérielle de subsister, crée un désordre financier considérable, rend inutile une masse énorme de la population, crée une masse de capitaux surplombant le mode énorme, dont les retombées peuvent être désastreuses. Si rien n'est fait, le chaos est certain.
La solution des oligarques risque d'être dramatique, et totalitaire. En un mot la suppression des surnuméraires. D'une façon douce, puis de plus en plus brutale. Fascisme et barbarie.
La solution des humanistes devra être complexe, et devra consister en la réintroduction du flux financier issu de l'économie immatérielle, de la part de plus-value immatérielle, vers la part réelle de l'économie, permettant la population de retrouver une stabilité économique et sociétale.
Pour prendre un exemple concret, il faut faire exactement l'inverse de ce qui a été décidé pour les semences, la loi imposant une "contribution volontaire obligatoire" pour les agriculteurs vers les semenciers, leur offrant une sorte de plus-value immatérielle gratuite ; pour créer une taxe, ou un mécanisme redistribuant les profits des semenciers vers les agriculteurs qui n'arrivent plus à survivre. C'est cette redistribution financière qui peut apporter des éléments de stabilité dans un monde au bord du chaos.
Au niveau de la forme concrète, celle-ci peut revêtir des aspects très divers.
- Taxes sur les profits au-delà d'un certain seuil
- Impôts sur les fortunes amassées
- Socialisation des entreprises (régionales, nationales ou internationales)
- Gratuité de la copie et rémunération des créateurs* vis-à-vis de leur temps de travail (comme peut le faire une entreprise qui sous-traite un logiciel à une autre : elle la paie pour le temps passé à la réalisation, par contre aujourd'hui elle empoche la plus-value sans limites via les ventes.)
- Etc.
Au fond, peu importe la forme concrète, mais le but est bien la redistribution de cette plus-value immatérielle, qui est directement issue des être humains et donc de la capacité de la société à les susciter, au niveau de l'ensemble de la société-ci.
La logique néocapitaliste favorise les profits des grands complexes capitalistes, et ruine les artisans agriculteurs. Si ceux-ci sont ruinés, ils devront bientôt cesser leurs activités créant une famine en Europe. Seule la redistribution permet à l'économie d'être au service de l'homme, et on l'inverse. Tant que cela n'aura pas été compris, nous naviguerons cap au pire vers l'effondrement global du système par lui-même.
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* : à ce propos, ce qui est nommé "droit d'auteur" est en réalité un droit du producteur (que l'on pourrait nommer "droit de plus value immatérielle"), les créateurs réels étant eux, sauf cas exceptionnels, rémunérés au temps de travail. Même en cas de dépôt de brevet, ceux-ci appartiennent à l'entreprise, et non au créateur concret, à l'auteur. Dans le domaine de la création artistique, Hadopi est une vaste plaisanterie qui ne bénéficie pas aux auteurs eux-mêmes, mais aux distributeurs, et la Sacem elle-même ne rétribue le plus souvent pas les auteurs à la hauteur de leur contribution, gardant une partie du butin pour elle-même, c'est-à-dire la rémunération des ses plus hauts dirigeants.
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