Quelles solutions pour l’emploi des seniors ?
Par Claude Waret (D&E)
1-Le contexte
Le monde d’aujourd’hui est un monde qui bouge très rapidement, qui s’internationalise pour devenir un village global, un monde où instantanément on peut communiquer avec l’autre bout du monde pour un coût très bas.
La connaissance et l’information se diffusent massivement via la radio, la télévision, internet, les réseaux sociaux.
L’espérance de vie, elle, augmente et ce régulièrement.
Les seniors d’aujourd’hui sont les produits d’une société qui a connu Mai 68, la révolution des mœurs, la pilule, les luttes pour l’égalité hommes/femmes, la post-colonisation…..
Aujourd’hui les quinquas surfent sur internet, fréquentent Meetic ….
En un mot les quinquas d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec les quinquas du passé, ils ont eu une expérience de vie totalement différente et le temps qui leur reste à vivre n’a jamais été aussi important pour les générations précédentes.
Alors, pourquoi avons-nous dans notre pays un problème aussi important avec l’emploi des quinquas puisque en janvier 2010 leur taux d’emploi n’est que de 39% (55-64 ans) à comparer avec un objectif de Lisbonne, dans le cadre européen, de 50% pour la France.
Qu’est ce qui limite leur emploi ?
2-Remarque préliminaire sur la terminologie
Le terme de « senior » est beaucoup trop vague et prête à confusion car il définit selon les contextes des actifs avec une certaine expérience, des personnes en fin de carrière ,des retraités où des consommateurs de plus de 50 ans.
On devient consultant senior à 30 ans alors que pour le marketing le consommateur senior est un terme élégant pour la cible des appareils auditifs et autres couches pour incontinents adultes.
Nous proposons d’utiliser le terme générique de « Quinqua » qui recouvre en fait des hommes et des femmes « Quinquas plus où moins » c’est-à-dire de plus de 45 ans et de moins de 65 ans ,qui se trouvent exclus contre leur gré du marché du travail.
Cette population Quinqua est à la recherche d’une activité rémunérée eet est victime de la discrimination par l’âge.
Cette population a besoin d’une activité pour vivre, sans le secours particulièrement culpabilisateur des ASSEDIC, puis du RSA, du RMI où de l’ASS.
3-Le « papy boom »
L’avènement du « papy boom »,suite logique du « baby boom »,n’a pas été suffisamment anticipé par les entreprises ?J.P.Loisel, dirigeant du CREDOC écrivait en 2002 /
« Le baby-boom n’est pas un simple mot qui revient à la mode. Du fait de la surfécondité consécutive à l’après –guerre puis d’une baisse de la natalité à partir des années 70, on estime que la part des 50 ans et plus dans la population, qui est restée très stable pendant près de 40 ans –environ 28 à 30% de la population active –va rapidement s’accroître pour atteindre les 40% en 2020(..)En 2006,les effectifs de la classe d’âge entre 50 et 60 ans auront augmenté de 25% par rapport à ceux enregistrés en 2000 ».Ces chiffres sont aujourd’hui confirmés
(Extrait du livre « Retraite et Société N°36 de Juin 2002).
Cette génération « papy-boom » qui atteint 60 ans entre 2005 et 2010 prend sa retraite maintenant.
Une étude de la DARES de 2003 montre que seulement 13% des entreprises interrogées se préoccupaient de ce problème.
La non prise en compte de cette « explosion » est surtout évidente dans les PME/PMI.
Récemment, à l’occasion de la loi imposant aux entreprises de plus de 50 salariés de produire un plan pour l’emploi des seniors au 1er janvier 2010, on a vu la CGPME demander un report de 3 mois.
4-L’exclusion des Quinquas : idées reçues
Les statistiques montrent que la France est très en retard par rapport aux autres Etats européens, et encore plus par rapport aux objectifs de l’UE .
Que peut-on reprocher aux Quinquas qui restent prêts à s’investir ?
Pour les employeurs l’image des Quinquas est négative mais cette image reflète-t-elle la réalité ?
4-1-Les quinquas sont plus chers que les jeunes
Selon certaines études, l’écart en coût direct serait de 8% par rapport à la moyenne des salaires.
Ce surcoût relativement faible, ne tient aucunement compte de l’expérience des Quinquas qui, à elle seule, vaut très largement ces 8%(connaissance de l’entreprise, de ses marchés, de ses us et coutumes….)
Il semble donc qu’après analyse économique que ce « reproche » ne soit pas recevable.
4-2-Les Quinquas sont moins dociles
La docilité ne sert que des modèles à faible valeur ajoutée.
Valeur ajoutée et démarquage concurrentiel sont les résultats directs de l’esprit critique et de la créativité.
4-3-Les Quinquas sont moins souples
Bon nombre de dirigeants justifient le rejet des Quinquas du fait de leur caractère difficile et de leur incapacité à s’adapter à de nouvelles contraintes.
Il s’agit en fait de caractéristiques liées à l’individu bien plus qu’à son âge. De plus, c’est à l’employeur de maintenir les possibilités d’adaptation :les formations se font très rares à partir de 50 ans .
4-4-Les Quinquas se fatiguent plus vite
Cette idée est basée sur des données socioculturelles des années 1950 espérance de vie, niveau de santé…).
Aujourd’hui, ces données ont changé et les conditions de travail dans notre pays se sont améliorées (automatisation, ergonomie du poste de travail,…).
Si il est vrai que certaines activités requièrent des capacités physiques dont seuls les jeunes disposent, il faut convenir que, de manière générale, comme le souligne Anne-Marie Guillemard :
« Le Quinqua fait autrement que le jeune et non pas moins bien. Il se sert de son expérience pour mettre en place des stratégies spécifiques ».
Mais, les partenaires sociaux continuent seulement à discuter seulement de l’aménagement des postes de travail comme solution.
4-5-Les Quinquas maîtrisent moins vite où mal les nouvelles technologies
Posons-nous les questions suivantes
Quelles parties de notre travail dépend réellement des nouvelles technologies ?
Dans cette partie, quel est le niveau de connaissances requis pour y faire face ?
En fait il s’agit essentiellement d’un problème de formation et de mise à niveau.La source de ce handicap, lorsqu’il existe ,est liée au fait qu’à partir de 45 ans, les entreprises rechignent à former leurs collaborateurs.
En ce sens ,il faut constater la volonté semble-t-il affichée des partenaires sociaux pour donner accès à la formation jusqu’en extrême fin de carrière.
5-Les atouts des Quinquas
Indépendamment de l’image des quinquas ,la mise à l’écart se fonde sur des éléments conjoncturels ,entre autres le rajeunissement des effectifs.
Sous le prétexte de diminution de la masse salariale ,les entreprises ont embauché des jeunes (à l’exception des moins de 25 ans par manque d’expérience ).Cette diminution apparente ne prend pas en considération les surcoût liés à la perte de mémoire de l’entreprise ,à la perte de savoir faire ,et à l’absence de connaissance des us et coutumes du métier.
Examinons les atouts des quinquas.
5-1-Les quinquas sont expérimentés
Leur expérience de l’entreprise et en général du secteur dans lequel ils postulent les aide à comprendre plus rapidement les enjeux et l’organisation de la société surtout en cas de complexité.
Ils sont plus rapidement opérationnels que des plus jeunes moins expérimentés.
5-2-Les quinquas sont motivés
Compte tenu de la difficulté qu’ils ont à retrouver un emploi les quiquas sont en général déterminés à faire la preuve de leurs capacités ,à s’investir fortement dans l’entreprise.
Ils veulent transférer leur savoir faire et leur savoir être.
Par ailleurs ils veulent se prouver que l’âge n’est pas un handicap comme on voudrait le faire croire.
5-3-Les quinquas sont des facilitateurs dans l’entreprise
Ils n’ont en général plus comme seul objectif de monter dans la hiérarchie
Ils attachent plus d’importance au travail des autres ,ils savent faciliter, mettre en valeur ,former, accompagner ,prendre du recul ,utiliser l’expérience du passé.
6-Quelles solutions ?
Je pense que les quelques lignes qui précèdent démontrent clairement qu’il n’y a aucune raison valable de ne pas employer les seniors.
Ils sont même un facteur positif de productivité et de compétitivité de l’entreprise !
Alors pourquoi ne les emploie-t-on pas ?
La raison est de nature culturelle, une histoire s’est bâtie au fil du temps initialisée par les préretraites en passant par des périodes d’éloge du jeunisme.
Comment solutionner ce problème ?
Cela passe par un système à double détente :communiquer pour convaincre ,sanctionner pour non exécution
Cette approche a été utilisée de manière particulièrement efficace en matière de Prévention Routière avec des campagnes de publicité pour convaincre et des radars pour sanctionner.
Il faut une campagne de publicité sur l’emploi des seniors, le fait qu’il n’y en ait pas montre que ce sujet n’est pas considéré comme prioritaire, il y a une campagne sur les propositions du gouvernement en matière de retraites !
En ce qui concerne les radars, les entreprises de plus de 50 personnes ont du faire des plans seniors, au 1er janvier 2010 sous peine d’une pénalité de 1% de leur masse salariale.
Ces plans sont, d’une part, plus orientés vers le maintien en emploi que vers l’embauche de seniors et, d’autre part, les moyens de contrôle ne sont pas clairs.
Pour favoriser l’embauche on propose maintenant de ne pas faire payer, pendant un an, les charges sur le salaire d’un senior embauché, cela veut-il dire qu’on ne va garder le senior que pendant un an ?
J’avoue préférer une formule consistant à n’accorder de subventions à une entreprise que si elle respecte un certain nombre de conditions dont la part des seniors dans ses effectifs.
A chaque demande de subvention il serait alors possible de contrôler le facteur emploi des seniors.
Le Parti Socialiste a aussi fait deux propositions intéressantes, l’une d’elles proposant un bonus/malus d’un point de cotisation chômage patronale en fonction de la part de salariés seniors dans l’entreprise, l’autre demandant de fixer à Pole Emploi des objectifs chiffrés de retour à l’emploi des seniors par bassin d’emploi.
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