Prostitution : la chasse à l’homme va commencer
Après la ministre Roselyne Bachelot, ce sont des députés français qui emboîtent le pas. En l’occurrence ceux de la mission d’information parlementaire sur la prostitution et leurs rapporteurs : Danièle Bousquet et Guy Geoffroy. La proposition est de punir les clients des prostituées par des sanctions pouvant aller jusqu’à 6 mois de prison et 3‘000 euros d’amende. Mais ce rapport contient des mensonges et exagérations, et propose une conception incohérente du droit. Explications.
Guerre des sexes
Le premier constat est la virulence, voire l’agressivité et le mépris de la mission parlementaire envers les hommes. L’outrance du langage surprend. Une petite phrase relayée par la presse est explicite : « Ce pauvre homme dont le seul petit plaisir est d'aller aux putes. Ce serait presque lui que l'on considérerait comme une victime, de sa solitude. »
Ce propos ouvertement misandre et dénigrant est difficilement acceptable dans la bouche de députés. C’est une attaque en règle contre les hommes. D’ailleurs les phrases du rapport destinées à la presse ne parlent que des prostituées femmes : « Danièle Bousquet et Guy Geoffroy ne ménagent pas leurs mots à propos de « ces hommes », dont ils dénoncent la « complaisance », face à ces femmes « stigmatisées, dénigrées et quotidiennement injuriées ». L’attaque contre les hommes est confirmée, qui sont une nouvelle fois désignés comme des prédateurs.
On est d’emblée dans un nouvel épisode de la guerre des sexes.
Que disent les chiffres ?
Le rapport de la mission d’information fait état de chiffres, détaillés ci-après. Préalablement il faut savoir que la mission n’a pas elle-même enquêté sur les chiffres. Elle n’a fait que reprendre les chiffres qui existaient avant. D’où viennent-ils ? Du ministère de l’Intérieur, précisément de l’Office Central de Répression de la Traite des Êtres Humains. Ils sont déjà cités par Brice Hortefeux le 11 mai 2010, un mois avant la constitution de la mission.
« Il est difficile d’évaluer avec précision le nombre de personnes livrées à la prostitution en France. (...) A titre de comparaison, les autorités espagnoles et les autorités allemandes évaluent chacune à 400 000 le nombre de prostituées travaillant dans leurs pays respectifs. Les prostituées seraient également 20 000 aux Pays-Bas, alors que la population de ce pays représente guère plus que le quart de la population française. »
On remarque d’emblée que le ministère reconnaît la difficulté d’évaluer la situation. Il ne fournit ni ses sources précises hors des rapports de police ni la méthodologie de son estimation. Le chiffre n’est donc pas le résultat d’un comptage précis mais d’une estimation. Il y aurait 18‘000 à 20‘000 prostituées en France, dont 80% viendraient de l’étranger, particulièrement des pays de l’est.
Comparé au chiffre avancé par les autorités espagnoles, soit 400‘000 personnes prostituées, le rapport est de 1 à 30 (proportionnellement au nombre d’habitants). Comment un tel écart est-il possible ? Pas de réponse.
Mais alors, avec des chiffres « estimés » et non certains, comment peut-on affirmer qu’il y aurait 80% de prostituées de l’est ? Bonne question. Sans réponse. Le ministère affirme que les chiffres sont stables depuis 1990. La mission affirme pour sa part que depuis 1990 et la chute du mur de Berlin, les prostituées d’Europe de l’est, qui n’étaient que 20% il y a 20 ans, sont aujourd’hui le 80 % des péripatéticiennes. Il y aurait donc 4 fois plus de femmes venant de l’est et pas plus de prostituées. Ce qui suppose que dans le même temps il y a 4 fois moins de françaises qui pratiquent ce métier. Comment cette diminution s’explique-t-elle ? Sur quelles études ou sources se fonde-t-elle ?
Ces chiffres sont-ils sérieux ? Comment y croire ? Ne servent-ils pas plutôt à alarmer la population en grossissant le nombre de femmes victimes des réseaux mafieux afin de forcer le passage à un projet de loi liberticide ?
Mais supposons un instant que ces chiffres et ce pourcentage soient réels. Cela signifie qu’elles seraient environ 15‘000 prostituées de l’est. C’est-à-dire des prostituées contraintes subissant la traite des femmes. Admettons donc 15‘000 prostituées subissant un proxénète. En 2009 827 individus ont été mis en cause pour 464 faits constatés de proxénétisme. Il n’y aurait donc qu’environ 3% de faits de proxénétisme mis en cause. Alors soit il y a peu de proxénètes, soit c’est un genre de délit qui intéresse peu la police.
Haro sur le client
On veut faire du client un complice objectif des réseaux mafieux. Mais la criminalisation du client est un non-sens. Comme je l’écrivais il y a des prostituées indépendantes qui exercent librement et volontairement. S’il n’y a pas de contrainte il n’y a pas à avoir de répression. Cette loi serait de plus quasiment impossible à appliquer et donc ne servirait à rien : le client devra être pris en flagrant délit. Or le seul flagrant délit valable c’est l’acte sexuel. A moins de voir la police faire des descentes dans les hôtels de passe, je ne vois pas comment tomber sur un flag.
Allons plus loin. L’idée du projet de loi est : pas de client pas de prostituée. Mais l’inverse est également valable : pas de de prostituée pas de client.
D’autre part est-il cohérent de criminaliser le client d’une activité qui elle n’est pas illégale ? Si le client commet un crime c’est bien parce qu’il y a une offre et une incitation. Si donc le client est criminalisé, la prostituée volontaire doit l’être également : prison et amende pour elle, faute de quoi on est dans la discrimination. Elle devra même être davantage pénalisée pour incitation au crime. La prostituée contrainte sera protégée et la volontaire ira en prison. Or le Nid, mouvement d’inspiration religieuse, soutient le projet de loi et affirme : « Nous prônons une éducation à la sexualité et une évolution de la loi vers une responsabilité pénale du client avec comme support l'interdiction d'achat de l'acte sexuel et une dépénalisation totale pour les prostituées ». On va bien vers la discrimination à l’encontre des hommes.
En clair : soit la prostitution devient illégale et à ce moment le client est dans l’illégalité. Soit elle n’est pas illégale et juridiquement le client ne peut être considéré comme commettant un délit. Le projet des députés est donc un non-sens juridique et intellectuel.
Ne faudrait-il pas aussi interdire la production et la consommation payante de films érotiques, ainsi que le fait de jouer dedans pour une rémunération ? Interdire le strip-tease payant ? Fermer le Moulin Rouge et les grands cabarets parisiens ? Ne s’agit-il pas là d’incitation au délit puisque le client paie pour une prestation à forte connotation sexuelle et objétisation du corps ?
Il faudra aussi dépister et condamner les gigolos. Et d’une manière générale toute relation avec un homme ou une femme plus riche que soi : on ne sait pas qui est vénal, donc on prévient. Allons jusqu’à l’absurde : on interdira aussi les cadeaux dans une relation amoureuse, car de nature à obtenir des faveurs affectives et sexuelles ou à les maintenir. Tout rapport marchand, direct ou indirect, pourrait être vu comme une chosification et un rapport dominant-dominé.
Le modèle suédois
La mission affirme que les modèles réglementés, comme la Suisse, ont vu la criminalité liée à la prostitution augmenter. Quelle est leur source pour affirmer cela ? Vivant à Genève je n’ai rien vu ou lu dans ce sens. Cette information au mieux invérifiable, au pire délibérément fausse, montre l’état d’esprit dans lequel la mission a travaillé.
La France s’inspire ouvertement du modèle prohibitionniste suédois. Dont il se dit en maints endroit qu’en réalité, si la prostitution visible a diminué, c’est parce qu’elle s’est exportée sur des ferrys ou en Allemagne, ou qu’elle passe par ces canaux incontrôlables. Le modèle suédois est celui où le fait de faire l’amour à votre copine pendant qu’elle dort peut vous valoir une plainte pour viol, comme Julian Assange. Ce modèle suédois est celui où rabaisser l’homme est la norme, comme quand on oblige dans certaines écoles les petits garçons à faire pipi assis pour qu’ils ne soient pas en position dominante ! Le modèle suédois sera un jour l’enfer des hommes.
Au nom de la liberté de l’individu, et de celles qui choisissent de pratiquer volontairement la prostitution, ce projet de loi est une erreur. Il est inique et discriminant à l’encontre des hommes. Le client n’est pas le criminel. Le criminel est le proxénète ou le réseau mafieux. C’est cela qu’il faut combattre. Dans ce sens j’admets que certains montrent un réel souci de la santé et de l’intégrité des prostitué-e-s. Mais il ne faut pas se tromper de cible.
La présidente de la mission parlementaire a indiqué que son partie, le Parti socialiste français, a mis ce projet de loi dans son programme politique pour 2012. Ce parti reste sous l’influence très forte du féminisme anti-homme qui inspire ce genre de projet abolitionniste, comme en Suède.
Oppositions
Il y a des oppositions à ce projet de loi. Entre autres : le syndicat des travailleurs du sexe (Strass), l’association Cabiria.
Le Strass, cité par Libération :
« Pour les associations et syndicats de défense des droits des prostituées, très majoritairement opposés, la pénalisation est une mesure « liberticide ». Elles relèvent que les parlementaires de la mission, présidée par la socialiste Danièle Bousquet, confondent trop souvent prostitution et exploitation. Or, selon Tiphaine Besnard, du Strass (syndicat des travailleurs du sexe), « 90% des prostituées le sont par choix ». Selon lui, seule « la légalisation de la prostitution permettrait de mieux déceler l’exploitation et de lutter contre ».
90% seraient libres. Qui dit vrai : le Strass, syndicat des prostitué-e-s ? Ou les députés sous influence de l’idéologie féministe ?
20 Minutes cite cette anthropologue :
« Marie-Elisabeth Handman, anthropologue, enseignante-chercheuse à l'EHESS et spécialiste de la prostitution, analyse la proposition de députés, à laquelle Roselyne Bachelot n'est pas opposée.
La mission d’information parlementaire sur la prostitution propose notamment de punir pénalement les clients de prostituées. Cette mesure peut-elle être dissuasive, selon vous ?
- Non. Et la prohibition risque au contraire d’entraîner plus de violences. Quand les hommes sont traqués, ils deviennent méchants. En Suède, il y a beaucoup plus d’attaques de prostituées depuis 1999 et l’adoption de la loi qui pénalise les clients. Les femmes sont obligées de travailler en appartement et sont donc plus vulnérables. Et les mafias russes fleurissent.
Selon vous, la pénalisation de la prostitution ne protège donc pas ces femmes ?
- Non. A force de les considérer comme des victimes, d’un point de vue féministe, on en fait de vraies victimes. Cette nouvelle mesure, c’est faire fi du consentement entre deux personnes majeures et mépriser les femmes qui disent exercer cette activité librement. Les prostituées ne sont pas toutes des aliénées, elles sont capables de consentir aux relations qu’elles tarifent. En tout cas, on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac. »
Libération cite l’acteur et féministe Philippe Caubère :
« Il faut bien essayer, au moins de dire, sinon comprendre, pourquoi des hommes vont « voir les putes » avant de les punir. Non ? Ne pas vouloir les écouter, encore moins les entendre, se contenter de faire appel à la loi, à l’état, au législateur, je ne sais quoi de cet ordre-là, pour pouvoir plus vite et mieux les châtier, les sacquer, les humilier, c’est tout de même un acte d’une extrême indigence, d’une extrême pauvreté, d’une extrême lâcheté. Non ? »
Personne jamais n’a pu éradiquer la prostitution. Pas plus que la drogue. Le seul moyen serait un Etat fasciste, et encore. Les humains étant les mêmes partout, ce qui existe continuera à exister. Il est préférable de donner aux prostituées un cadre légal, des garanties sanitaires, de sécurité et d’indépendance, et d’aider celles qui veulent en sortir. Et n’oublions pas que le proxénétisme est à 40% pratiqué par des femmes. En effet les proxénètes sont répartis en 60% d’hommes et 40% de femmes. Pas la peine de traiter à longueur d’année les hommes de criminels, de salauds, de viandards, et j’en passe.
Ce projet, par la virulence de l’attaque contre les hommes, par les imprécisions voire les mensonges qu’il véhicule, est dangereux pour la démocratie. Il montre la volonté de passer en force. Il généralise et amalgame. Que l’on défende mieux les prostituées victimes de réseaux mafieux, certainement. La traite des humains est inacceptable. Pour le reste laissons les gens vivre leur vie librement s’ils sont consentants. La loi n’est pas faite pour imposer un code moral, mais pour poser une limite aux comportements qui ne respectent pas les choix de l’autre.
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