Qu’est devenu le Quart-monde ?
La Journée du refus de la misère, lancée en France en 1987 par le
Père Joseph Wresinski, est devenue mondiale après sa reconnaissance par
l’ONU en 1992. Le nom de « Quart monde » que l’on doit aussi au père
Wresinski, après avoir été abondamment employé par les médias, n’est
plus guère de mise. Pourquoi ? Le Quart-monde aurait-il disparu ?
Le refus de la misère comme acte de foi et principe d’action reste le
moteur de la Journée mondiale qui se tiendra le
17 octobre prochain.
Le Père Wresinski est mort en 1988, mais l’association qu’il a fondée en 1957 perpétue son œuvre et sa pensée. L’association, « ATD Quart-monde »
(ATD signifiant « aide à toutes détresses »), bien que créée par un
prêtre, est un mouvement non confessionnel.
1 - Comment est née l’appellation « Quart-monde » ?
Le Père Wresinski fut envoyé par son évêque à Noisy-le-Grand dans la
banlieue de Paris, au milieu d’un camp de tentes et de baraquements
établi par Emmaüs pour les sans-logis, à la suite de l’appel de l’Abbé Pierre
en 1954. Là, à une époque où la terminologie banalisait le phénomène,
parlant de « pauvreté relative », il prit conscience qu’il avait
affaire à une misère collective et parla de « peuple de la misère ».
Comme il cherchait un nom collectif pour rendre compte dans l’opinion
publique de la détresse, mais aussi de la dignité et du courage
quotidien de ces personnes très démunies, il tomba par hasard sur un
livre datant de 1789 (une réédition de 1967) intitulé Cahiers du
quatrième Ordre, celui des pauvres journaliers, des infirmes, des indigents, etc. A la lecture de cet ouvrage révolutionnaire, le père
Wresinski comprit que l’exclusion par la misère était une violation des
droits de l’homme. Par analogie avec le terme Tiers monde
qu’Alfred Sauvy avait inventé en 1952 et en référence au titre de
l’ouvrage de 1789, il créa alors le mot Quart-monde.
2 - Que signifie le mot Quart-monde ?
Par cette désignation, Joseph Wresinski a voulu montrer que les plus
pauvres ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière. C’est
même peut-être pire, dira-t-il plus tard lors devant la Commission des droits de l’Homme de l’ONU, parce qu’ils n’ont pas les moyens d’assumer
leurs droits. Le mot sous-prolétariat a pu aussi être utilisé pour
distinguer cette population de celle du prolétariat qui a acquis des
droits. Le Quart-monde est la fraction de la population d’un pays riche
vivant sous le seuil de pauvreté. Lorsque, plus tard, vint le mot exclusion, on entendit de moins en moins parler de Quart-monde. Mais
l’association continue d’en porter le nom à la mémoire de son fondateur.
3 - La Journée mondiale du refus de la misère :
Cette journée existe pour rappeler que la grande misère est une
atteinte aux droits de l’Homme. En 1987, une dalle commémorative en
l’honneur des victimes de la misère a été inaugurée sur le parvis des
Droits de l’homme à Paris. La dalle porte ces mots du Père Wresinski «
Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de
l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir
sacré. » Aussi le but du mouvement ATD Quart-monde est-il de rendre aux
démunis leur dignité (« Ta dignité, c’est ma dignité »). A cette fin,
il fait son cheval de bataille de l’accès au savoir et à la culture
pour les familles les plus pauvres. Il œuvre à permettre l’accès aux
droits civils et politiques comme aux droits économiques et sociaux des
personnes qui, de fait, en sont privées. A ce titre, ATD Quart-monde a
contribué à l’élaboration de deux rapports par le Conseil économique et
social, l’un en 1987, l’autre en 1995, qui ont servi de base à la
rédaction de la loi d’orientation relative à la lutte contre les
exclusions de 1998. Celle-ci vise à « rendre effectifs les droits
fondamentaux fondés sur l’égale dignité de chacun ».
Cette journée est l’occasion, dit l’association, de mettre en avant des
gestes de résistance face à la pauvreté, ceux de citoyens à titre
individuel, comme ceux des organisations. Démarche que préconise
également le Conseil économique et social (CES) dans l’avis adopté le
18 juin 2003 intitulé « L’accès de tous aux droits de tous, par la
mobilisation de tous ».
Par la Journée mondiale du refus de la misère, ATD Quart-monde veut faire entendre la voixvoix des plus démunis et mobiliser citoyens et
responsables publics, notamment dans le cadre du débat pour les
élections à venir. En France, trois millions et demi de personnes vivent
sous le seuil de pauvreté, il existe un écart d’espérance de vie de dix
années entre le haut et le bas de l’échelle sociale, trois millions de
personnes sont mal ou non logées.
Alors, ceux qui se considèrent comme partie du Quart-monde dans une
société de rudes compétiteurs avides et se moquant du monde, (du Tiers comme du Quart !) témoignent de la survie de cette appellation commune qui tranche
avec le fractionnement actuel des populations ciblées par les
dispositifs sociaux.
Le Quart-monde n’a pas disparu !
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