RMI, la bourse ou la vie ?
Nous vivons depuis quelques décennies en fonction du seul critère économique, et qui plus est, basé sur les signes extérieurs.
- Untel ? Whaaa ! quelle réussite ! Il gagne au moins tant d’euros par an, et tu as vu sa bagnole ? Le dernier 4x4 de chez chose...
- Machin, bah, laisse béton, c’est un pauv’ mec, un fainéant, au RMI avec trois gosses, un c** quoi !
(A la suite de l’article de Zerth du 20 décembre )
Le fait est que les mots ne signifient pas la même chose pour tout le monde, tant les médias classiques les ont triturés en tous sens. Libéral, je suis, et libéral, je reste, mais ça n’empêche pas de constater les monstruosités induites par l’ultralibéralisme dans une société où ne règne que la sacro-sainte loi du marché.
L’économique est juste une dimension parmi d’autres. Le social en est une autre. Le culturel aussi, et le relationnel, etc. Et c’est l’harmonie à rechercher perpétuellement entre ces différentes dimensions sociétales qui fait qu’on est heureux ou pas de vivre dans un pays, ou tout simplement parmi ses voisins.
Or nous vivons depuis quelques décennies en fonction du seul critère économique, et qui plus est, basé sur les signes extérieurs.
- Untel ? Whaaa ! quelle réussite ! Il gagne au moins tant d’euros par an, et tu as vu sa bagnole ? Le dernier 4x4 de chez chose...
- Machin, bah, laisse béton c’est un pauv’ mec, un fainéant, au RMI avec trois gosses, un c** quoi !
Pourquoi sommes-nous tant influencés par ce qui se voit ? Parce que les médias nous influencent malgré nous. Que ce soit pour la ligne filiforme d’une femme ou pour la dernière casquette de la marque Untel, la publicité nous inonde de modèles idéaux ou qu’on doit accepter comme tels...
Pourquoi tout doit-il être rapporté à un prix ? Précisément parce que c’est plus facilement mesurable dans une société où tout doit se quantifier. Et c’est l’erreur de toutes les sociétés dites développées, car elles sont développées économiquement, mais il est des choses qui ne se mesurent pas et même qui se donnent sans mesure.
A quelle aune mesure-t-on la sympathie, l’amitié, l’amour, la convivialité ? Comment évalue-t-on sa passion pour un travail ou au contraire sa répulsion ? Quel est le prix d’un arbre devant sa fenêtre plutôt qu’un parc-mètre, ou d’un concert d’une fanfare anonyme dans un kiosque à musique plutôt que de la Star’Ac au Zénith ? A quel tarif estime-t-on le temps perdu en transports divers pour se rendre à son boulot, ou l’angoisse de la prune parce que pour chercher son gosse à l’école on n’aura pas pris le temps d’aller se garer sur un parking autorisé ? (et généralement payant, alors qu’il s’agit du domaine public !).
Tout, dans cette société, tout ce qui est mesurable a un prix. Mais ce qui ne l’est pas n’en a pas. Quelle erreur !
Pour pallier le chômage et faciliter la réinsertion professionnelle et sociale, on a inventé le RMI en espérant que, la panse remplie, les citoyens n’auraient plus de raison de "citoyenner" et rentreraient dans le rang. Mais le remède est pire que le mal, car la plus grande difficulté de ce RMI, maintenant, c’est d’en sortir. Surtout dans les grandes villes.
L’auteur de l’article cité a raison, retravailler au Smic est moins intéressant que rester chez soi avec un RMI. Sur le plan strictement économique, pour en sortir, il faut gagner tout de suite un salaire de 1500 euros net, c’est-à-dire près de trois fois le RMI. Autant dire que ça n’arrive que très rarement aux gens peu qualifiés. Sans ce brusque saut de niveau économique, l’assisté ne fait que perdre ses avantages d’assisté sans y gagner pour autant, en plus de l’alimentaire quotidien, de quoi emmener sa famille à la mer ou changer sa voiture délabrée.
Mais l’aspect économique est très loin d’être le seul obstacle à cette sortie. Ce qui n’est pas dit par cet article, c’est aussi ce que le RMI permet de faire. Moins d’argent certes, mais moins de stress aussi, et du temps libre à ne plus savoir qu’en faire. Le temps de prendre du recul sans avoir toujours le nez dans le guidon.
Quand on est bénéficiaire du RMI, on a beaucoup moins besoin d’une voiture. Ou alors une par famille, mais pas nécessairement deux. On apprend vite à se passer du superflu. Moins d’essence, moins d’assurances, moins de décote argus, moins de révision chez le garagiste ou de visite technique, moins de prunes en ville... Mine de rien, pour une famille c’est quasiment un Smic économisé chaque mois, et en contrepartie, enfin le temps de se voir avec son conjoint, de suivre la scolarité de ses enfants, de se parler entre voisins, de participer à la vie sociale de son quartier.
Le (la) RMiste peut prendre une part active à la vie associative par exemple, ou se cultiver sur le Net ou dans une médiathèque, ou encore tout bêtement redécouvrir sa propre ville avec des yeux de touriste. On dit que l’ascenseur social est en panne, mais chaque RMiste peut et devrait en profiter pour essayer de grimper quelques échelons dans la société en se formant. Aux nouvelles technologies par exemple, en allant à l’Université de la seconde chance obtenir le diplôme qu’il n’a jamais eu l’occasion de passer quand il était jeune, en laissant exploser enfin le talent d’auteur ou de musicien qu’il retenait depuis des années (j’en connais quelques-uns qui fréquentent ces pages), etc.
Le RMI est une mesure "d’aide à la réinsertion". Soit ! Mais quelle réinsertion ? Et pour se réinsérer dans quoi ? Dans un système où la compétition prime tout, purement économique et ravageur de vies personnelles ? Merci bien !
Le RMI coûte cher à l’Etat ? Mais l’ennemi n’est pas celui qui bénéficie de subsides pour tâcher de vivre chaque jour, l’ennemi, c’est celui qui en quelques heures rafle des millions sur la spéculation en tous genres sans s’inquiéter de savoir combien de RMistes nouveaux va provoquer son raid.
Dans les sociétés plus pauvres (et même parfois dans des zones internes de pays riches) la solidarité va de soi, "entre humains", et n’est pas laissée à la charge de l’Etat. Un petit coup de main financier ou le troc d’un objet utile contre un petit coup de main "en voisin"... et revoilà le sel qui arrive. Finalement on y réinvente l’instrument monnaie, mais une monnaie qui n’est pas sujette à la spéculation mondiale ni aux variations de cours internationaux.
Tout a une valeur, mais celle-ci n’est pas seulement économique ou financière.
A quand la Bourse des valeurs humaines et sociétales ?
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