Prochainement, le cauchemar de l’essence à 10 euros le litre
Nul besoin d’être visionnaire pour anticiper une augmentation du prix des énergies fossiles ces prochaines années et par voie de conséquence, la montée du prix des carburants. Cet événement économique devrait être étudié par tout conseiller politique qui se respecte et qui doit alerter les gouvernants sur les conséquences économiques et sociales de cette augmentation. D’ailleurs, imaginer ce que pourrait être une société à l’ère de l’essence chère, s’avère constituer un excellent modèle pour penser l’évolution du monde d’ici trente ou quarante ans. Et peut-être même avant. Les politiques n’ont plus la lointaine vision d’un De Gaulle et n’anticipent pas sur des décennies mais cela n’empêche pas d’imaginer que le carburant puisse atteindre 3 euros le litre, puis 5 et pourquoi pas 10. Que se passerait-il ? Tout d’abord, précisons que cette éventualité de 3 euros n’est pas si farfelue puisqu’elle correspond à un prix du baril situé autour des 300 dollars. Et qu’au vu des tendances haussières sur les matières premières et alimentaires, cette hypothèse se tient, d’autant plus qu’elle repose sur la conjonction de deux tendances opérant en concordance, la raréfaction des ressources et la demande sans cesse croissante due aux nouveaux pays industrialisés dont les populations pèsent trois fois celles de l’ancien monde industriel axé autour des States, de l’Europe et du Japon.
Un carburant situé autour de 3 à 4 euros le litre aura comme effet direct une augmentation sensible du coût des déplacements. Certes, l’essence n’est pas le poste budgétaire le plus important dans le coût réel du kilomètre mais l’augmentation du carburant risque de peser sensiblement sur un automobiliste faisant 12 000 à 25 000 kilomètres par an. Le surcoût serait situé entre 1200 et 2500 euros par an. Ce qui fait entre 100 et 200 euros par mois. Ce qui risque de peser lourd dans le budget des ménages modestes, surtout si le véhicule est indispensable pour aller travailler. Un carburant à ce niveau imposera à la plupart de réfléchir avant de sortir la voiture. Sans doute finis les escapades de 300 bornes pour se faire plaisir un dimanche. Mais le budget risque aussi d’être atteint par les effets indirects. Notamment le renchérissement du transport des biens de consommation et de l’alimentation si les biocarburants viennent concurrencer les cultures vivrières. A cela s’ajoutent les dépenses de chauffage et l’électricité dont le tarif risque d’augmenter, surtout si ce type d’énergie est utilisé pour le chauffage et les véhicules électriques. Nul ne peut exclure des coupures alternées de courant, comme dans les pays sous-développés actuellement. Au final, un pouvoir d’achat largement amputé. De quoi obliger à faire des choix sur des biens non indispensables, restos, ciné, spectacles, mode, vacances, culture, foie gras etc. Le spectre paraît effrayant mais l’individu étant résilient, il peut s’adapter. D’ailleurs des millions de gens ont déjà vécu une amputation de 20 à 30 point de pouvoir d’achat, lorsqu’ils se sont trouvés licenciés. Néanmoins, nul ne peut prévoir comment une telle éventualité puisse être vécue par une société dans son ensemble, excepté le quintile le plus aisé.
Sous réserve qu’une source inédite d’énergie soit découverte, on peut affirmer sans se tromper que la « civilisation » de l’automobile et des transports, émergée en 1960, est promise à s’éteindre avec l’épuisement des réserves et que cette éventualité aura de grandes conséquences sur le mode de vie et l’organisation des sociétés. Le mouvement sera opposé à celui des années 1970. On assistera à une sédentarisation des populations et à la fin du nomadisme. L’économie sera lourdement affectée, entamant largement les leviers dont peut disposer l’Etat. Pendant ce temps, la cupidité des plus riches sera sans limites et la société risque de se dessécher, minée par des dépenses de plus en plus incontrôlables liées à la santé, la vieillesse, la dépendance. Le sens du travail sera modifié. Les jeunes n’auront plus le sentiment de travailler pour se donner un avenir intéressant mais pour maintenir une société décomposée en l’état. Bref, un avenir basé sur les soins palliatifs apporté aux sociétés technologiquement dépendantes. Cette situation semble cauchemardesque, surtout si l’on imagine les concentrations de population dans les zones urbaines à cause des coûts grandissant du transport. Un mot pour décrire la situation, le rationnement généralisé, essence, chauffage, viande, loisirs, sans compter les soins médicaux risquant de ne plus être accessibles à tous. La médecine pour gens aisés est déjà en place et ne fera que s’accroître. Quant à l’Etat, il devra se priver d’une bonne partie de la TIPP pour éviter que le prix des carburants n’atteigne des sommets et l’on imagine aisément l’ampleur du problème car la dette publique sera encore gigantesque. La situation est donc claire. Il faudra apprendre l’art du délestage, de la décroissance consumériste, faire des choix alors qu’antan, on pouvait imaginer une élévation généralisée du niveau de vie, ce qui était le cas et correspondait à une conjoncture spéciale, celle d’un développement séparé de l’industrie occidentale. Et comme pour avertir d’un changement inéluctable promis aux générations futures, un premier « choc pétrolier » en 1974. Evénement sans grande incidence à cette époque d’hégémonie occidentale.
En 2011, quatre signaux constituent les prodromes de ce monde cauchemardesque à venir mais aussi illustrent les égarements politiques face à la situation. Premièrement, la TVA promise à une augmentation. Les médias préparent l’opinion publique à cette éventualité dont la traduction directe est : rationnement de la consommation. On mesure combien le rêve sarkozien du gagner plus, principal levier de son élection en 2007, s’est effondré et ne peut plus servir de slogan électoral dans une tendance à la baisse généralisée du pouvoir d’achat. Deuxièmement, le levier socialiste de la politique du soin ne peut plus être proposé dans le contexte de la dette colossale et du scénario à la japonaise dans un contexte de rationnement généralisé. Le renforcement de l’Etat providence est donc une autre fausse solution. Troisièmement, la mouvance nationale protectionniste affichée par la présidente du FN annonce un cortège de fausses solutions. Le protectionnisme économique ne peut qu’appauvrir les nations alors que l’exclusion sociale des immigrés ne mettra pas pour autant des sous dans le portefeuille des Français. Ces fausses solutions recouvrent une tendance plus générale orienté vers une lutte de tous contre tous pour assurer le maintien du pouvoir d’achat. D’où les tensions qu’on imagine, un fond de guerre civile et un régime policier auquel on nous prépare, avec quelques propos subtilement instillés, par Alain Minc par exemple. Parmi les dirigeants, nombre sont prêts à sacrifier un peu de démocratie pour sauver le système. 2011 devrait attirer l’attention sur ce qui se passe au Sud quand les populations jeunes sont opprimées en étant ignorées par l’accès à l’économie. Nul ne sait quel serait le seuil d’injustice capable de déclencher un soulèvement en France. On en est loin mais avec l’essence à 10 euros ?
Il n’y a au final qu’une seule solution, la révolution démocratique pour un partage équitable des richesses. Rendez-vous dans 20 ans. Cette révolution demande moins de courage que de générosité et d'intelligence, c'est dire si elle est hors de portée de l'humain
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