Rythmes scolaires : la grande déception
Il y a fort à parier qu'une grande partie des enseignants du premier degré sera en grève le 12 février prochain. « Immobilisme » pour certains, « corporatisme étriqué » pour les autres, la communication actuelle d'un gouvernement qui se dit « de gauche » fait son chemin dans les médias et, par la même occasion, dans l'opinion publique. Il est urgent de revenir sur les raisons de la colère des enseignants.
Tout d'abord, je précise que j'ai moi-même été l'auteur en 2008 d'un article, repris par Marianne (http://www.marianne.net/Quatre-jours-qui-font-mal-a-l-ecole_a182148.html), très défavorable à la semaine de quatre jours. Et cette hostilité, je la conserve. Beaucoup d'enseignants ont pu constater, depuis la généralisation de la semaine de quatre jours, une augmentation de la fatigue des élèves, une diminution de l'attention ainsi que beaucoup plus de stress aussi bien pour les élèves que pour les enseignants. Car rappelons-le, si les élèves ont perdu l'équivalent de 25 semaines de classe sur toute leur scolarité, les programmes, eux, en parallèle, se sont alourdis. Ce qui n'est pas sans conséquence sur les rythmes d'apprentissage et sur la fatigue des enseignants et des élèves.
La réforme proposée ne devrait-elle pas alors être accueillie positivement par les enseignants ? Eh bien non, car dans la réalité, ce qui est présenté comme une réforme ambitieuse par le gouvernement ne va strictement rien changer à la fatigue des élèves ! Peut-être même la situation va-t-elle s'aggraver... En effet, le passage en 2008 à la semaine de quatre jours a densifié la semaine scolaire. C'est à dire que les élèves doivent, à l'heure actuelle, apprendre autant en 24 heures que ce qu'ils apprenaient avant en 26 heures. Et la réforme proposée ne va absolument rien changer puisque le temps d'apprentissage pour tous va rester de 24 heures. La densité de la semaine scolaire, facteur de fatigue, restera donc la même.
Pire encore ! Malgré tous ses vices, la semaine de quatre jours conservait au moins une coupure le mercredi qui permettait aux élèves et aux enseignants de se reposer ou de préparer la classe. Avec la réforme, c'est terminé ! Plus de temps de repos au milieu de la semaine. Dans quel état allons-nous retrouver nos enfants et nos enseignants ?
Oui mais, me répondra-t-on, les journées d'école seront plus courtes. Faux. Pour beaucoup d'enfants, l'amplitude horaire passée dans l'enceinte de l'école ne changera pas. Ils passeront juste plus de temps dans des services périscolaires inadaptés. Et les enseignants ne gagneront rien non plus. Car ce qui se met en place dans de nombreuses communes, c'est une pause déjeuner de 2 heures 45 minutes ! Quand on sait dans quel état d'excitation les enseignants retrouvent leurs élèves après 1 heure 30 de pause, il y a des questions à se poser...
Au final, élèves et enseignants passeront donc autant de temps chaque jour dans les murs de l'école et devront en plus venir le mercredi matin, ce qui, au final, fera une semaine plus chargée pour tout le monde.
Et les parents dans tout ça ? Il risquent d'y perdre aussi. Car si les enfants passent un peu moins de temps en classe chaque jour, ils devront en revanche, pour beaucoup d'entre-eux, passer plus de temps dans les services périscolaires qui ne sont pas gratuits. Pendant que certains enfants seront en « activités pédagogiques complémentaires » gratuites, d'autres seront en garderie payante... ou au pied des immeubles, à errer, pour ceux des familles les plus modestes.
Serait-ce donc cela, l'égalité à la française ?
Stéphane Guinot
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