Sus à l’autorité !
Le dernier rapport sur l’état de la criminalité en France publié le 12 novembre par l’Observatoire national de la délinquance fournit un tableau très sombre de notre société. En effet, il constate, selon la synthèse qu’en donne Le Figaro sous la signature de Christophe Cornevin, un accroissement considérable de la violence à l’encontre des symboles de l’autorité.
Sans évoquer la police qui, en raison de son action quotidienne, est naturellement la plus touchée, et les gendarmes qui, dans les zones rurales et périurbaines, n’échappent plus à cette contestation virulente, il me semble que les agressions à l’encontre des gardiens de prison et des sapeurs-pompiers de Paris sont tristement signifiantes de la dégradation de notre tissu démocratique. Pour les premières, je veux bien admettre que l’enfermement, ses contraintes nécessaires et l’inévitable rapport de force qui en découle sont de nature à expliquer au moins partiellement les tensions pénitentiaires et les nombreuses hospitalisations des personnels. Pour les secondes, le constat est très préoccupant car longtemps les sapeurs-pompiers, dont l’utilité et le courage étaient unanimement respectés, s’étaient trouvés protégés de toute atteinte violente. Au contraire, une sympathie générale les accompagnait dans leur mission et créait une sorte de consensus rare autour d’un corps et de ses serviteurs. Parce que, précisément, la seule perception qu’on en avait était de reconnaissance publique. Venant à l’aide de tous, tous les appréciaient. Aussi, quel choc de voir qu’en 2006, ils ont été victimes de 93 agressions et de 131 actes de vandalisme !
Le monde judiciaire n’est pas épargné puisque le nombre des outrages et des menaces visant les magistrats a crû globalement de 23 % entre 2000 et 2006 et a donné lieu à 380 condamnations en 2006.
Affirmer que l’autorité est de plus en plus mal perçue et que la violence la combat de plus en plus volontiers ne représente pas, j’en ai conscience, une pensée neuve. Qui, depuis quelques années, n’a pas fait l’expérience de ce délitement soit à titre personnel ou familial, dans l’espace privé, soit dans le champ public ? Ce qui me semble nouveau et dangereux, c’est qu’on ne se contente plus de mettre au défi l’autorité sous toutes ses formes, mais qu’on prétend la casser, la détruire pour lui faire perdre sa légitimité. Car il est clair qu’une autorité qui passe sans cesse des compromis avec ceux qui désirent la nier perd, à force, sa substance et devient, de ce fait même, une cible de plus en plus facile à atteindre. Je me demande même, à examiner certains comportements singuliers ou collectifs, si la violence qui s’exerce sur des appareils prétendument de domination, en réalité délestés de tout véritable pouvoir parce qu’ils l’ont laissé se dissiper au fil du temps, ne leur donne pas trop d’importance. S’opposant mécaniquement à ce qui, depuis des lustres, dans ses profondeurs, a déja baissé pavillon, la violence ne fait tout au plus qu’achever un travail de démolition largement facilité par la faiblesse et la lâcheté de ceux qui avaient pour mission de diriger, d’administrer, bref de faire oeuvre d’autorité. En ce sens, je conseillerais aux iconoclastes qui ne supportent plus l’ordre et le corset social d’y regarder de plus près. Qu’ils ne s’acharnent plus à subvertir ce qui se laisse doucement glisser dans l’effacement qu’ils souhaitent ! Ils n’ont même plus besoin d’accomplir un effort. Le temps et la complaisance travaillent pour eux. Il est infiniment moins élégant, de nos jours, de se battre pour maintenir et sauvegarder que de tout céder avec panache. L’allure, aujourd’hui, c’est plus de se nier que de s’affirmer. Il y a un dolorisme de la puissance qui ne s’en remet pas d’avoir été incontestable et incontestée. Et qui fait repentance. L’intelligence n’est acceptable que si elle se fait toute petite. Cachez cette maîtrise que je ne saurais voir.
Alors, pourquoi s’étonner que la violence s’en prenne à l’autorité puisque celle-ci, partout où elle devrait pourtant se manifester, ne souhaite que montrer son agonie ? Je ne crois pas qu’on l’attaque parce qu’elle existe, mais, paradoxalement, parce qu’elle n’existe plus, ou si peu. C’est comme le goût du sang, l’odeur du désastre. Absurdement, on pense retarder l’échéance en se coulant dans le lit du siècle et en disant amen à ceux qui s’avancent en société conquise.
Je suis persuadé qu’ils nous respecteraient davantage si nous décidions de résister. L’autorité, aujourd’hui, est fatiguée par avance. Parce que, pour être légitime, elle exige l’exemplarité, pour être exercée quotidiennement, la volonté et le courage.
Il est épuisant de se battre, même pour des causes bonnes, mais plus au goût du jour. Un Etat, devant un rapport aussi accablant sur notre société et les forces censées la structurer, devrait, toutes affaires cessantes, en tirer les conclusions.
Réformer l’esprit public, une tâche impossible.
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