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Réflexions sur les attentats de Paris

Les événements du 13 novembre 2015 sont tragiques. 

Nous, parisiens, avons vu la mort dans la violence au bout de notre rue ; dans des rues, des restaurants, des bars ou des salles de concert que nous aurions aussi pu fréquenter ce vendredi.

Que chacun ait connu, ou non, une victime, ou deux, ou trois – un mort, un blessé, un témoin terrorisé autant qu’impuissant au moment des fusillades, ou qui serait arrivé quelques minutes ensuite et qui a vu le sang, les corps – nous n’avons aucun mal à nous identifier à elles parce qu’ils sont nos voisins, ces « n’importe qui » a côté de qui ont s’est peut être assis un jour dans le métro et parce que la fatalité aurait pu s’abattre sur nous, plutôt que sur eux. Cela, les sms et les autres messages que l’on a reçu ce soir nous en ont aussi fait prendre conscience.

Cette année 2015 est la plus sanglante et difficile, à laquelle, nous, jeunesse de France sommes confrontés directement.

Les guerres que j’ai lues racontées dans les livres d’histoire, les morts dont j’ai pris conscience au détour d’une rue quand mon regard s’était porté sur une plaque commémorative mais surtout tous ces affrontements, loin de chez moi, ces images de bombardement, ces tueries de masse ou ces attentats que nos medias nous racontent tous les jours… m’ont habituée à l’idée de la barbarie, de la mort, de l’absurdité.

L’habitude ici est quelque chose de très grave parce qu’elle est marque de distanciation, d’indifférence mais aussi d’acceptation, à condition que ce soit loin de chez nous.

On affiche quelques protestations de principe et puis on tourne la tête parce que, s’y intéresser davantage nous ferait mal au cœur. On prendrait aussi conscience de la complexité de certaines situations et de la difficulté de trouver de l’information, au sens d’éléments d’analyse et de compréhension, sans qu’ils fussent empreints d’idéologie.

Ce vendredi 13 novembre 2015, il m’est impossible de détourner le regard.

Je doute. Je ne suis pas sûre de comprendre et de disposer de toutes les clés d’analyse. J’ai peur même si je ne le dirai jamais tout haut. Je suis en colère et c’est peut-être cette boule de rage, que je sens dans mon ventre, qui me domine et me fait écrire.

Je suis en colère parce que j’attendais ces attentats, que leur annonce ne m’a pas surprise. Je ne veux pas parler en détail de la politique étrangère de la France, je ne suis pas légitime pour cela. Mais j’ai 25 ans et je regarde mon gouvernement et l’évolution de mon pays avec une défiance qui me blesse, moi. Je voudrais adhérer, je voudrais faire confiance. Je voudrais penser qu’un gouvernement nous protège et assure une stratégie claire et réfléchie, qui défende nos intérêts et fasse entendre la voix d’un pays ancien, tributaire d’une grande histoire et digne de sa devise sur la scène internationale.

Liberté – Egalité – Fraternité. Je suis triste parce que je n’arrive plus à croire. Croire en cette devise, qui sont des idéaux que j’aime infiniment et qui me rendait fière, quand j’étais petite et qu’on m’apprenait qu’ils étaient la devise de mon pays – qu’on appelait ma France « le pays des droits de l’homme » et que je pensais, naïve comme le sont les enfants, que son histoire et ses mots faisait d’elle un emblème de justice.

Je suis en colère parce que je ne crois pas que ces attentats soient une déclaration de guerre du mal contre le bien ; qu’il y aurait une civilisation « légère », démocrate et laïque contre une autre, intolérante, guerrière et fanatique, qui ne supporterait pas de nous imaginer boire de l’alcool en terrasse et qui traverserait la Méditerranée exprès pour nous en empêcher. Cette théâtralisation simplifiante, ces grandes déclarations sur notre mode de vie frivole qu’il nous faudra à tout prix conserver pour montrer que nous sommes forts, puisqu’il serait le seul enjeu des attaques, m’apparait comme un manque de respect immense pour nos victimes et un renoncement, tant de nos hommes politiques que de nos medias, de se donner au moins l’apparence du sérieux.

Je suis en colère parce que l’on n’a jamais plus entendu parler de liberté d’expression dans notre pays que cette année, terrible année 2015 – mais que cela coïncide avec la mort des débats de fond sur la place publique et avec la suspicion du pire à propos du premier qui prononcerait le moindre mot s’écartant même un peu d’un discours uniforme qui crache sur l’intelligence et la recherche sincère de vérité.

Je suis en colère quand je remarque le nombre de français émus et sincèrement solidaires des victimes qui se contentent de ces explications hypocrites – je le suis autant quand ils les rejettent pour montrer du doigt les musulmans de France ; quand ces professeurs en laïcité se rejoignent pour discuter à la télévision de la façon dont il faudra réformer l’Islam.

Je suis en colère parce que les enseignements que je vois tirés de ce nouvel attentat ne me font pas penser que demain sera meilleur qu’aujourd’hui…

Aujourd’hui est le temps de l’hommage, du recueillement.

Demain, j’espère avec toute ma force que l’on se retrouve, pour débattre sainement des défis que nous devons relever. Ce ne fut pas le cas après le 7 janvier. Nous avons beaucoup à défendre, qui va bien au-delà de notre « légèreté ». 


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5 réactions à cet article    


  • eric 18 novembre 2015 09:56

    Cela fait plaisir de trouver enfin un papier qui dit autre chose que « c’est la faute à la société de consommation, à Bush, à Marine Le pen, aux inégalités et aux gaz aux effet de serre et nous devons boire du champagne pour lutter contre les »forcenés..." (voir couverture d’un des journaux de référence de tenant des discours ci-dessus).


    • Massada Massada 18 novembre 2015 10:56

      "Je suis en colère parce que les enseignements que je vois tirés de ce nouvel attentat ne me font pas penser que demain sera meilleur qu’aujourd’hui…"
       
      Vivre avec le terrorisme s’apprend et c’est un travail de longue haleine.
       
      Il faut enseigner la vigilance et les gestes qui sauvent très tôt – probablement à partir du collège et certainement à partir du Lycée. Il ne s’agit bien sûr pas de former des petits soldats mais tout simplement de bons citoyens. Il faut rappeler que l’écrasante majorité des victimes de ce type d’attentat meurent d’hémorragie.
       
      Il est urgent de changer d’approche de la doctrine anti-terrorist.
      Dans ce type de terrorisme suicidaire et apocalyptique l’attente c’est la mort certaine.
      Il faut accepter que dans certains cas une intervention immédiate de forces de l’ordre déjà présente et bien moins bien formées que le RAID et le GIGN peut être la moins mauvaise des solutions.
       
      Lorsque le commissaire de le BAC arrivé le premier sur les lieux au Bataclan a été au contact des terroristes et en a abattu un sans attendre les renforts, il a fait exactement ce que l’on attend des forces de l’ordre dans une telle situation.
       
      Le but n’est pas de transformer de simples gardiens de la paix en super-gendarmes du GIGN, ni de jeunes étudiants en urgentistes mais on se doit de commencer à changer les mentalités quand il s’agit du terrorisme. car la crème de la crème de l’antiterrorisme ne sera pas toujours là au bon endroit au bon moment.


      • Hybris Hybris 18 novembre 2015 17:29

        @Massada
        Apprendre à réagir en situation d’urgence et apprendre à vivre avec le terrorisme sont deux choses absolument distinctes. Si certains gestes peuvent sauver des vies il est toujours bon qu’ils soient connus.
        Je pense que vous l’aviez compris mais, en parlant « d’enseignements » j’avais plutôt en tête les mesures de renforcement de la surveillance, les autres mesures sécuritaires. Vous vous sentez plus en sécurité vous ? Quand vous rencontrez les soldats armés dans les gares ou devant les préfectures ? Vous êtes à l’aise avec l’idée que vos connexions sur internet et les contenus de vos communications puissent être surveillés ? Moi non plus je n’ai rien à cacher, pourtant ça me dérange. Et je ne me sens pas mieux protégée tandis que notre pays continue de mener une politique étrangère va-t-en-guerre et irréfléchie. 
        On parle maintenant d’un état d’urgence prolongé jusqu’à 3 mois... d’un projet de réforme de notre constitution proposé à peine deux jours après le feu des attentats, ça ne vous semble pas précipité ?

        Ne peut-on pas envisager que des mesures justes et des réactions adaptées sauraient nous préserver du terrorisme, ou dans une version moins optimiste, le limiter, avant que nous devions apprendre à « vivre avec » ?


      • Ben Schott 19 novembre 2015 06:37

        @Hybris
         
        « Vous vous sentez plus en sécurité vous ? Quand vous rencontrez les soldats armés dans les gares ou devant les préfectures ? »
         
        Vous faites erreur sur la personne ! Massada fait partie de l’armée d’assassins qui terrorise les femmes et les enfants palestiniens !
         


      • Pomme de Reinette 19 novembre 2015 12:49

        @Hybris

        Vous vous sentez plus en sécurité vous ? Quand vous rencontrez les soldats armés dans les gares ou devant les préfectures ?

        En ce qui me concerne oui, cela me rassure.
        Cela ne peut gêner que ceux qui ont quelque chose à se reprocher ou des intentions pas très nettes !

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