Un financement du modèle social par tous ? Est-ce possible ?
TVA « sociale » ?, « Contrat de travail à durée déterminée universel » ?, suppression du droit à contestation du licenciement ?... Des lendemains qui déchantent ?
Comment peut-on qualifier de « sociale » une taxe qui aura pour effet :
- De dispenser les entreprises du paiement des conséquences des accidents du travail et des maladies professionnelles ;
- de les dispenser d’assumer les conséquences financières des licenciements déjà largement pris en compte par la communauté notamment par le RMI et le financement public de tous les contrats de réinsertion ;
- qui viendra ponctionner en pourcentage plus sévèrement les salaires moyens et faibles utilisés à 100 % pour l’accès aux biens de consommation essentiels ;
- qui reprendra aux salariés mieux lotis les avantages consentis par les deux mesures phares que sont les heures supplémentaires et la déduction des intérêts d’emprunt pour l’achat de l’habitation principale dont en outre les conséquences sur l’emploi et l’augmentation des prix de l’immobilier ne sont pas maîtrisées ;
- qui risque d’induire un net renchérissement des biens ou une compression des coûts de production, ce qui ne va pas non plus dans le sens de l’emploi ;
- qui ne changera en rien le mouvement des délocalisations tant que les salaires des autres continents (Inde, Chine...) seront très largement en dessous des salaires européens.
Reprenons un à un ces dommages collatéraux :
Sur la santé au travail
Imaginez que demain un accident du travail ou une maladie professionnelle n’aient plus aucune conséquence sur les taxes payées par l’entreprise responsable : cette situation ne pourra que mettre à mal tous les efforts faits pour assurer la santé au travail.
Sur la responsabiblité sociale des entreprises
- Imaginez que demain, il n’y ait plus pour les entreprises de cotisation chômage mais un droit à tirage total sur les moyens de la communauté : la « responsabilité sociale des entreprises » restera, et pour longtemps, lettre morte : pourquoi payer pour la formation des salariés ? Pourquoi faire des plans « sociaux » doux euphémisme pour les plans apportant quelques correctifs aux conséquences des licenciements collectifs ? Pourquoi y inclure des mesures de réindustrialisation des bassins d’emploi ?
- Si le « contrat à durée déterminée universel » que sera en réalité ce « contrat de travail unique », favorisant les ruptures de contrats avant que ne jouent les protections financières des salariés, est mis en place ;
- si parallèlement les barrières du code du travail au licenciement sans cause sont mises à mal puisque se colporte, sans aucune justification statistique, que la judiciarisation des ruptures de contrat de travail est trop importante en France alors que le nombre d’affaires prud’hommales ne dépasse pas 1 % des contrats de travail en cours* .
Que restera-t-il aux salariés si ce n’est une totale précarité qu’ils devront unilatéralement financer ?
Même le Figaro du 11 juin, journal qui ne peut être taxé d’antigouvernemental, s’inquiète de la situation du budget de l’Etat après les paquets cadeaux fiscaux précités auxquels pour faire bon poids on ajoute le bouclier fiscal pour les plus aisés et la réduction des impôts de succession pour ceux qui ont un patrimoine à transmettre, c’est-à-dire sûrement pas les 50 % de salariés du privé qui gagnent moins de 1500 € par mois**.
Sur le pouvoir d’achat et sur l’emploi
Qui peut dire que ce surcoût de la TVA n’aura aucune conséquence sur les prix ? Qui peut prétendre que l’augmentation de ces prix sera à coup sûr inférieure aux ressources nouvelles apportées par les éventuelles heures supplémentaires ou le remboursement partiel des intérêts d’emprunt de l’habitation principale ? Personne.
Comme le souligne le Figaro on a affaire à des mesures psychologiques dont le coût différé risque d’être fort lourd et notamment en terme d’emploi si la consommation intérieure qui porte actuellement nos résultats économiques venait à baisser.
Qui peut sérieusement prétendre que cela nous donnera une compétitivité nouvelle par rapport aux salaires des pays émergents ?
Cela veut-il dire qu’il ne faut rien faire ? Bien sûr que non :
On peut, à mon sens, envisager de transférer sur la communauté les conséquences financières des évènements qui nous sont réellement « communs » et par exemple :
-
les cotisations de la maladie non professionnelle,
-
de la dépendance du grand âge,
-
un minimum retraite pour tous quel que soit son statut,
-
les allocations familiales.
Encore faudrait-il que ce transfert se fasse de façon proportionnelle aux revenus quels qu’ils soient.
Dans cette hypothèse, une augmentation de la CSG (contribution sociale généralisée) aurait un véritable sens quant à la solidarité dans notre modèle social et serait infiniment plus équitable qu’une augmentation de la TVA.
Monsieur Sarkozy aura-t-il le courage de dire que tous les revenus de la nation doivent contribuer à la prévoyance ?
Aura-t-il le courage de dire aux entreprises qu’elles ne s’installent pas dans un désert mais bénéficient de l’environnement social qui est le nôtre : santé et formation initiale des salariés mis à leur disposition, infrastructures etc., et qu’elles nous doivent en retour une participation quant aux conséquences de leurs décisions sur cet environnement ?
* (cf. statistiques du ministère de la Justice par rapport à la statistique Insee du nombre de salariés )
** (source : L’état des inégalités en France 2007)
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