Recherche. On refait un petit tour ?
Valérie Pécresse qui juge, non sans raison et bon sens, en avoir fini avec les universités, s’attaque maintenant à la recherche, suivant en cela les engagements et la stratégie de rupture de notre président.
Elle aura sans doute plus de mal, faute de pouvoir user de la même stratégie. Dans le cas des universités, en reprenant, à peu près intégralement les propositions de la Conférence des présidents d’universités, elle a fait de ces derniers les plus farouches défenseurs de sa loi LRU du 10 août 2007. Ce qui ne s’était jamais produit depuis quarante ans et la loi Edgar Faure, qui a mis en place les structures universitaires actuelles, on a vu, au moindre mouvement d’étudiants, les présidents d’universités faire intervenir les forces de l’ordre et fermer, parfois pour quatre ou six semaines, leurs universités.
Dans le cas de la recherche, les choses sont plus complexes, car il s’agit surtout des instituts de recherche dont le plus gros, le plus connu et le plus représentatif est le CNRS. L’équipe mise en place pour une telle réforme n’est pourtant pas très nouvelle. Comme souvent, on met en place un ministre bis, temporaire, sous couvert d’une mission.
En la circonstance, il s’agit de François d’Aubert qui a été, dans le passé, à deux reprises, en charge du secteur. Comme secrétaire d’Etat (1995-1997), puis comme ministre (en 2004-2005), il n’a guère marqué le secteur de la recherche dont il avait la charge. Sa nomination comme président de la Cité des sciences et de la technique de la Villette a moins tenu à ses compétences (il est de formation juridique, discipline dans laquelle la recherche n‘a guère de place) qu’à son échec aux élections législatives qui l’avait laissé sur le sable.
Dans le groupe de travail qu’il préside et qui devra rendre ses propositions en mars 2008, il aura comme interlocuteur majeur la physicienne Catherine Bréchignac, présidente du CNRS depuis janvier 2006, après en avoir été directrice générale de 1997 à 2000. On voit donc qu’on prend les mêmes et qu’on recommence !
Va-t-on se borner à repeindre en rose la vieille usine à gaz scientifique, sortie du délire soviétomane des fondateurs de l’institution, qui perpétue un modèle que Russes et Chinois ont abandonné ? On ne pourrait guère la réformer que pour en faire un Jurassic Park de la science stalinienne. Ce n’est pas la réforme de Chevènement, en 1982, qui a fait des 26 000 agents du CNRS, des « fonctionnaires », qui a changé les choses, bien au contraire !
A la différence des universités, balkanisées par les divisions entre enseignants, personnels administratifs, techniques et de service (les ATOS) et étudiants, et où les présidents, achetés par la réforme LRU, sont désormais perennisés et maîtres à bord, le CNRS offre un front syndical bien plus fort et bien plus uni. Au CNRS, chacun le sait, on progresse plus vite et plus sûrement en faisant du syndicalisme que de la recherche. Les syndicats sont tout-puissants, dans la conduite des affaires comme dans l’auto-évaluation qui est de règle au CNRS, même si une grève des chercheurs ou une démission des directeurs de formation ne peuvent que susciter l’hilarité de quiconque connaît un peu la question.
Ici comme ailleurs, mais n’est-ce pas le mal français, on n’ose jamais prendre des décisions qui s’imposent pourtant aux yeux de tous. Russes et Chinois n’ont pas eu les mêmes craintes et tremblements pour mettre un terme à ce type d’instituts ou d’académies. Tout le monde sait qu’on devrait supprimer le CNRS, mais nul n’ose évoquer une telle perspective. On essaye dont de l’euthanasier sournoisement par des mesures qui tendent à ôter toute activité à des secteurs jugés marginaux, sans qu’on n’ose le dire. Faute d’avoir le courage de supprimer une structure dont on ne peut que constater l’inefficacité et la paralysie, on lui superpose de nouvelles structures (l’Agence nationale pour la recherche, l’AERES, etc.) dont la finalité est, en fait, de retirer le peu d’activité de la structure à laquelle on n’ose pas toucher.
Restent pour le CNRS les 26 000 fonctionnaires qui coûtent, chaque année, trois milliards d’euros, soit le prix de deux porte-avions nucléaires. Mais, après tout, c’est peut-être préférable à la construction de ces porte-avions ?
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